Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2015, M. et MmeC..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1205139 et n° 1300663 du 18 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C...soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'administration devait procéder à un contrôle sur place préalable des sociétés dont ils étaient associés ; en l'absence d'un tel contrôle, les droits de la défense et le devoir de loyauté ont été méconnus et un détournement de procédure commis ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et le devoir de loyauté ont été méconnus, à défaut de communication des éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Dom Tom Défiscalisation ;
- si l'administration leur a communiqué les documents obtenus à la suite de l'exercice du droit de communication, tous les documents demandés ne leur ont pas été communiqués ; que l'instruction fiscale référencée 13 L-6-06 du 21 septembre 2006 n'a pas été respectée ;
- le bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions des articles 199 undecies B du code général des impôts et 95 Q de l'annexe II à ce code est seulement subordonné au caractère productif par nature de l'investissement sans qu'il soit exigé que l'investissement soit entré en production ni même en mesure de le faire immédiatement, ce que confirme le bulletin officiel BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 du 12 septembre 2012 ; le droit à la réduction d'impôt naît de la livraison de l'investissement, au sens de l'article 1604 du code civil, ce que confirme le bulletin officiel BOI-SJ-AGR-40 du 7 octobre 2013 ; dans le cas d'une acquisition, seule la date de livraison importe ; aucune disposition n'impose que l'investissement soit raccordé au réseau électrique, ni qu'il ait obtenu une certification Consuel ou ait fait l'objet d'une demande d'autorisation préalable ;
- l'absence de raccordement au réseau électrique résulte du délai de traitement des demandes par EDF.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme C...ont porté dans les déclarations de revenus qu'ils ont souscrites au titre des années 2007 à 2009, le montant des réductions d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier en qualité d'associés de sociétés en participation (SEP), dont la gestion était assurée par la société à responsabilité limitée Dom Tom Défiscalisation (DTD), sur le fondement du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer qui consistaient en l'acquisition de centrales photovoltaïques devant ensuite être exploitées par des sociétés locales ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces des déclarations de M. et MmeC..., l'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôt dont les contribuables avaient ainsi entendu bénéficier au motif, notamment, que les investissements ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que M. et Mme C...font appel du jugement du 18 décembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 en conséquence de la reprise de ces réductions d'impôt, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
3. Considérant que les propositions de rectification du 21 décembre 2010 et du 8 novembre 2011 notifiées à M. et Mme C...mentionnent, après avoir présenté de façon détaillée et sans opérer de confusion entre les SEP dont ils sont associés et la société DTD, chargée de la gestion des SEP, l'opération d'investissement à laquelle les intéressés ont souscrit portant sur des panneaux photovoltaïques, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause les réductions d'impôt pratiquées au titre de ces investissements ; que la circonstance que ces propositions de rectification ne précisent pas la dénomination sociale des SEP est sans incidence sur le caractère suffisant de leur motivation, dès lors que cette absence de précision n'a pas pu induire en erreur les contribuables sur la nature des rectifications notifiées par le service ni ne les a privés de la possibilité de présenter utilement leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait les 21 février 2011 et 28 décembre 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes des propositions de rectification adressées à M. et MmeC..., que les suppléments d'impôt mis à leur charge résultent exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils se prévalaient à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer ; que ces suppléments d'impôt ne procèdent pas du rehaussement du résultat des SEP imposable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; que, dès lors, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires en ce sens, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder à la vérification de comptabilité des SEP préalablement aux contrôles sur pièces dont M. et Mme C...ont fait l'objet ; que, par ailleurs, au terme de ces contrôles sur pièces, les requérants ont bénéficié d'une procédure de rectification contradictoire au cours de laquelle ils ont été mis en mesure de contester les rectifications proposées par l'administration en apportant tous les éléments justificatifs qui leur paraissaient utiles et n'ont ainsi été privés d'aucune garantie ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que les droits de la défense ont été méconnus et que l'administration a manqué à son devoir de loyauté et commis un détournement de procédure ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation d'information et de communication qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ;
7. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeC..., il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment aux termes mêmes des propositions de rectification dont ils ont été destinataires, que les renseignements obtenus par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société DTD ainsi que la proposition de rectification adressée à cette société à l'issue des opérations de vérification, auraient été effectivement utilisés pour procéder aux rehaussements qui leur ont été notifiés ; que, si les requérants soutiennent que l'administration ne leur a pas communiqué, en réponse à leur demande du 28 décembre 2011, qui faisait suite à la proposition de rectification du 8 novembre 2011 relative aux années 2008 et 2009, les documents sur lesquels elle a fondé les rectifications, il résulte de l'instruction que pour remettre en cause les réductions d'impôt en litige, l'administration ne s'est pas fondée sur la brochure d'information diffusée par la société DTD, sur le dossier de souscription proposé aux investisseurs, sur le bilan des SEP et sur le montant du loyer facturé par les SEP à la société Solar ; que le service n'était ainsi pas tenu de communiquer ces documents, mentionnés dans la proposition de rectification dans le seul but de présenter l'opération d'investissement souscrite par les requérants ; que l'administration ne s'est pas plus fondée sur des procès-verbaux de mise à disposition du 31 décembre 2007, qui ne sont au demeurant pas cités dans la proposition de rectification, pas plus que sur des factures émises par une société tierce au nom de chaque SEP en 2007 ; que le service n'était ainsi pas tenu de communiquer ces documents, qui n'ont pas été utilisés pour asseoir les rehaussements ; que, dans ces conditions, l'administration n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ni manqué à son devoir de loyauté ; qu'à cet égard, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'instruction fiscale référencée 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, qui est relative à la procédure d'imposition et ne peut ainsi être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la livraison effective de l'immobilisation ou de sa création dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise dispose matériellement de l'investissement productif et peut commencer son exploitation effective ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
10. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées, l'exploitation effective d'une centrale photovoltaïque ne peut commencer que lorsque les panneaux qui la composent ont été livrés puis assemblés, et la centrale raccordée au réseau public d'électricité ; que, s'agissant de la création d'une immobilisation, M. et Mme C...ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1604 du code civil relatives aux livraisons et soutenir que le droit à réduction d'impôt naîtrait de la livraison du bien ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction et qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 31 décembre de chacune des années d'imposition en litige, les installations n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi commencer ; qu'en se bornant à soutenir que l'absence de raccordement n'est pas dû aux SEP dans lesquelles ils ont investi, les requérants n'apportent aucun élément de nature à infirmer le constat de fait sur lequel s'est fondée l'administration ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeC..., l'administration fiscale, en relevant le défaut de raccordement au réseau, au 31 décembre de chacune des années en litige, des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés dans lesquelles ils ont investi et l'impossibilité qui en résultait de commencer leur exploitation, s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles sont soumis les investissements effectués par les sociétés dont M. et Mme C...étaient associés afin de pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions précitées du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts et n'a ainsi pas ajouté à la loi ; que c'est dès lors à bon droit que le service a considéré, pour ce motif, que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre des années 2007, 2008 et 2009 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;
12 Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions du 12 septembre 2012 (BOI-BIC-RICI-20-10-10-20) et du 7 octobre 2013 (BOI-SJ-AGR-40), qui sont en tout état de cause postérieures à l'imposition primitive et à l'expiration du délai de déclaration ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais qu'ils ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Coiffet, président,
- M. Platillero, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
V. COIFFETLe greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00737