Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 3 juillet 2015 et le 19 mai 2016, MmeB..., représentée par Me Beaupoil, avocat, demande à la Cour :
1° de réformer le jugement n° 1308470 du 21 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a fait que partiellement droit à sa demande de réparation ;
2° de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 246 094,31 euros en réparation de ses préjudices matériels et moraux subis du fait de l'irrégularité de son recrutement en qualité de vacataire entre le 1er novembre 1976 et le 1er septembre 2012 ;
3° de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de
10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recrutement fautif en qualité de vacataire l'a empêchée de bénéficier de l'indemnité de résidence et lui a causé un préjudice financier de 2 215,28 euros correspondant au manque à gagner en terme de rémunération ;
- son contrat de travail qui ne lui permettait de bénéficier d'une rémunération qu'onze mois dans l'année lui a causé un préjudice financier de 5 499,78 euros correspondant au manque à gagner;
- le préjudice financier correspondant à l'absence d'évolution de sa rémunération est de 38 465,25 euros ;
- le préjudice financier correspondant au manque à gagner au titre de ses droits à la retraite est estimé à 159 914 euros ;
- ses droits à la formation ont été méconnus du fait de son statut de vacataire pour un préjudice de 10 000 euros ;
- elle est fondée à solliciter la condamnation du département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral en raison de la précarité de sa situation financière, professionnelle et de l'impossibilité de bénéficier de la protection sociale à laquelle elle aurait dû avoir droit.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2007-1930 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2016 :
- le rapport de M. Soyez,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de Me Beaupoil, pour MmeB..., et de MeC..., pour le département des Hauts-de-Seine.
1. Considérant que MmeB..., qui a été recrutée le 15 novembre 1976 par le département des Hauts-de-Seine pour exercer des fonctions de psychologue en milieu scolaire est titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 13 mars 2012 ; qu'elle a sollicité, par recours gracieux notifié le 20 juin 2013, l'indemnisation des préjudices financiers et moraux ayant résulté pour elle de l'irrégularité de son recrutement en qualité de vacataire entre le 1er novembre 1976 et le 1er septembre 2012 ; qu'en l'absence de réponse de la commune, elle a demandé au tribunal de condamner cette dernière à la réparation des mêmes préjudices pour un montant de 234 860,
31 euros ; que, par jugement en date du 21 mai 2015 dont Mme B...interjette appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a reconnu que le recrutement de la requérante en qualité de vacataire était illégal et que la responsabilité pour faute de la commune était engagée, n'a indemnisé MmeB..., en lui allouant une somme de 6 000 euros, que son préjudice moral à l'exclusion de tout préjudice financier ; que, par la voie de l'appel incident, le département des Hauts-de-Seine demande de son côté la réformation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il l'a condamné à verser cette somme ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article 136 de la loi susvisée du
26 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu entre Mme B... et le département des Hauts-de-Seine prévoyait que son traitement était fixé sur une base horaire en fonction du nombre d'heures réellement effectuées et excluait le versement de tout complément de rémunération en méconnaissance des dispositions précitées ; que par suite, la requérante est fondée à soutenir que les stipulations du contrat excluant le versement de l'indemnité de résidence doivent êtres écartées ; qu'en l'absence d'éléments précis permettant au juge de fixer le montant de l'indemnité à laquelle elle a droit à ce titre, il y a lieu de renvoyer Mme B...devant le département des Hauts-de-Seine pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement de cette somme ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante sollicite le versement d'une somme de 5 499,78 euros correspondant à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir au titre de la période d'août 2009 à août 2012 si elle avait été régulièrement recrutée ; que, toutefois, eu égard au fait relevé par les premiers juges que l'intéressée percevait les 11 mois de l'année une indemnité compensatrice de congés payés équivalent à 10 % de sa rémunération mensuelle, de telles conclusions ne sont pas fondées et doivent êtres rejetées ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la requérante demande la condamnation du département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 38 465, 25 euros en réparation du préjudice financier correspondant à l'absence d'évolution de sa rémunération au cours de sa carrière ; que, cependant, et alors que Mme B...ne précise pas la disposition légale ou règlementaire que le département aurait méconnue, l'article 1-2 du décret susvisé du 15 février 1988 dispose seulement que la rémunération des agents employés à durée indéterminée doit faire l'objet d'un réexamen tous les trois ans ; que la méconnaissance éventuelle de cette obligation est sans lien direct et certain avec le préjudice résultant du défaut d'évolution de la carrière de MmeB... ; que si celle-ci était titulaire des diplômes requis pour l'exercice de fonctions de psychologue, il n'en résulte pas par ailleurs que ses qualifications auraient été sous-estimées au regard des fonctions qu'elle était appelée à exercer ; que, par suite, la demande de Mme B...tendant à l'indemnisation d'un préjudice futur résultant d'un manque à gagner affectant la pension qui lui sera versée lorsqu'elle fera valoir ses droits à la retraite ne peut qu'être rejetée ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...sollicite le versement d'une indemnité de 10 000 euros en raison de la méconnaissance par le département des Hauts-de-Seine des droits à la formation découlant des dispositions du décret susvisé du 26 décembre 2007 ; qu'elle soutient avoir suivi des formations professionnelles dont elle a elle-même assuré le financement ; que, toutefois, elle n'apporte aucune pièce ou commencement de preuve à l'appui de son allégation, de sorte que le préjudice financier qu'elle allègue ne présente qu'un caractère incertain ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que Mme B...soutient que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait commis une erreur d'appréciation en limitant le montant de l'indemnité qu'il lui a accordée en réparation de son préjudice moral consécutif à l'illégalité de son recrutement entre le 1er novembre 1976 et le 1er septembre 2012 ; que si la décision de maintenir l'intéressée en qualité de vacataire était fautive et lui a causé un préjudice lié à la précarité de sa situation, l'impossibilité dont elle se prévaut d'avoir recours à un prêt immobilier ou de bénéficier de congés maladie durant cette période n'est étayée par aucun commencement de preuve et ne présente qu'un caractère éventuel ; que, par suite, en limitant le montant de l'indemnité accordée à la somme de 6 000 euros, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait une juste appréciation du montant du préjudice moral de la requérante ;
Sur l'appel incident du département des Hauts-de-Seine :
8. Considérant que le département des Hauts-de-Seine fait observer que Mme B...a été, dès 1976, mise à la disposition de l'inspection académique de la circonscription d'Asnières-sur-Seine dont les services étaient informés de la situation précaire de l'intéressée ; qu'à supposer que ces services auraient commis, en utilisant néanmoins les services de l'agent, une faute ayant préjudicié à celui-ci, il ne résulte pas de l'instruction que le département des Hauts-de-Seine, qui n'a demandé la mise en cause de l'Etat ni en première instance ni en appel, aurait employé
Mme B...dans les conditions sus-décrites à la demande ou sous la pression des services de l'éducation nationale ; que la circonstance qu'il fait valoir n'est donc pas de nature à atténuer sa responsabilité propre à l'égard de la requérante ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir partielles opposées par le département des Hauts-de-Seine, d'une part, que Mme B...est seulement fondée à demander la réformation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise quant au refus du versement de l'indemnité de résidence et à obtenir le versement de cette indemnité, d'autre part, que les conclusions incidentes du département des Hauts-de-Seine doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B...la somme que le département demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Mme B...est renvoyée devant le département des Hauts-de-Seine afin que celui-ci liquide et lui verse l'indemnité de résidence correspondant à la période allant du 21 juin 2009 au 1er septembre 2012.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de MmeB..., l'appel incident du département des Hauts-de-Seine et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 21 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le département des Hauts-de-Seine versera à Mme B...une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 15VE02165