Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7, 23 mars et 10 mai 2016, Mme C... D...néeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2015 du préfet du Loiret ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale ", ou subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation de séjour provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la motivation de l'arrêté est insuffisante
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a en premier lieu commis une erreur de droit en se croyant lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- il ne démontre pas que les soins et le traitement nécessaires à Mme D...sont disponibles en Centrafrique ni qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- elle justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles, la qualité de travailleur handicapée lui a été reconnue ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
- les dispositions du 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2016, le préfet du Loiret, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en remet à ses observations en défense produites en première instance.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé, président de chambre.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante de la république centrafricaine, déclare être entrée en France le 23 septembre 2010, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour à entrées multiples ; que se prévalant de son état de santé, elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire délivrée le 4 février 2011 et renouvelée jusqu'au 24 février 2015 ; que, par arrêté du 11 juin 2015, le préfet du Loiret a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que l'intéressée relève appel du jugement n°1503282 du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté, que Mme D...reprend en appel, doit être écarté par adoption des motifs du point 2 du jugement attaqué, retenus à bon droit par les premiers juges ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (..)10° l'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, pour refuser de renouveler le titre de séjour de MmeD..., le préfet du Loiret s'est fondé sur l'avis du 9 avril 2015 émis par le médecin de l'agence régionale de santé de la région Centre selon lequel, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et elle peut voyager sans risque vers ce pays ; que le médecin de l'agence régionale de santé a précisé que : " l'affection qui avait nécessité un traitement actif non disponible en Centrafrique, est maintenant stabilisée sans traitement actif. La simple surveillance peut être réalisée dans le pays d'origine " ; que le préfet s'est également fondé, pour prendre la décision contestée, sur un courriel du médecin chef du centre médico-social rattaché à l'ambassade de France à Bangui en vertu duquel le suivi clinique de l'hépatite C, dont Mme D...a révélé souffrir, peut être réalisé à l'institut Pasteur même si des traitements anti viraux ne sont pas disponibles sur place ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet se serait cru à tort lié par l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'elle ne produit pas d'élément de nature à remettre en cause l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé ; que ni la circonstance qu'elle s'est vu reconnaître en France la qualité de travailleur handicapé, ni la situation d'instabilité politique et sociale prévalant en Centrafrique ne sauraient constituer une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant l'arrêté contesté ;
7. Considérant que Mme D...se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis plus de quatre ans, de ce qu'elle a bénéficié d'une formation en vue d'occuper un emploi d'assistante de vie et justifie d'une promesse d'embauche dans ce secteur, que l'aînée de ses cinq enfants, majeure, est titulaire d'une carte de résident en France où résiderait également sa soeur, et enfin de ce que son père a la qualité d'ancien combattant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante quatre ans, ni être dans l'impossibilité de rejoindre ses quatre enfants mineurs qui, selon ses déclarations, vivent au Cameroun ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet du Loiret n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que son pronostic vital serait engagé en cas de retour dans son pays d'origine ; que si elle soutient par ailleurs qu'elle risque des traitements inhumains en cas de retour dans son pays où sa maison a été incendiée, il est constant qu'elle n'a pas sollicité l'admission au statut de réfugié et que, par les documents qu'elle produit, elle n'établit pas encourir personnellement des risques pour sa santé ou sa sécurité en cas de retour en Centrafrique ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
10. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Lenoir, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2016.
Le présiden, rapporteur,
L. LAINÉ
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
H. LENOIR Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT00900 3
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