Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2015, M. A..., représenté par
MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1409039/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration doit apporter la preuve du manquement délibéré ; elle doit établir l'importance, la nature et la fréquence des rehaussements ou que le contribuable ne pouvait ignorer les omissions qui lui sont reprochées, conformément aux commentaires publiés au bulletin officiel des impôts CF-INF-10-20-20 n° 40 et n° 50 ;
- le simple fait d'opter pour le régime spécial de l'article 151 octies du code général des impôts n'implique pas que le contribuable connaissait ses conditions d'application ou ses modalités déclaratives ; la cession de parts s'inscrivait dans une opération globale complexe qui a donné lieu à quatre plus-values soumises à des régimes fiscaux différents ;
- la plus-value en cause ne représente que 0,24 fois son revenu fiscal de référence après rehaussement et seulement 0,13 fois le montant total des plus-values réalisées en 2011 ;
- il s'agit d'une omission isolée ;
- l'erreur est imputable à l'expert comptable qui gère ses déclarations fiscales ;
- la souscription d'une déclaration erronée n'est pas sanctionnée par une majoration de 40 % ; la méthode utilisée par l'administration, qui n'a pas adressé de demande d'information ou d'explication à la suite du dépôt de la déclaration, est contraire aux engagements de loyauté mentionnés dans la " charte du contribuable " ;
- l'administration ne saurait lui opposer la qualité " d'homme de loi averti " alors qu'il n'est pas spécialisé en droit fiscal.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui exerçait sous forme individuelle jusqu'en mars 2011 une activité d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a apporté sa clientèle à une société civile professionnelle d'avocats créée avec son associé M.B... ; qu'il a reçu en rémunération de son apport 24 999 parts de 100 euros chacune sur les 25 000 parts composant le capital de cette société ; que la plus-value de 2 347 451 euros provenant de cet apport a bénéficié du report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; que M. A...a cédé le
7 avril 2011 à M. B...4 999 parts de la société civile professionnelle pour un prix de
499 900 euros ; que l'administration fiscale a estimé que la plus-value en report était, à concurrence d'un montant en base de 469 415 euros correspondant à la revente de ces parts, imposable au nom de M. A...dans la catégorie des plus-values professionnelles à long terme ; que, par une proposition de rectification du 9 avril 2013, elle a en conséquence notifié à M.A..., suivant une procédure de rectification contradictoire, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011 ; que M. A...relève appel du jugement du
29 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont ces rehaussements étaient assortis ;
Sur les conclusions en décharge de la pénalité pour manquement délibéré :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que
l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 151 octies du code général des impôts : " Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : / a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise (...) " ; que le b du II de ce même article 151 octies dispose : " (...) Si la société cesse de remplir les conditions permettant de bénéficier sur simple option du régime prévu au I, le report d'imposition des plus-values d'apport peut, sur agrément préalable, être maintenu. A défaut, ces plus-values deviennent immédiatement taxables. (...) " ;
4. Considérant que l'administration, pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, indique dans sa proposition de rectification du 9 avril 2013 que l'acte constitutif de la société civile professionnelle signé le 27 octobre 2010 mentionnait explicitement l'option pour le report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts et que M. A...avait ainsi nécessairement pris connaissance des dispositions de cet article subordonnant le bénéfice du report d'imposition à la conservation des parts reçues en échange de l'apport de clientèle ; qu'il est précisé qu'une convention du même jour prévoyait la cession à M. B...de 4 999 parts de 100 euros chacune, une fois levée la condition suspensive liée à l'agrément du ministre de la justice ; que toutefois la seule qualité d'avocat de M.A..., qui n'est d'ailleurs pas spécialiste en droit fiscal, ne saurait suffire à établir l'intention délibérée du contribuable de se soustraire à l'impôt ; que le requérant, qui a toujours admis avoir eu connaissance du caractère imposable de la plus-value réalisée lors de la revente des parts à M.B..., soutient qu'il a confié la rédaction de ses déclarations fiscales à son expert-comptable ; que celui-ci, qui gérait ses déclarations depuis 25 ans, a commis une erreur en omettant de mentionner au titre de l'année 2011 la plus-value résultant de la cession des 4 999 parts à M.B... ; qu'il fait valoir que les deux déclarations souscrites, la première relative à l'exercice individuel de son activité jusqu'au
22 mars 2011 et la seconde au titre du premier exercice de la société civile professionnelle, contenaient tous les éléments permettant de conclure au caractère imposable de cette plus-value ; que cette allégation est corroborée par les termes de la proposition de rectification qui indique que la déclaration souscrite au titre du premier exercice de la société civile professionnelle " fait apparaître une composition du capital social différente de celle attendue ", 20% des parts sociales étant détenues par M.B... ; que le requérant produit une attestation établie le 18 mars 2013 par son expert-comptable dans laquelle ce dernier admet explicitement que sa responsabilité professionnelle est engagée pour les faits sanctionnés par la pénalité en litige ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut pas être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. A...de se soustraire à l'impôt ; que, par suite, le requérant est fondé à demander la décharge de la pénalité en litige ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré dont était assorti le supplément d'impôt sur le revenu assigné à raison de la plus-value omise au titre de l'année 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que la demande de M. A...tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens, qui n'est pas chiffrée, ne peut qu'être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1409039/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. A...est déchargé de la pénalité pour manquement délibéré infligée au titre de l'année 2011.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Mosser, président de la formation de jugement,
- M. Boissy, premier conseiller,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLANLe président,
G. MOSSERLe greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01297