Procédure devant la Cour :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er septembre 2014 et
28 mai 2015, la SA ALSTOM HOLDINGS, représentée par Me B... et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2007, ainsi que la restitution du montant des droits et pénalités en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SA ALSTOM HOLDINGS soutient que :
- dès lors qu'elle démontre, par la production des contrats, traduits en français, relatifs aux opérations " TetD Trout ", " Swan ", " AB Train " et " Alstom Moteurs ", que les dépenses engagées à l'occasion des cessions de titres de participation qu'elle a ainsi réalisées, au cours de la période vérifiée, n'ont pas été incorporées au prix de cession de ces titres, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé lesdites dépenses, que ces dernières aient été engagées en vue de la cession ou soient inhérentes à celle-ci, présentait un caractère déductible ;
- en tout état de cause, ladite taxe présentait un caractère déductible dès lors que les opérations de cession de titres de participation qu'elle a ainsi réalisées s'inscrivaient dans une politique de restructuration du groupe menée, à l'époque, pour éviter une faillite imminente et étaient, par suite, indispensables à la poursuite de son activité économique ;
- les dépenses engagées pour le projet " Harmony " n'ayant pas été engagées à l'occasion d'une opération de cession de titres de participation, mais pour les besoins de la création d'une " joint-venture " avec la société Bouygues s'agissant de l'activité hydroélectrique, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses était bien déductible ;
- l'administration, d'une part, mentionne à tort l'opération " Cruise Vision ", qui n'a pas fait l'objet d'un redressement, et, d'autre part, a remis en cause à tort la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses liées à l'opération " Alstom Turquie ", lesquelles ne se rapportaient pas, contrairement à ce que soutient le ministre, à des opérations de cession de titres de participation mais à un litige portant sur un loyer immobilier.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la SA ALSTOM HOLDINGS.
1. Considérant que la SA ALSTOM HOLDINGS, qui exerce une activité de holding mixte et a, à ce titre, qualité d'assujetti et de redevable partiels au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2007 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration, suivant la procédure contradictoire, a notamment remis en cause la déduction initialement pratiquée par la SA ALSTOM HOLDINGS, de manière intégrale ou suivant son prorata général de déduction selon les cas, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé diverses dépenses engagées à l'occasion de la cession par l'intéressée de titres de participation ; que, par jugement n° 1209830 du 1er juillet 2014, dont la SA ALSTOM HOLDINGS relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutivement mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2007, pour la part, d'un montant de 4 720 401 euros en droits, correspondant à l'admission en déduction de la taxe ayant grevé les dépenses susmentionnées à proportion du prorata général de déduction dont l'intéressée disposait respectivement au titre de chacune des périodes en litige ;
Sur le désistement partiel :
2. Considérant que, si la SA ALSTOM HOLDINGS demandait initialement à la Cour, outre l'annulation du jugement attaqué et la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, de lui accorder la restitution des sommes correspondantes, l'intéressée a, par mémoire enregistré le 11 mai 2016, expressément abandonné ces conclusions accessoires ; que ce désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur les conclusions à fin de réduction :
En ce qui concerne les dépenses engagées à l'occasion d'opérations de cession de titres :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;
4. Considérant que, lorsqu'une société holding, qui se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; qu'il en va ainsi lorsque l'opération de cession des titres ne se réalise pas ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres ;
5. Considérant que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, cette société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses doit être également refusée quand l'administration établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial du fait que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des annexes n° 1 à 5 de la proposition de rectification du 11 novembre 2009 que l'administration a rejeté la déduction par la SA ALSTOM HOLDINGS de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, selon le vérificateur, des dépenses engagées à l'occasion de cessions de titres de participation, pour des montants de taxe respectifs, au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 de 84 099 euros pour l'opération dite " Cegelec " ou " Alstom Turquie ", de 9 174 euros pour l'opération " AB Train " et de 2 507 071 euros pour l'opération " TetD ", au titre de la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 de 753 583 euros pour l'opération " TetD Trout " et de 16 521 euros pour l'opération " Alstom Turquie ", au titre de la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2006 de 336 622 euros pour l'opération dite " Swan " ou " Marine " et de 105 583 euros pour l'opération " Trout ", et enfin au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007 de 313 600 euros pour l'opération " Harmony ", de 851 253 euros pour l'opération dite " Swan " ou " Marine " et de 137 730 euros pour l'opération " Trout " ;
7. Considérant, d'une part, que si la SA ALSTOM HOLDINGS conteste la remise en cause par l'administration de la présomption de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses engagées en vue de préparer une cession de titres de participation, telle que s'appliquant dans les conditions rappelées au point 3, l'intéressée ne produit, à l'occasion de la présente instance, aucun élément ni aucune pièce justificative, qu'elle est seule à même de détenir, de nature à établir que les frais qu'elle a exposés, au cours des périodes en litige, à l'occasion des opérations de cession de titres mentionnées au point 6, se seraient exclusivement rapportés à la préparation de celles-ci ; que, dans ces conditions, les frais en cause ne peuvent être regardés, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, que comme des dépenses inhérentes à ces transactions ou, à défaut, comme des dépenses mixtes, dont le régime commun de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente est rappelé au point 5 ;
8. Considérant, d'autre part, que la SA ALSTOM HOLDINGS, pour la première fois en cause d'appel, justifie, par la production de la copie, en langue française, des contrats de cession de titres afférents aux opérations " TetD Trout ", " AB Train " et " Swan ou Marine ", respectivement conclus les 25 septembre 2003, 10 octobre 2003 et 8 avril 2006, que les dépenses qu'elle a engagées à l'occasion de ces cessions n'ont pas été incorporées au prix de cession des titres dont il s'agit ; que, par ailleurs, il est constant que le produit de ces cessions n'a pas été distribué, de sorte que les opérations susmentionnées ne peuvent être regardées comme ayant revêtu un caractère patrimonial ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que les dépenses ici en cause font partie de ses frais généraux et se rattachent ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a rejeté la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé lesdites dépenses ;
9. Considérant, enfin, que, pour le surplus des opérations énumérées au point 6, la SA ALSTOM HOLDINGS ne produit aucun élément ni aucune pièce justificative de nature à établir que les dépenses engagées pour leur réalisation respective n'auraient pas été incorporées au prix de cession des titres concernés ; qu'à défaut, la requérante, qui ne peut ainsi utilement se prévaloir de ce que ces opérations se seraient inscrites dans une politique de restructuration du groupe Alstom rendue indispensable, à l'époque, pour la poursuite de ses activités économiques, ne justifie pas, ainsi qu'il lui incombe, de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces frais ; qu'elle ne saurait davantage utilement invoquer les termes du contrat de cession de titres par ailleurs conclu pour la réalisation de l'opération " Alstom Moteurs ", qui n'est pas au nombre de celles, énumérées au point 6, pour lequel le service a procédé à un rappel de taxe, ou les conditions de réalisation de l'opération " Cruise Vision ", laquelle n'a donné lieu à aucune rectification, ainsi qu'il ressort notamment des annexes n° 1 à 5 de la proposition de rectification susmentionnée du 11 novembre 2009 ;
En ce qui concerne les autres dépenses en litige :
10. Considérant, en premier lieu, que l'administration a notamment remis en cause, au titre de la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005, la déduction par la SA ALSTOM HOLDINGS de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, pour un total de 16 521 euros, trois factures émises au nom de l'intéressée, le 31 mars 2005, par la société " Alstom Power ve Ulasim ", motif pris de ce que ces dépenses se seraient rapportées à l'opération de cession de titres " Alstom Turquie " mentionnée au point 6 ; que, toutefois, la requérante démontre, par les pièces produites pour la première fois en cause d'appel, que ces dépenses ont, en fait, été engagées à raison d'un contentieux portant sur la location d'un immeuble ; qu'en défense, le ministre n'invoque aucun nouveau motif susceptible de fonder, par substitution au motif erroné ainsi initialement retenu par le vérificateur, le rejet de la déduction de ladite taxe ; que, dans ces conditions, cette rectification ne peut être maintenue ;
11. Considérant, en second lieu, que l'administration a notamment remis en cause, au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, la déduction par la SA ALSTOM HOLDINGS de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, pour un total de
313 600 euros, une facture émise au nom de l'intéressée, le 21 novembre 2006, par la banque d'affaires Calyon, motif pris de ce que ces dépenses se seraient rapportées à l'opération de cession de titres " Harmony " mentionnée au point 6 ; que, toutefois, la requérante justifie, par les pièces produites devant la Cour à l'appui de son dernier mémoire du 6 juin 2016, que l'opération " Harmony " avait, en réalité, pour objet la création d'une " joint-venture " avec la société Bouygues dans le domaine de l'activité hydroélectrique, et non une opération de cession de titres de participation comme le service l'avait retenu à l'issue de la vérification diligentée en l'espèce ; qu'en défense, le ministre n'invoque aucun nouveau motif susceptible de fonder, par substitution au motif erroné ainsi initialement retenu par le vérificateur, le rejet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ladite facture ; que la SA ALSTOM HOLDINGS justifie, dès lors, du mal fondé de cette rectification ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA ALSTOM HOLDINGS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction, à proportion de son prorata général de déduction lorsqu'une déduction intégrale avait été initialement pratiquée, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2007, à raison, d'une part, des opérations de cession de titres " TetD Trout ", " AB Train " et " Swan ou Marine ", d'autre part, des trois factures émises par la société
" Alstom Power ve Ulasim " le 31 mars 2005 et, enfin, de la facture émise par la banque Calyon le 21 novembre 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA ALSTOM HOLDINGS d'une somme de 5 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions accessoires présentées par la SA ALSTOM HOLDINGS et tendant à la restitution du montant des droits et pénalités en litige.
Article 2 : Il est accordé à la SA ALSTOM HOLDINGS la réduction, dans la limite précisée au point 12, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2007, à raison, d'une part, des opérations de cession de titres " TetD Trout ", " AB Train " et " Swan ou Marine ", d'autre part, des trois factures émises par la société " Alstom Power ve Ulasim " le 31 mars 2005 et, enfin, de la facture émise par la banque Calyon le 21 novembre 2006, ainsi que la décharge des pénalités y afférentes.
Article 3 : L'Etat versera à la SA ALSTOM HOLDINGS une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la SA ALSTOM HOLDINGS est rejeté.
Article 5 : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Montreuil le 1er juillet 2014 sous le n° 1209830 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 14VE02664