Résumé de la décision
Les consorts de Christian J..., décédé le 8 avril 2009 en garde à vue au commissariat de Rouen, ont formé une demande d'indemnisation suite à la reconnaissance d'une faute médicale survenue lors de sa détention. Par un arrêt du 15 mai 2018, la cour d'appel de Paris s'était déclarée incompétente pour examiner cette demande. La présente décision, emportant une nouvelle analyse de la compétence juridictionnelle, déclare que c'est la juridiction judiciaire qui doit connaître des demandes d'indemnisation liées à la mort en garde à vue. L'arrêt du 15 mai 2018 a été annulé, et la cause renvoyée devant la cour d'appel de Paris.
Arguments pertinents
1. Compétence judiciaire : Le tribunal a précisé que les dommages causés par des agents du service public, en l'occurrence lors des opérations de police judiciaire, relèvent du fonctionnement défectueux du service public, justifiant ainsi la compétence de la juridiction judiciaire. Il a été établi que "les dommages que peuvent causer les agents et collaborateurs occasionnels du service public dans les opérations de police judiciaire [...] relèvent du fonctionnement défectueux du service public de la justice".
2. Caractère de l'opération : Le placement en garde à vue, régi par les articles 63 et suivants du code de procédure pénale, est considéré comme une opération de police judiciaire, ne laissant d'autre choix qu'à la juridiction judiciaire d'examiner les litiges en découle. La décision affirme : "le placement en garde à vue [...] a le caractère d'une opération de police judiciaire" et, par conséquent, la compétence ne peut appartenir qu’"aux tribunaux judiciaires".
Interprétations et citations légales
La décision repose sur plusieurs textes fondamentaux régissant le droit administratif et le droit judiciaire, précisant la distinction de compétence entre les deux. Les articles mentionnés comme fondement comprennent :
- Code de procédure pénale - Article 63 : Cet article établit les conditions et la procédure pour le placement en garde à vue, ancrant ainsi le caractère judiciaire de cette opération.
- Loi des 16-24 août 1790 & Décret du 16 fructidor an III : Ils fondent le principe de séparation des pouvoirs et de la compétence des juridictions, soulignant le rôle exclusif des tribunaux judiciaires dans les affaires touchant à la police judiciaire.
Le tribunal souligne que la compétence judiciaire est prépondérante dans les affaires de préjudice résultant du fonctionnement des services publics d'ordre judiciaire. Ainsi, l'absence d'examen judiciaire des circonstances entourant le décès de Christian J... est jugée inacceptable et contraire à l'équilibre des compétences entre les institutions judiciaires et administratives.
En résumé, cette décision met en lumière la nécessité pour les tribunaux judiciaires d’examiner les litiges liés à la garde à vue, ce qui s’inscrit dans le cadre des droits fondamentaux et de l’équité en matière d’accès à la justice.