Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 septembre 2015 et 15 mars 2016, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2014 en ce qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 octobre 2014 du préfet du Loiret, dans cette mesure ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", un titre " ascendant à charge " ou, à défaut, " visiteur ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour au titre du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'une erreur de droit ; le préfet du Loiret a méconnu sa compétence en se bornant à s'en remettre à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) ; le préfet doit indiquer les éléments de droit et de fait qui justifient le refus de séjour ; il ne démontre pas que les soins et traitements psychiatriques dont elle a besoin sont disponibles en Guinée ; il convient de se référer à l'instruction DGS/MC1/RI2/2011/417 du 10 novembre 2011 qui définit la notion de traitement approprié ; le préfet ne produit pas la liste nationale des médicaments essentiels ; en tout état de cause, cette liste qui date de 2012 est ancienne et ne démontre pas l'existence de ces médicaments ; il n'est pas justifié de la qualité et de la qualification du conseiller médical du directeur général de l'ARS ; elle démontre qu'il n'existe pas de structures médicales adaptées dans son pays d'origine ; son pays est touché depuis mars 2014 par l'épidémie du virus Ebola ; l'avis du 7 janvier 2015 du médecin de l'ARS ne comporte pas la mention selon laquelle elle peut voyager sans risque ; elle justifie de l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- la décision contestée, qui lui refuse également un titre de séjour portant la mention " visiteur ", n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'une erreur de droit ; elle est prise en charge par sa fille qui justifie, avec son époux, de ressources suffisantes ; elle peut se prévaloir sur ces points de la circulaire du 17 janvier 2006 relative au regroupement familial ;
- elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ; le préfet a commis une erreur de droit et un erreur de fait ; le préfet a ajouté au texte en exigeant qu'elle justifie d'une durée de résidence en France et qu'elle soit isolée dans son pays d'origine ; elle n'a plus d'attaches familiales en Guinée ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Un mémoire en défense a été présenté le 27 novembre 2015 par le préfet du Loiret qui conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête d'appel est irrecevable faute pour Mme A...de demander l'annulation du jugement de première instance et que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet.
1. Considérant que Mme A... relève appel du jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2014 du préfet du Loiret en ce qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision du 7 octobre 2014 comporte les considérations de droit et fait, notamment les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée, qui en constituent le fondement ; que, par suite le moyen tiré de ce que cette décision est insuffisamment motivée, qui n'est assorti d'aucune précision, doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l 'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale (...) " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui vient au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis rendu le 3 septembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) du Centre a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait un traitement approprié en Guinée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret se serait cru, à tort, lié par l'avis émis par le médecin de l'ARS et aurait ainsi commis une erreur de droit ; que l'étude portant sur l'accessibilité des services de santé dans l'Afrique de l'Ouest datée de 2008, les certificats médicaux, qui ne prennent pas partie sur l'existence d'un traitement approprié en Guinée, les articles de presse versés au dossier par Mme A...de même que ses considérations relatives à l'épidémie liée au virus Ebola ne suffisent à remettre en cause, ni l'avis du médecin de l'ARS, ni les éléments produits par le préfet selon lesquels figurent sur la liste nationale des médicaments essentiels de 2012 des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits en France ; que les prétendues irrégularités entachant l'avis du 7 janvier 2015 du médecin de l'ARS, qui a été consulté postérieurement à la décision litigieuse, par le préfet, à la suite de nouveaux éléments produits par l'intéressée sont sans incidence sur légalité de la décision contestée ; que Mme A... ne peut se prévaloir utilement des orientations générales de la circulaire du 10 novembre 2011 du ministre chargé de la santé adressée aux directeurs régionaux des agences régionales de santé relative aux recommandations pour émettre les avis médicaux concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Loiret aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention " visiteur " " ; que ces dispositions ne dérogent pas à l'obligation de visa de long séjour prévue à l'article L. 311-7 du même code ;
8. Considérant que, pour refuser à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Loiret s'est fondé sur la circonstance non contestée que l'intéressée ne justifiait pas d'un visa de long séjour et non, contrairement à ce qu'elle soutient, sur les ressources dont elle disposerait ; que Mme A...ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 17 janvier 2006, dépourvue de caractère réglementaire et relative au regroupement familial ouvert aux ascendants d'un ressortissant étranger ; qu'il suit de là que moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) " ;
10. Considérant que pour bénéficier d'une carte de résident en qualité d'ascendant à charge, le demandeur doit démontrer être effectivement à la charge de ses descendants et produire un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que Mme A...est titulaire d'un visa de 47 jours, ainsi que l'a relevé le préfet, et ne démontre pas avoir été à la charge de sa fille à la date de la décision contestée ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient MmeA..., cette décision n'est entachée, ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur de fait ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
12. Considérant que, si Mme A...soutient qu'elle est veuve et hébergée en France par sa fille qui constitue sa seule famille, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que l'intéressée, qui est entrée récemment sur le territoire français, à l'âge de 69 ans, serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet du Loiret n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs pour lesquels il a pris sa décision et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à sa requête, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02927 3
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