Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 août 2015 et le 13 mai 2016, la commune de Husseren-les-Châteaux, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1303409 du 17 juin 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté aurait dû être notifié à la communauté de communes de Colmar en application de l'article 60-II de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 car elle avait un intérêt direct dans la détermination du périmètre de la communauté de communes du Pays de Rouffach ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne prend pas en compte les orientations de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales, qui devaient présider à l'élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale et relatives à la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale ;
- les dispositions de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités locales n'ont pas pour portée d'imposer à la commune de Husseren-les-Châteaux de rejoindre la communauté de communes choisie par la commune dans laquelle elle est enclavée, mais doivent être appréciées globalement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'article 60-II de la loi du 16 décembre 2010 n'est pas méconnu dès lors que le territoire de la communauté de communes de Colmar n'était pas modifié par l'arrêté contesté ;
- les orientations de l'article L. 5210-1-1 ne sont pas méconnues ;
- aucune priorité n'a été donnée à la commune d'Eguisheim et l'article L. 5216-1 du code général des collectivités locales pose le principe d'interdiction de création d'enclaves.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune d'Husseren-les-Châteaux.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre des travaux préparatoires au schéma départemental de coopération intercommunale, établi par le préfet du Haut-Rhin sur le fondement de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales, issu de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, la commune de Husseren-les-Châteaux qui n'appartenait à aucun établissement public de coopération intercommunale a formulé le voeu d'être rattachée à la communauté d'agglomération de Colmar.
2. Aux termes du schéma départemental de coopération intercommunale approuvé par l'arrêté 23 décembre 2011 du préfet du Haut-Rhin, la commune de Husseren-les-Châteaux a été rattachée à la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux". Cet arrêté a été contesté par la commune de Husseren-les-Châteaux devant le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement en date du 3 juillet 2013, a rejeté sa demande comme irrecevable, eu égard au caractère préparatoire de la décision contestée.
3. Par un arrêté en date du 21 décembre 2012, le préfet du Haut-Rhin a fixé le projet de périmètre de la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" y intégrant la commune de Husseren-les-Châteaux. Ce projet soumis au vote des conseils municipaux des communes intéressées a obtenu la majorité qualifiée requise et a recueilli l'avis favorable du conseil de la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux".
4. Par l'arrêté contesté du 28 mai 2013, le préfet du Haut-Rhin a décidé d'étendre la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" à la commune de Husseren-les-Châteaux à compter du 1er janvier 2014. Il a également décidé que la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" représenterait la commune de Husseren-les-Châteaux, pour l'exercice de ses compétences, au sein du SIVOM du canton de Wintzenheim, du syndicat mixte des employeurs forestiers de Colmar, Rouffach et environs et du syndicat intercommunal d'enlèvement des ordures ménagères des environs de Colmar.
5. La commune de Husseren-les-Châteaux qui conteste ce rattachement, interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 mai 2013.
Sur la légalité externe de l'arrêté du 28 mai 2013 :
6. Le II de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 prévoit au titre de dispositions transitoires, qu'après la publication du schéma départemental de coopération intercommunale, le préfet propose, jusqu'au 31 décembre 2012, pour la mise en oeuvre du schéma, la modification du périmètre de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et que, par un arrêté de projet de périmètre, il dresse la liste des communes intéressées.
7. Aux termes du II de l'article 60 : " Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département au président de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal (...) ".
8. La commune de Husseren-les-Châteaux fait valoir que l'arrêté préfectoral du 21 décembre 2012, portant projet de périmètre d'extension de la communauté de communes du "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" n'a pas été notifié à la communauté d'agglomération de Colmar qui devait être regardée comme intéressée au sens du II de l'article 60, dans la mesure où elle était un des deux établissements publics de coopération intercommunale auquel pouvait être rattachée la commune de Husseren-les-Châteaux, qu'elle avait manifesté son accord pour ce rattachement, tout comme certaines autres communes de la communauté d'agglomération.
9. Cependant, il ne ressort ni des termes de l'article 60, qui ne prévoit, outre l'avis des établissements publics de coopération intercommunale intéressés que l'accord des communes comprises dans le projet de périmètre, ni d'aucun autre document et notamment pas des travaux préparatoires de la loi du 16 décembre 2010 invoqués par la commune requérante, que ces dispositions imposent au préfet de notifier l'arrêté portant projet de périmètre à d'autres organes délibérants d'établissement public de coopération intercommunale que l'établissement d'accueil. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
Sur la légalité interne de l'arrêté du 28 mai 2013 :
10. Aux termes de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et de l'exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. (...) / III.- Le schéma prend en compte les orientations suivantes : / 1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants (...) / 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; / 3° L'accroissement de la solidarité financière ; / 4° La réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes au regard en particulier de l'objectif de suppression des doubles emplois entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes ; / 5° Le transfert des compétences exercées par les syndicats de communes ou les syndicats mixtes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; / 6° La rationalisation des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de respect des principes du développement durable (...) ".
11. La commune de Husseren-les-Châteaux soutient que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne prend pas en compte les orientations de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales, qui devaient présider à l'élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale. L'arrêté méconnait ainsi l'orientation de cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale dès lors que la commune requérante appartient au bassin de vie de Colmar et remplit le critère essentiel de cette orientation. S'agissant de l'accroissement de la solidarité financière, l'arrêté contesté conduit à une augmentation des impôts locaux pour les habitants de la commune. Enfin, l'orientation de la rationalisation financière est méconnue, certains services publics, tel les services de l'eau, ayant leur gestion rattachée au bassin de Colmar.
12. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'arrêté contesté, en prévoyant le rattachement de la commune de Husseren-les-Châteaux à la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux", respecte le schéma départemental de coopération intercommunale approuvé par l'arrêté 23 décembre 2011 du préfet du Haut-Rhin qui assure, en application du I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales, une couverture intégrale du territoire départemental par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi que la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. Il est constant que la commune de Husseren-les-Châteaux qui, à l'instar de quatre autres communes voisines, n'appartenait, avant la mise en oeuvre du schéma, à aucun établissement public de coopération intercommunale, devait nécessairement, ce que d'ailleurs, elle ne conteste pas, être intégrée à un établissement de coopération. En outre, eu égard à l'impératif défini au I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales imposant la suppression de toute discontinuité territoriale et à la situation particulière de la commune de Husseren-les-Châteaux qui est d'être entièrement enclavée dans le territoire de la commune d'Eguisheim, sa situation était nécessairement liée à celle de cette commune. Dans ces conditions particulières, eu égard aux conditions impératives du I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales, la commune de Husseren-les-Châteaux qui a, à l'égal des autres communes, été associée aux travaux préparatoires du schéma départemental, ne peut utilement faire valoir, au regard de sa seule situation, que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne prendrait pas en compte les orientations prévues au III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales. Au demeurant, la commune de Husseren-les-Châteaux n'établit pas que le préfet du Haut-Rhin qui était lié par les impératifs de continuité territoriale des établissements publics à créer, aurait en arrêtant le périmètre proposé qui n'a d'ailleurs pas été contesté, commis une erreur manifeste d'appréciation sur la vocation des dix communes pressenties pour constituer la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" à constituer un espace de solidarité en vue de l'élaboration d'un projet commun de développement.
13. La commune de Husseren-les-Châteaux fait ensuite valoir que les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant que l'article L. 5216-1 du code général des collectivités locales lui imposait de rejoindre la communauté de communes choisie par la commune d'Eguisheim dans laquelle elle est enclavée et qu'il appartenait au préfet, dans un tel cas de désaccord entre les deux communes, de procéder au rattachement le plus pertinent au regard des objectifs de l'article L. 5210-1-1 du code et en déduit une atteinte à ses droits.
14. L'article L. 5216-1 étant relatif aux communautés d'agglomération et non aux communautés de communes, la commune de Husseren-les-Châteaux doit être regardée comme entendant invoquer les dispositions de l'article L. 5214-1 du code qui comporte des dispositions analogues pour les communautés de communes en imposant des regroupements d'un seul tenant et sans enclave.
15. Aux termes de l'article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales : " la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur prévoie par ailleurs les conditions dans lesquelles une commune peut être intégrée à un établissement public de coopération intercommunale, alors même qu'elle aurait manifesté son désaccord. Au demeurant, les dispositions de l'article L. 5211-5 du même code, qui définissent les règles de création de ces établissements prévoient qu'une telle création est décidée après accord des conseils municipaux des communes concernées et que cet accord est valablement exprimé " par deux tiers au moins des conseils municipaux représentant plus de la moitié de la population totale [des communes intéressées] ou par la moitié au moins des conseils municipaux représentant les deux tiers de la population ".
16. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige résulte, ainsi qu'il a été dit, des travaux relatifs au schéma départemental de coopération intercommunale du Haut-Rhin qui ont entre autres, permis d'analyser la situation particulière des communes d'Eguisheim, Herrlisheim-PrèsColmar, Husseren-les-Châteaux, Obennorschwihr et Voegtlinshoffen, communes voisines et isolées ainsi que la situation des deux établissements publics de coopération intercommunale qu'elles étaient susceptibles de rejoindre, avant d'opter pour un rattachement à la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux". A ce stade du projet, les auteurs du schéma ne se sont pas bornés à considérer les seuls voeux de la commune d'Eguisheim pour déterminer la communauté de rattachement de Husseren-les-Châteaux, mais l'ensemble de la situation des communes concernées par cette problématique. Ainsi, alors même que la commune de Husseren-les-Châteaux a persisté dans son voeu d'être rattachée à la communauté d'agglomération de Colmar et que les conseils municipaux d'autres communes de cet établissement public ont adopté avant l'adoption du schéma, des motions de soutien, le préfet du Haut-Rhin qui a pris acte du vote des conseils municipaux dont neuf sur dix étaient favorables à la création de la communauté de communes "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux", ne pouvait, conformément aux principes énoncés à l'article L. 5214-1 que décider d'étendre le territoire de la communauté de communes du "Pays de Rouffach, Vignobles et châteaux" à celui d'Husseren-les-Châteaux.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Husseren-les-Châteaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Husseren-les-Châteaux au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Husseren-les-Châteaux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Husseren-les-Châteaux et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
''
''
''
''
2
N° 15NC01835