Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2015, M.B..., représenté par
MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis des 26 novembre 2014 et
19 mars 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à MeC..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
- l'arrêté du 26 novembre 2014 est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il est entré en France le 10 octobre 2014, soit moins de trois mois avant son édiction ;
- l'arrêté du 26 novembre 2014 est dépourvu de base légale dès lors qu'il était en France depuis moins de trois mois à la date de l'arrêté et qu'il ne constitue pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ;
- l'arrêté du 26 novembre 2014 est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en ne répondant pas au moyen tiré de ce que l'arrêté du 19 mars 2015 était entaché d'une erreur de fait, le premier juge a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- l'arrêté du 19 mars 2015 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et est en outre entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 22 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Boissy a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., de nationalité roumaine, entré en France le
10 octobre 2014 selon ses déclarations, a fait l'objet, le 26 novembre 2014, d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis lui faisant obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que, par un arrêté du 19 mars 2015, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a placé en rétention administrative ; que M. B...relève appel du jugement du 21 mars 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés des 26 novembre 2014 et 19 mars 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si M. B...soutient que le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté du 19 mars 2015 était entaché d'une erreur de fait, il ressort toutefois du point 16 du jugement attaqué que le tribunal a, en l'espèce, suffisamment répondu au moyen soulevé par le requérant ;
En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :
S'agissant de l'arrêté du 26 novembre 2014 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de
l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de
l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V " ;
4. Considérant qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union Européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; qu'il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;
5. Considérant que pour faire obligation à M.B..., le 26 novembre 2014, de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu qu'il était entré en France depuis plus de trois mois, ne pouvait justifier de ressources ou de moyens d'existence et se trouvait en situation de complète dépendance par rapport au système d'assistance sociale français puisqu'il ne justifiait pas d'une assurance maladie personnelle en France ou dans son pays d'origine ; que si M. B...soutient être entré en France le 10 octobre 2014, soit moins de trois mois avant l'arrêté contesté, il se borne à produire le procès verbal établi à l'issue de son audition du
19 mars 2015 au cours de laquelle il a déclaré de manière évasive être entré en France depuis quatre ou cinq mois sans apporter d'élément précis au soutien de ses allégations ; que, par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement fonder son arrêté sur les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. B...exerçait une activité professionnelle en France, qu'il disposait de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale et qu'il bénéficiait d'une assurance maladie ; que par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait sur la date d'entrée en France, du défaut de base légale de la décision au motif d'une entrée en France depuis moins de trois mois, d'une absence de charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
S'agissant de l'arrêté du 19 mars 2015 :
6. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs exposés aux points 3 à 5, M. B... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015, de l'illégalité de l'arrêté du 26 novembre 2014 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger :
6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 de ce code : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (... ) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4,
L. 561-1 et L. 561-2 " ;
8. Considérant qu'à la date à laquelle il a été placé en rétention, M. B...faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise depuis moins d'un an et pour laquelle le délai pour quitter le territoire était expiré ; que, même s'il avait introduit un recours contre cet arrêté, il entrait ainsi dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B..., qui habitait à la date de l'arrêté en litige dans un camp sur un terrain occupé illégalement, ne disposait pas d'une résidence permanente au sens du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier qu'il présenterait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de placer M. B... en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ; que la circonstance que le préfet aurait, par erreur, également relevé que l'intéressé avait déclaré souhaiter rester sur le territoire français, reste en elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, la précarité de la situation de l'intéressé suffisant à elle seule à fonder la mesure ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à l'avocat de M. B...la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 février 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02595 3