Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 et 27 juillet 2016 M. A...C..., représenté par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 mai 2016 ;
2°) d'enjoindre à la société ERDF, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de déposer le poteau électrique irrégulièrement implanté sur sa propriété ;
3°) de condamner la société ERDF à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la société ERDF la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le poteau électrique a été implanté irrégulièrement sur sa propriété en 1998 car la convention dont fait état la société ERDF n'a jamais existé ;
- cette implantation est irrégulière en application de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ;
- la régularisation de l'ouvrage est impossible car celui-ci se situe sur un terrain bâti ;
- la dépose du poteau ne contrevient pas à l'intérêt général mais à un intérêt particulier, qui est celui de la maison voisine desservie par l'ouvrage, maison qui a été construite irrégulièrement sur une parcelle non constructible ; il appartient à la société ERDF d'établir la réalité d'une atteinte à l'intérêt général ;
- il n'a pas reçu d'indemnisation pour l'installation de ce poteau, en méconnaissance de la loi du 15 juin 1906 ;
- son préjudice, constitué par un préjudice de vue, la perte de valeur de son terrain, l'absence d'indemnisation et l'obligation d'accomplir des démarches administratives et judiciaires pour faire valoir ses droits, justifie le versement d'une somme de 10 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 9 juin 2017 la société Enedis, venant aux droits de la société ERDF, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif était irrecevable car le rejet implicite intervenu à la suite de son courrier du 22 juin 2015 est purement confirmatif du rejet d'une demande identique de déplacement de l'ouvrage signifié par un courrier du 2 février 2007 ;
- pour le même motif, en application des principes dégagés par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 13 juillet 2016 M.B..., sa demande était tardive ;
- le tribunal administratif a statué ultra petita en estimant que M. C...devait être regardé comme demandant l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande alors qu'il ne présentait pas de telles conclusions ;
- les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...en première instance comme en appel sont manifestement irrecevables ;
- ses conclusions indemnitaires sont irrecevables en application de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance d'Orléans, qui a rejeté sa demande d'indemnisation par un jugement du 26 octobre 2016 devenu définitif ;
- la créance de M. C...est prescrite en application de la prescription quadriennale prévue par la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...est propriétaire depuis le 6 janvier 1979 d'un terrain situé à Chateauneuf-sur-Loire (Loiret), sur lequel il a fait construire une maison en 1983 ; que la société Electricité de France (EDF) a installé en 1998 sur son terrain un poteau servant de support au réseau d'alimentation électrique ; que, par un courrier du 22 juin 2015, M. C...a demandé à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) venant aux droits de la société EDF, de déposer ce poteau et de lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il relève appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au prononcé d'une injonction à l'encontre de la société ERDF et à la condamnation de cette dernière à l'indemniser de ses préjudices ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction :
2. Considérant qu'il est constant que M. C...a, par un premier courrier du 16 janvier 2007, adressé à la société EDF une demande de déplacer le poteau implanté sans son accord sur sa propriété ; que cette demande a fait l'objet d'une décision expresse de refus de la société datée du 2 février suivant ; que M. C...n'a pas formé de recours contre cette décision de refus, qui est ainsi devenue définitive ; qu'en l'absence de toute modification dans les circonstances de fait ou dans la réglementation applicable, la décision implicite de la société ERDF, venant aux droits de la société EDF, rejetant la demande identique présentée par M. C... le 22 juin 2015 a le caractère d'une décision purement confirmative de la décision du 2 février 2007 ; qu'elle n'a, dès lors, pu avoir pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux ; qu'il suit de là que la société Enedis, venant aux droits de la société ERDF, est fondée à soutenir que les conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Considérant que, saisi du recours formé par M. C...tendant à ce que la société ERDF soit condamnée à retirer le poteau implanté sur sa propriété et à l'indemniser des préjudices subis, le tribunal de grande instance d'Orléans s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande à fin d'injonction par une ordonnance du 27 mars 2012 et a rejeté la demande d'indemnisation par un jugement du 26 octobre 2016, notifié à l'intéressé par acte d'huissier du 16 février 2017 et dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il aurait été fait appel ; que le tribunal a jugé, dans les motifs de cette décision inséparables de son dispositif, que la créance dont se prévalait M. C...à raison des préjudices résultant pour lui de l'installation irrégulière d'un poteau électrique sur sa propriété, était prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; que la demande indemnitaire formée par M. C...contre la société ERDF devant le tribunal administratif d'Orléans se fonde sur le même fait générateur et a trait à la même créance que la demande que le tribunal de grande instance d'Orléans a rejetée par le jugement du 26 octobre 2016 ; que, dès lors, la société Enedis est fondée à opposer l'autorité de la chose jugée par cette décision aux conclusions indemnitaires présentées par le requérant ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme demandée par la société Enedis au titre des même frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la société Enedis.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. PerrotLe greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02183