Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, M.A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française n° 1400303 du 9 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 28 février 2014 lui infligeant un avertissement ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier puisqu'il repose sur un moyen soulevé d'office qui n'a pas été préalablement transmis aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs dans la mesure où les premiers juges ayant admis que M. A...avait volontairement renoncé à son jour de congé, ils devaient également admettre que celui-ci pouvait tout aussi volontairement décider de prendre son jour de congé sans être passible de sanction ;
- il est insuffisamment motivé dans la mesure où il ne répond pas au moyen tiré de ce que la procédure de rappel n'aurait pas été respectée ;
- l'ordre verbal imposant à M. A...de venir travailler le 14 décembre 2012 n'était pas motivé en droit et aurait du prendre la forme d'un écrit ;
- l'ordre de venir travailler le 14 décembre 2012 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation puisque la procédure de rappel pour nécessité de service prévue par l'article 113-35 du règlement général d'emploi de la police nationale n'ayant pas été mise en place à l'égard de
M.A..., ces mêmes nécessités de service étaient inexistantes ;
- l'ordre de venir travailler le 14 décembre 2012 est entaché d'erreur de droit et révèle un détournement de procédure dans la mesure où il a eu pour effet de déroger à la procédure de rappel issue de l'article 113-35 du règlement général d'emploi de la police nationale en se fondant uniquement sur l'article 111-6 du même règlement ;
- l'ordre litigieux a eu pour effet de porter atteinte à la liberté d'aller et venir du requérant ;
- la décision du 28 février 2014 repose sur des faits matériellement inexacts dans la mesure où il ressort des pièces du dossier que l'ordre de venir travailler n'a jamais été clairement formulé ;
- la sanction d'avertissement prise à l'égard de M. A...est disproportionnée au regard de la faute commise puisque l'ordre émis de venir travailler le 14 décembre 2012 résulte de dysfonctionnements internes au service susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
- l'arrêté ministériel du 7 mai 1974 modifié portant règlement intérieur d'emploi des gradés et gardiens de la paix de la police nationale ;
- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,
1. Considérant que M.A..., gardien de la paix, en poste à Papeete, a déposé une demande de congé, pour convenances personnelles, pour la journée du 14 décembre 2012 ; que le
13 décembre 2012, son supérieur hiérarchique lui a intimé l'ordre de prendre son service le
14 décembre 2012 à 5h00 du matin, en raison d'un sous effectif imputable à l'absence imprévue d'un agent en arrêt maladie pour blessure ; que, par un arrêté du 28 février 2014, le directeur de la sécurité publique de la Polynésie française a infligé à M. A...un avertissement pour ne s'être pas présenté le 14 décembre 2012, malgré l'ordre qui lui avait été adressé à cette fin ; que M. A...fait appel du jugement du 9 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en estimant que M. A...devait être regardé comme s'étant porté volontaire pour travailler le 14 décembre 2012, les premiers juges se sont bornés, au soutien de leur raisonnement, à apprécier les faits mais n'ont nullement soulevé d'office un moyen d'ordre public relevant des dispositions de l'article R 611-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ; que, ce faisant, ils n'ont pas rendu un jugement au mépris du principe du contradictoire ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A...soutient que le jugement serait entaché d'une contradiction dans ses motifs, un tel moyen, qui se rattache au bien fondé de la décision juridictionnelle, n'affecte pas sa régularité ; qu'en tout état de cause, en se bornant à relever que les premiers juges l'ont regardé comme s'étant volontairement désigné pour assurer son service le
14 décembre 2012, le requérant n'établit pas en quoi il serait résulté de cette appréciation des faits une contradiction ;
4. Considérant, enfin, qu'il résulte du point 4 du jugement attaqué, que les premiers juges ont suffisamment énoncé les motifs les ayant conduit à écarter le moyen tiré de ce que l'administration aurait du mettre en place la procédure de rappel définie par l'article 113-35 du règlement général de l'emploi dans la police nationale susvisé, préalablement au prononcé de la sanction litigieuse ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation dudit jugement doit être écarté ;
Sur la légalité de la sanction litigieuse :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) " ; qu'aux termes de l'article 111-6 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Dans le respect des lois et règlements en vigueur, notamment du code de déontologie de la police nationale, tout fonctionnaire de police a le devoir d'exécuter loyalement les instructions et les ordres qui lui sont donnés par l'autorité supérieure. Il est responsable de leur exécution, ou des conséquences de leur inexécution dont il a l'obligation de rendre compte (...) " ;
6. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes ;
7. Considérant, en premier lieu, que M. A...fait valoir que l'ordre qui lui a été adressé le 13 décembre 2012 par son supérieur hiérarchique de prendre son service le lendemain à 5h00 n'a pas été clairement formulé et, qu'ainsi, la sanction prononcée repose sur des faits matériellement inexacts ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport adressé par l'intéressé le 19 décembre 2012 que son supérieur lui " a fait part d'un rappel au service le 13 décembre seulement pour le lendemain, suite à l'arrêt de maladie d'un collègue " ; que l'intéressé a réitéré ces propos lors d'une audition organisée dans le cadre de la procédure disciplinaire, qui a donné lieu à un procès verbal le 5 juillet 2013 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'ordre adressé au requérant aurait été dépourvu de clarté doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ordre ainsi adressé par le supérieur hiérarchique de M. A...était manifestement illégal et de nature à compromettre gravement l'intérêt du service ; qu'il est constant qu'il répondait en revanche à l'intérêt du service et à la nécessité de pouvoir disposer d'au moins six fonctionnaires présents au cours de la journée du 14 décembre 2012 ; que les moyens soulevés par l'intéressé tirés de l'irrégularité de l'ordre émis en ce qu'il aurait du prendre la forme d'un écrit, ce qui n'est au demeurant exigé par aucune disposition, en ce qu'il aurait été insuffisamment motivé en droit, en ce qu'il reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation des faits, en ce qu'il aurait été pris en méconnaissance de l'article 113-35 de l'arrêté du 6 juin 2006 susvisé relatif à la procédure de rappel au service, révélant ainsi un détournement de procédure, et en ce qu'il porterait atteinte à sa liberté d'aller et venir sont inopérants et doivent être écartés ;
9. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui savait son service en sous effectif, a sciemment désobéi à l'ordre qui lui avait été donné d'être présent le 14 décembre 2012 à 5h00, journée au cours de laquelle il est resté injoignable ; que l'avertissement prononcé à son égard n'est pas disproportionné au regard de la faute ainsi commise ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'un tel sous effectif résulterait d'un fonctionnement défectueux du service ne saurait exonérer M. A...de l'obligation qui était la sienne d'obéir à l'ordre qui lui a été intimé d'être présent le 14 décembre 2012 au sein de son commissariat ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a refusé de faire droit à sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, soit condamné au versement des sommes que M. A...réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A..., au ministre de l'intérieur et au
haut-commissaire de la république en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Even, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN
Le greffier,
I.BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00963