Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2014, la société Invest OM 121, élisant domicile... :
1°) d'annuler le jugement n° 1300392 du 10 décembre 2013 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal, qui a retenu l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué ultra petita ; le tribunal n'a jamais invité les parties à s'expliquer sur le moyen tiré de l'abus de droit qu'il envisageait de retenir d'office, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- l'impossibilité d'invoquer après l'expiration du délai de recours contentieux des moyens nouveaux relatifs à la procédure d'imposition, prive la société d'un droit à un procès équitable et effectif ; en tout état de cause, l'article L. 199 du livre des procédures fiscales est applicable devant la présente Cour même lorsque celle-ci est saisie d'un jugement relatif à un litige né sur un territoire où ce texte n'est pas applicable ;
- dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration n'indique pas les raisons de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; cette réponse est insuffisamment motivée ;
- dès lors que l'administration fait état, durant la procédure d'imposition, de documents en sa possession, ces documents sont couverts par les garanties prévues au profit du contribuable ; faute d'avoir pu obtenir les documents demandés, les droits de la défense ont été méconnus ; à supposer que l'administration n'ait pas en sa possession les documents en cause, il lui appartenait de l'indiquer à la société et de préciser la nature et la teneur des informations recueillies ; l'administration ne justifie pas de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ;
- l'administration doit justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie française et le Trésor public, à laquelle fait référence l'article L. 711-1 du code des impôts ; il appartient à l'administration de justifier que le signataire des avis de mise en recouvrement disposait d'une délégation régulièrement publiée ;
- elle justifie, par les pièces contractuelles et les attestations qu'elle produit, avoir procédé au règlement des biens qu'elle a acquis auprès de la société Etablissements Emile Vongue et Fils et de la société Intermat ; l'administration n'apporte aucun élément permettant de remettre en question les pièces produites ; l'administration ne soutient même pas avoir constaté l'inexistence des biens loués chez les locataires ;
- les factures émises par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat comportent la désignation précise des biens vendus, leur quantité et leur prix.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2014, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Invest OM 121 fait partie des sociétés qui ont participé à un système de fausses factures élaboré par le cabinet de défiscalisation Sofipac permettant d'obtenir des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée indus ;
- l'obligation de communication des pièces issues de contrôles réalisés auprès de tiers n'est valable que si les rehaussements en litige sont fondés sur ces renseignements ; la désignation de la société Teanuanua Black Pearls et de M. C...a permis d'informer le contribuable des opérations qui ont été menées ; dès lors que l'administration ne dispose pas de copie des documents en cause, l'administration est simplement tenue de faire connaître au contribuable la procédure ayant permis d'obtenir les renseignements et l'identité des tiers concernés ; les constatations effectuées auprès de la société Teanuanua Black Pearls et de
M. C...n'ont pas donné lieu à la remise de documents ;
- la taxe dont l'entreprise peut opérer la déduction doit être justifiée par une facture d'achat conforme et correspondre à une opération réelle ; les factures ne contiennent qu'une désignation sommaire des biens ; il est impossible de s'assurer que les biens mentionnés sur les factures sont ceux figurant dans les différents documents contractuels produits par la SNC ; lors des opérations de contrôle effectuées chez la société, celle-ci n'a pu justifier de la vente des biens en cause ni de l'encaissement d'une somme au titre de cette vente ; la SNC n'apporte aucune précision quant aux dates de livraison des biens et matériels, ne mentionne pas le nom des compagnies et l'identité des navires ayant livré le matériel et ne présente pas les documents d'expédition jusqu'à l'exploitant ; le chiffre d'affaires moyen de deux des locataires, la société Teanuanua Black Pearls et la société Vairua, sur la période contrôlée est nettement inférieur au montant des biens défiscalisés ; la SNC ne présente pas de justificatif probant qui attesterait du versement d'une somme à ses fournisseurs pour la mise à disposition des biens aux locataires ;
- le dispositif de défiscalisation prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts vise les investissements productifs neufs ; il appartenait à la SNC, qui ne pouvait ignorer investir dans des biens neufs, de procéder aux vérifications nécessaires auprès de son représentant fiscal ;
- les intérêts de retard ont été appliqués à bon droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Invest OM 121 a conclu le 1er août 2007, le
2 novembre 2007 et le 1er octobre 2007, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, trois conventions prévoyant l'acquisition auprès de la société Etablissements Emile Vongue et Fils d'un chargeur excavateur et de divers matériels aquacoles, auprès de la société Intermat de divers matériels aquacoles et auprès de la société Intermat de deux convoyeurs ; que la société Etablissements Emile Vongue et Fils a établi le 1er août 2007 pour la vente de ces biens et matériels une facture mentionnant un montant hors taxes de 18 965 633 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 3 034 501 francs CFP ; que la
société Intermat a établi le 2 novembre 2007 pour la vente de ces matériels une facture mentionnant un montant hors taxes de 8 103 617 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 1 178 779 francs CFP ; que la société Intermat a établi le 1er octobre 2007 pour la vente des convoyeurs une facture mentionnant un montant hors taxes de 6 905 000 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 1 048 800 francs CFP ; que, par des contrats de location signés le
1er août 2007, le 2 novembre 2007 et le 1er octobre 2007, la société Invest OM 121 a mis ces biens et matériels à la disposition respectivement de la société Teanuanua Black Pearls, de
M. C...et de la société Vairua pour une durée de cinq ans ; que la société Invest OM 121 a obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat desdits biens et matériels au titre des années 2008 à 2010 ; que l'administration fiscale, qui a estimé que les factures établies par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des biens et matériels ; que, par une notification de redressements du
23 mars 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont en conséquence été notifiés à la société Invest OM 121 suivant une procédure de redressement contradictoire ; que la
société Invest OM 121 relève appel du jugement du 10 décembre 2013 par lequel le
Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société requérante soutient que le tribunal, en retenant l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué " ultra petita " ; que, pour admettre le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif des factures établies par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat au titre de la vente à la société Invest OM 121 d'un chargeur excavateur, de divers matériels aquacoles et de deux convoyeurs ; qu'en se fondant également, pour rejeter la demande de la société requérante, sur un motif qui n'était pas invoqué par le service des contributions de la Polynésie française et qui n'était pas d'ordre public, tiré de ce que les opérations effectuées par la société Invest OM 121 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de différents dispositifs de défiscalisation " relèvent d'un montage excluant tout risque financier, dont le but est exclusivement fiscal et sont ainsi révélatrices d'une fraude à la loi ", les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité dès lors que ce motif était surabondant ; que, pour le même motif, la société
Invest OM 121 n'est pas davantage fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en retenant d'office ce moyen sans avoir préalablement procédé à l'information des parties exigée par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du
27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / 6° A la procédure administrative contentieuse (...) " et qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : / 2° (...) justice : (...) procédure administrative contentieuse (...) " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, qui prévoient que le contribuable peut, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, faire valoir tout moyen nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, relèvent de la catégorie des règles de procédure administrative contentieuse au sens du 2° de l'article 14 de la loi organique précitée ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 7 et 14 de la loi organique que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales sont applicables en Polynésie française ; que les dispositions de l'ordonnance susvisée du
8 juillet 1998 ne prévoient aucune adaptation de la règle prévue par l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ; que la société requérante pouvait dès lors invoquer des moyens relatifs à la procédure d'imposition postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Quant à la motivation de la réponse aux observations du contribuable :
5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article LP 421-1 du code des impôts de la Polynésie française : " L'administration fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. " ;
6. Considérant que la société fait valoir que l'administration a omis d'indiquer dans sa réponse aux observations du contribuable les raisons de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; que, toutefois, les dispositions précitées n'imposent pas à l'administration de motiver un tel refus dans sa réponse aux observations du contribuable ; qu'en tout état de cause, l'administration répond sur ce point en précisant qu'elle ne peut communiquer des documents qui ne sont pas en sa possession mais dont elle a seulement pris connaissance lors de la vérification de comptabilité d'un tiers ; qu'en outre, en indiquant que la société ne peut produire de document probant justifiant la réalité et la livraison des biens et matériels vendus et en relevant l'absence de justification de versements effectifs du prix à la société Etablissements Emile Vongue et Fils et à la société Intermat, l'administration a suffisamment répondu aux observations du contribuable ; que dès lors la réponse du
21 avril 2011 est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article LP 421-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
Quant aux renseignements obtenus de tiers :
7. Considérant que la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas eu communication des documents sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements en litige ; qu'il ressort toutefois des termes de la réponse aux observations du contribuable du 21 avril 2011 que l'administration, qui s'est notamment fondée sur les informations recueillies lors des contrôles effectués auprès de la société Teanuanua Black Pearls, de M. C...et de la
société Vairua pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, n'était pas en possession des documents consultés lors de ces contrôles ; que ces mentions prévalent, à moins qu'il ne soit établi par des faits précis qu'elles sont inexactes ; que, pour le même motif, la société ne peut utilement soutenir que l'administration aurait obtenu des documents auprès d'un tiers sans justifier de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ; que l'administration a informé la société, dans sa réponse aux observations du contribuable, que l'examen des documents comptables présentés par les locataires ne faisait apparaître aucun enregistrement d'opération effectuée avec la société Invest OM 121 ; qu'ainsi, l'administration a informé la redevable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus auprès de la
société Teanuanua Black Pearls, de M. C...et de la société Vairua ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;
En ce qui concerne la régularité des avis de mise en recouvrement :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le recouvrement des impôts faisant l'objet de rôles est confié au payeur de la Polynésie française assisté, le cas échéant, par des agents désignés à cet effet. / Le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) est assuré par la recette des impôts, assistée, pour les subdivisions autres que celle des îles du Vent, des agents spéciaux et des comptables subordonnés du Trésor. Une convention entre la Polynésie française et le Trésor public réglera les modalités d'intervention de ces comptables. " ;
10. Considérant que la société requérante soutient qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la
Polynésie française et le Trésor public à laquelle fait référence l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, toutefois, de telles dispositions, relatives aux modalités d'organisation administrative des services fiscaux, sont sans incidence sur la régularité des avis de mise en recouvrement ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article LP 715-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - Un avis de mise en recouvrement est adressé par le receveur des impôts à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. /
2 - L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par le Président de la Polynésie française ou son délégué. (...) " ; que l'article 715-4 du même code dispose : " L'avis de mise en recouvrement individuel est établi en deux exemplaires. L'original est déposé à la recette des impôts et l'ampliation est notifiée au redevable. " ; qu'aux termes de l'article 715-7 du même code : " Les avis de mise en recouvrement et les mises en demeure peuvent être signés et rendus exécutoires, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents ayant au moins le grade de contrôleur. " ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont fait l'objet de deux avis de mise en recouvrement datés du 11 avril 2012 ; que ces avis de mise en recouvrement mentionnent le nom du signataire, M. A...D..., et indiquent que ce dernier a le grade d'inspecteur ; que, par une instruction du 11 mai 2011 régulièrement publiée au Journal officiel de la Polynésie française du 27 mai 2011, M. A...D...a reçu du comptable, receveur des impôts, responsable de la recette particulière des impôts de
Polynésie française, délégation permanente à l'effet de signer, au nom de celui-ci, les avis de mise en recouvrement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces avis de mise en recouvrement n'auraient pas été signés par un agent habilité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la
Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) " ; que l'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. " ; qu'aux termes de l'article 345-15 du même code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ;
14. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
15. Considérant qu'il est constant que les biens et matériels en litige ont été facturés par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat, sociétés régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, pour refuser à la société Invest OM 121 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures de la société Etablissements Emile Vongue et Fils et de la société Intermat, fait valoir, d'une part, que ces factures ne comportent qu'une désignation générique des biens cédés et ne contiennent aucune valorisation précise des biens et, pour les engins à moteur, qu'elle ne sont pas accompagnées d'un numéro d'identification, d'autre part, qu'elle a procédé à des contrôles auprès de la société Teanuanua Black Pearls, de M. C...et de la société Vairua au cours desquels ces derniers n'ont pu présenter aucun élément probant concernant l'exploitation des biens et leur éventuel financement ; qu'ainsi, l'administration, en dépit des contrôles effectués auprès des locataires, n'a trouvé chez ces derniers aucune trace des opérations ayant donné lieu à ces factures ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à mettre en cause la réalité des livraisons de biens et matériels facturées par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat ; que les pièces produites par la société requérante, à savoir différents contrats signés le 1er août 2007, le 2 novembre 2007 et le 1er octobre 2007, les attestations des fournisseurs, ainsi que trois documents intitulés " procès-verbal de livraison et de prise en charge ", ne donnent aucune indication précise sur les modalités de livraison des biens et matériels ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, qui sont établies par les parties contractantes elles-mêmes et ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire, ne suffisent pas à établir la réalité des versements en cause ; qu'ainsi, la société n'établit pas que le représentant fiscal aurait procédé au versement à la société Etablissements Emile Vongue et Fils d'une somme de 6 237 265 francs CFP et à la société Intermat des sommes de 1 531 085 francs CFP et de 2 071 500 francs CFP, correspondant à ses investissements pour la mise à disposition des biens et matériels à la société Teanuanua Black Pearls, à M. C...et à la société Vairua ; que, par suite, et alors même que deux des procès-verbaux de livraison comportent le tampon des communes de Makemo et de Arutua, la société Invest OM 121 n'apporte pas de justifications suffisantes de la réalité des livraisons de biens et matériels facturées ; que l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence des biens loués chez les locataires, était dès lors fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par la société Etablissements Emile Vongue et Fils et la société Intermat ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Invest OM 121 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Invest OM 121 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Invest OM 121 le versement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Invest OM 121 est rejetée.
Article 2 : La société Invest OM 121 versera à la Polynésie française une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Invest OM 121 et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Driencourt, président de chambre,
Mme Mosser, président assesseur,
M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLANLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00686