Par ordonnance n° 2000262 du 24 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a étendu l'expertise à la société Aig Europe limited.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mars et 1er juillet 2020, la société Aig Europe SA, venant aux droits de la société Aig Europe limited, représentée par Me E..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 24 février 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande des sociétés Colas Sud-Ouest et SMABTP ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Colas sud-ouest et SMABTP une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'extension en cause est dénuée de toute utilité ;
- ainsi, la société 3D a résilié la police d'assurance souscrite auprès d'Aig Europe à compter du 1er janvier 2015 et la réclamation n'est intervenue qu'au mois de janvier 2018 et à cette date la société 3D avait souscrit une nouvelle garantie auprès de la compagnie AXA France IARD ;
- en outre, au vu des désordres constatés par la commune de Reignac aucune des garanties souscrites par la société 3D auprès d'Aig Europe ne saurait être mobilisée.
Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2020, M. B..., représenté par Me F..., déclare s'en remettre à la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. G... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Reignac (Gironde) a entrepris l'aménagement des espaces publics de son centre-bourg et a confié la maîtrise d'oeuvre à MM. B... et A.... Le lot n° 1 du marché public relatif au terrassement, pavage dallage revêtement de sol a été confié à la société Colas Sud-Ouest. Après réception des travaux sans réserve le 25 novembre 2014, des désordres affectant le dallage autour du carrefour du centre-bourg sont apparus, représentant un danger pour la sécurité. Un procès-verbal de constat des désordres a été dressé le 1er février 2018.
2. Par ordonnance du 7 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a désigné un expert aux fins de décrire les désordres affectant la chaussée du carrefour principal du centre-bourg de Reignac.
3. La société Aig Europe SA, venant aux droits de la société Aig Europe limited, relève appel de l'ordonnance du 24 février 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a étendu l'expertise à son égard, en tant qu'assureur de la société 3D.
4. D'une part et aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Et aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise (...) étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance (...).
5. D'autre part et aux termes de l'article L. 251-2 du code des assurances : " Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable ou d'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. / Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur. / Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation. / Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans. / (...) / Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription. / Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4 ".
6. Il résulte de l'instruction que la société 3D était, dans le cadre du marché public cité au point 1, sous-traitante de la société Colas Sud-Ouest et chargée à ce titre de la pose de résine et d'agrégats. En outre, à la date à laquelle la réclamation de la commune de Reignac a été portée à la connaissance de la société 3D, soit, au plus tôt, lors de l'introduction de l'instance n° 1901209 devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, le 13 mars 2019, au terme de laquelle le juge des référés a ordonné, le 7 août 2019, une expertise qui lui a été rendue opposable, le contrat d'assurances souscrit par ladite société auprès de la société Aig Europe avait été résilié, par lettre du 4 décembre 2014, et un nouveau contrat avait été souscrit, au plus tard le 1er janvier 2019, auprès de la compagnie AXA France. Dans ces conditions et dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction que la société 3D ait eu connaissance du fait dommageable plus tôt qu'à la date de la demande formée par la commune devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, il appartient à la société AXA France, en vertu des dispositions précitées des troisième et sixième alinéas de l'article L. 251-2 du code des assurances, de garantir la société 3D contre les éventuelles conséquences pécuniaires résultant des désordres cités au point 2.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Aig Europe SA est fondée à soutenir que l'extension de l'expertise à son égard serait dépourvue d'utilité au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance litigieuse et au rejet de la demande d'extension de l'expertise à son égard doivent être accueillies. Il y a lieu, par ailleurs, de mettre à la charge solidaire des sociétés Colas Sud-Ouest et SMABTP le paiement à la société Aig Europe SA de la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 24 février 2020 est annulée.
Article 2 : La demande d'extension de l'expertise présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux par les sociétés Colas Sud-Ouest et SMABTP est rejetée.
Article 3 : Les sociétés Colas Sud-Ouest et SMABTP verseront la somme totale de 1 000 euros à la société Aig Europe SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Aig Europe SA, venant aux droits de la société Aig Europe Limited, à la commune de Reignac, aux sociétés Colas Sud-Ouest, SMABTP et SAS 3D, à M. B..., à la Mutuelle des architectes français, à la société Axa France, au département de la Gironde et M. C... D..., expert.
Fait à Bordeaux, le 5 septembre 2020.
Le juge d'appel des référés,
G...
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
La greffière,
Angélique Bonkoungou
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No 20BX00900