Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, le CHUM, représenté par Me E..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2000096 du 30 novembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de rejeter la demande d'expertise et la demande de provision.
Il soutient que :
- le juge des référés n'a pas répondu à ses moyens de défense ni motivé suffisamment sa décision ;
- Mme C... n'avait pas saisi le juge des référés, mais celui du fond d'une demande de contre-expertise :
- la patiente dispose d'un rapport déposé par les experts mandatés par la CCI, dont elle ne conteste pas les conclusions en se bornant à invoquer un défaut d'information ; ainsi, l'expertise n'est pas utile ;
- les deux opérations de 2008 et 2018 sont exemptes de faute et la preuve de l'information résulte du courrier établi par le docteur Compaore le 4 janvier 2018 et du consentement éclairé signé le 15 janvier 2018 ;
- la prise en charge par le centre hospitalier a permis, comme le soulignent les experts, d'éviter une aggravation médullaire de type paraplégie ou tétraplégie face à la pathologie évolutive affectant la requérante. Le rejet de la demande de condamnation provisionnelle ne pourrait donc qu'être confirmé.
Par un mémoire enregistré le 5 février 2021, l'ONIAM s'en remet à l'appréciation de la cour sur la requête du CHUM et ne s'oppose pas à l'expertise. Il demande que la mission de l'expert permette de déterminer si les conditions d'une éventuelle indemnisation par la solidarité nationale sont réunies.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2021, Mme C... conclut au rejet de la requête, reprend sa demande de provision à hauteur de 20 000 euros et demande que les frais d'expertise soient mis à la charge des parties défenderesses, ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a saisi le juge du fond et il a retenu d'abord sa demande d'expertise ;
- le rapport d'expertise de la CCI Guadeloupe ne permet pas d'apprécier l'exécution effective du devoir d'information à la charge du praticien, et le document produit par le CHU ne comporte aucune précision sur le contenu de l'information délivrée ; ce manquement l'a privée d'une perte de chance de se soustraire à l'intervention, qui ne présentait aucun caractère d'urgence ;
- la pathologie dont elle est atteinte résulte d'un accident médical non fautif et son état, marqué par une paraplégie, est plus grave que celui qu'elle connaissait avant l'intervention, ce qui doit permettre une indemnisation par la solidarité nationale ;
- l'expertise médicale doit permettre d'examiner les conséquences de l'acte chirurgical du 16.01.2018, et subsidiairement aussi les causes.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2020 Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a subi en octobre 2008, alors qu'elle était âgée de 69 ans, une lamino-arthectomie de L1 à S1 avec arthrodèse au centre hospitalier universitaire de la Martinique (CHUM), en raison d'un canal lombaire étroit. Des difficultés à la marche l'ont ensuite conduite à consulter en neurochirurgie, et une paraparésie a été diagnostiquée en janvier 2018, une IRM faisant apparaitre la compression de la moelle cervicale en C4-C5. Une opération décompressive par cervicotomie antérolatérale droite a été proposée aux fins de stopper l'évolution vers une tétraplégie, diminuer les douleurs et augmenter le périmètre de marche, résultats qui n'ont pu être atteints par l'intervention pratiquée le 16 janvier 2018 dans le même établissement. Mme C... a saisi la CCI, qui a diligenté une expertise confiée à un anesthésiste et un chirurgien orthopédique et traumatologique. Leur rapport déposé le 20 juin 2019 conclut que les deux interventions sur deux champs différents étaient nécessaires et ont été menées conformément aux règles de l'art, que l'état de Mme C... est lié à l'évolution de sa pathologie arthrosique rachidienne et n'est pas imputable à un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale, et que la chirurgie n'a fait qu'éviter une aggravation médullaire.
2. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de la Martinique, sous le n° 2000096, d'un " recours en plein contentieux " mettant en cause tant le CHU de la Martinique, pour défaut d'information préalable, que l'ONIAM au motif que la pathologie dont elle est atteinte résulte d'un accident médical non fautif et que son état, marqué par une paraplégie, est plus grave que celui qu'elle connaissait avant l'intervention, et demandant une expertise pour évaluer ses préjudices et subsidiairement, avant-dire droit, pour apprécier les responsabilités, ainsi qu'une provision de 20 000 euros et une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CHUM relève appel de l'ordonnance du 30 novembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a ordonné une expertise et rejeté la demande de provision.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'article R. 541-1 du code de justice administrative permet également au juge des référés, même en l'absence d'une demande au fond, d'accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
4. Ainsi que le souligne le CHU de Martinique, Mme C... avait saisi le juge du fond, comme exposé au point 2, et non le juge des référés. Dans ces conditions, le juge des référés n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande d'expertise et de provision, qui relevait comme les autres conclusions d'un examen par une formation collégiale. L'ordonnance doit donc être annulée pour irrégularité et, le juge d'appel des référés n'étant pas davantage compétent pour se prononcer sur la demande ni sur les conclusions d'appel incident de Mme C..., l'affaire doit être renvoyée au tribunal administratif de la Martinique afin qu'il y soit statué en formation collégiale.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de La Martinique du 30 novembre 2020 est annulée, et les conclusions de Mme C... sont renvoyées au tribunal administratif de la Martinique.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier universitaire de la Martinique, à l'ONIAM, à Mme B... C..., à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique, et à la Mutuelle April.
Copie en sera adressée à l'expert désigné par le tribunal, le docteur Alain Barbillon.
Fait à Bordeaux, le 7 avril 2021.
Le juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 20BX04108