Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2018 et le 19 avril 2018, l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, venu aux droits de l'Etablissement public foncier de Poitou-Charentes, représenté par MeE..., demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler cette ordonnance du 7 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle confie à l'expert la mission, d'une part, de réunir les éléments relatifs au projet d'urbanisation de la zone du " Fief Melon " dont disposait l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine préalablement à la conclusion de la convention de portage, à la signature du compromis de vente du 6 mars 2008 et à l'acquisition du terrain et, d'autre part, de déterminer la valeur du terrain au moment de la conclusion de la convention de portage, de son acquisition par l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine et de la mise en demeure émise par l'établissement le 19 mai 2017 ;
2°) de substituer à ces chefs de mission ceux portant, d'une part, sur les éléments relatifs au projet d'urbanisation de la zone du " Fief Melon " dont disposaient la commune de Dolus d'Oléron et l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine préalablement à la conclusion de la convention de portage, à la signature du compromis de vente du 6 mars 2008 et à l'acquisition du terrain et, d'autre part, de déterminer la valeur du terrain au moment de la signature du compromis de vente du 6 mars 2008, de la conclusion de la convention de portage du 2 août 2012, de son acquisition par l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine le 18 décembre 2012 et de la mise en demeure émise par l'établissement le 19 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Dolus d'Oléron la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de la mission portant sur les éléments relatifs au projet d'urbanisation dont il s'agit, il n'est pas pertinent de ne recueillir que ceux dont disposait l'Etablissement public foncier à l'exclusion de ceux dont disposait la commune, alors que c'est la commune elle-même qui a négocié cette acquisition et signé le compromis de vente du 6 mars 2008 bien avant que le portage financier ne soit confié à l'établissement ; la commune devait connaître la nature des terrains et les contraintes environnementales les grevant, puisqu'elle avait approuvé dès le 4 novembre 2003 le classement des terrains en zone AU en vue de la réalisation de 200 à 250 constructions à usage d'habitation, qu'elle avait sollicité en 2004 une étude pour l'aménagement de la zone et que le préfet l'avait informée par courrier du 2 août 2007 de la nécessité d'un diagnostic écologique ;
- même si certains documents sont publics, l'objectivité et l'efficacité de l'expertise imposent de confier à l'expert le soin de réunir lui-même tous les éléments auprès de toutes les parties susceptibles de les lui fournir ;
- au-delà du plan local d'urbanisme, il importe de connaître les éléments ayant conduit la commune à classer les terrains litigieux en zone à urbaniser et notamment la première étude confiée en 2004 à une société d'économie mixte et le courrier du préfet du 2 août 2007 ;
- s'agissant de la mission relative à la valeur du terrain, il n'est pas pertinent de prendre en compte uniquement comme dates de référence la conclusion de la convention de portage et les dates postérieures alors que le prix a été fixé bien en amont par la commune lors de la signature de la promesse de vente du 6 mars 2008 après avis des Domaines, et que l'établissement était lié par ce prix ;
- sur ce point, il ne s'agit pas de mettre en cause la responsabilité du service des Domaines mais d'observer que la commune avait toute latitude pour négocier le prix d'achat des terrains avant le compromis du 6 mars 2008 ; une acquisition à un prix excessif peut être reproché à la commune et il convient que soit fourni à l'expert tout élément d'évaluation pertinent y compris sur l'estimation des Domaines, à tout le moins pour connaître la méthode d'évaluation utilisée ; au contraire, une évaluation à une date ultérieure ne présente pas d'intérêt puisqu'il n'existait plus aucune marge de négociation après le compromis.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2018, la commune de Dolus d'Oléron, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etablissement public foncier le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la modification du premier élément de mission contesté est inutile, les éléments dont disposait la commune, soit le plan local d'urbanisme, étant des documents publics que l'expert peut consulter et dont l'établissement avait nécessairement connaissance lors de la convention de portage ; l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de La Rochelle du 22 mars 2016, dont l'établissement n'a pas fait appel, est d'ailleurs en ce sens ;
- la modification du second chef de mission contesté est également inutile ; ainsi que cela ressort de ses propres écritures, l'établissement dispose des mêmes informations que la commune sur la valeur des biens au jour de la conclusion de la promesse de vente du 6 mars 2008, à savoir l'avis actualisé des Domaines ; s'il devait être fait droit à cette demande, les opérations d'expertise devraient être rendues opposables à l'Etat, ce que ne demande pas l'établissement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme F...B...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un compromis de vente du 6 mars 2008, la commune de Dolus d'Oléron (Charente-Maritime), s'est engagée à acquérir auprès du comité inter-entreprises Thales et adhérents, dans un délai expirant le 30 juin 2012, trois parcelles cadastrées section AE n° 120, 133 et 134 situées au lieu-dit " Fief Melon " sur le territoire de cette commune, d'une superficie totale de 36 145 mètres carrés dans la limite d'un prix de 993 987 euros, selon évaluation du service des Domaines, à actualiser selon l'indice Insee du coût de la construction. Par convention du 2 août 2012, la commune, a confié la maîtrise foncière de la zone du " Fief Melon " à l'Etablissement public foncier de Poitou-Charentes, aux droits duquel est venu l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, chargé notamment d'acquérir les terrains en vue d'une opération d'aménagement à vocation d'habitat, les terrains ayant vocation à être rachetés, par la commune ou par un opérateur de son choix au plus tard à l'expiration de la convention, conclue pour une durée de cinq ans prorogeable par avenants pour une durée maximale de trois ans. L'Etablissement public foncier, auquel la commune a délégué le droit de préemption urbain dans la zone concernée, a acquis le 18 décembre 2012 les terrains objet du compromis du 6 mars 2008 pour le prix actualisé fixé par ce compromis, soit 1 157 994,96 euros. Le 5 juin 2014, une étude confiée par la commune à une société chargée d'une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage urbaine a fait apparaître que le secteur du " Fief Melon " comportait une zone humide de 14 000 mètres carrés. Par courrier du 24 novembre 2014, le sous-préfet de Rochefort-sur-Mer a également signalé au maire notamment l'existence de cette zone humide et les contraintes qui en résultaient pour la réalisation de l'opération d'aménagement. A l'expiration de la convention de portage, l'Etablissement public foncier a mis en demeure la commune, le 19 juin 2017, d'acquérir les terrains au prix fixé par la convention incluant les frais de portage. Par délibération du 3 juillet 2017, la commune a refusé de procéder à cette acquisition au prix demandé. Le 15 décembre 2017 l'Etablissement public foncier a assigné le comité inter-entreprises Thales et adhérents devant le tribunal de grande instance de La Rochelle en nullité de la vente. Dans la perspective d'un litige auquel peut donner lieu dans ce contexte l'exécution de la convention de portage et notamment l'obligation de rachat des terrains par la commune, celle-ci a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'expertise relative aux conditions d'achat et à la valeur des terrains acquis par l'Etablissement public foncier le 18 décembre 2012.
2. Par ordonnance du 7 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a désigné un expert et lui a confié la mission de se rendre sur les lieux, de se faire remettre tous les documents utiles à sa mission et notamment les documents contractuels établis entre les parties, de réunir les éléments relatifs au projet d'urbanisation de la zone du " Fief Melon " dont disposait l'Etablissement public foncier préalablement à la conclusion de la convention de portage, à la signature du compromis de vente du 6 mars 2008 et à l'acquisition du terrain, de déterminer la valeur du terrain en litige au moment de la conclusion de la convention de portage, de l'acquisition par l'Etablissement public foncier et de la mise en demeure du 19 mai 2017 - intervenue en réalité le 19 juin 2017 -, de rassembler tous les éléments utiles de nature à éclairer le tribunal, éventuellement saisi au fond, dans son appréciation des responsabilités éventuellement encourues et des préjudices subis et, enfin, de chercher, s'il le peut, à concilier les parties à l'issue des opérations d'expertise.
3. L'Etablissement public foncier Nouvelle-Aquitaine demande la réformation de la mission donnée à l'expert. Il sollicite, comme il l'avait fait en première instance, d'une part, que la recherche confiée à l'expert porte non seulement sur les éléments dont lui-même disposait en ce qui concerne les terrains mais également sur ceux dont disposait la commune de Dolus d'Oléron et, d'autre part, que cette recherche porte sur la valeur du terrain non seulement au moment de la conclusion de la convention de portage du 2 août 2012, de l'acquisition par l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine le 18 décembre 2012 et de la mise en demeure émise par l'établissement mais également au moment de la signature du compromis de vente du 6 mars 2008.
4. Contrairement à ce que soutient la commune, les éléments dont elle disposait ne sont pas uniquement constitués de documents publics tels que le plan local d'urbanisme. L'Etablissement public foncier fait notamment état d'études portant sur la nature du terrain dont il s'agit. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus au point 1, les éléments de détermination du prix des terrains antérieurs à la signature du compromis de vente du 6 mars 2008 apparaissent utiles dès lors que, comme le soutient l'Etablissement public foncier, c'est lors de ce compromis que le prix d'acquisition a été fixé. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de rendre l'expertise commune à la direction de l'immobilier de l'Etat, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'Etablissement public foncier et de fixer la mission de l'expert comme il est dit à l'article 1er de la présente ordonnance.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de Dolus d'Oléron au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine.
ORDONNE :
Article 1er : Les points 2°) et 3°) de la mission de l'expert désigné par l'ordonnance n° 1702843 du 7 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers sont rédigés ainsi qu'il suit :
2°) réunir l'ensemble des éléments relatifs au projet d'urbanisation de la zone du " Fief Melon " dont disposaient la commune de Dolus d'Oléron et l'Etablissement public foncier local de Poitou-Charentes préalablement à la conclusion de la convention de portage, à la signature du compromis de vente du 6 mars 2008 et préalablement à l'acquisition du terrain en litige ;
3°) déterminer la valeur du terrain en litige au moment de la signature du compromis de vente du 6 mars 2008, de la conclusion de la convention de portage, de son acquisition par l'Etablissement public foncier de Poitou-Charentes et de la mise en demeure émise le 19 juin 2017 par l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine.
Article 2 : L'ordonnance n° 1702843 du 7 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est réformée en ce qu'elle est contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, à la commune de Dolus d'Oléron et à M. D...C..., expert.
Fait à Bordeaux, le 6 juin 2018
Le juge des référés,
Elisabeth B...
La République mande et ordonne au préfet de Charente-Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 18BX01134