Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2018, et des mémoires enregistrés les 23 janvier et 27 février 2019, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n°1802124 du 15 novembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'ordonner une expertise au contradictoire de la commune de Mont-de-Marsan et la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan aux fins de décrire les désordres affectant son immeuble, d'en rechercher les causes et de déterminer et chiffrer les travaux utiles pour y remédier et le préjudice subi.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a écarté l'éventualité de fuites sur les réseaux, dès lors que des travaux ont bien été réalisés en 2014, 2015 et 2016 par la communauté d'agglomération du Marsan sur le réseau public d'assainissement de la Rue Dulamon ; le rapport de l'Apave évoque la possibilité d'un lien entre l'état de l'immeuble et ces travaux ; les pièces qu'elle produit l'envisagent également ;
- l'expertise est utile pour permettre à un juge ensuite éventuellement saisi d'apprécier les responsabilités. La commune de Mont de Marsan et la communauté d'agglomération sont mal venues à contester l'utilité d'une expertise alors qu'elles avaient donné leur accord de principe sur une telle mesure dans un cadre amiable, mais en refusant de participer à son financement ;
- l'expertise qu'elle demande n'a pas le même objet que celle qui serait obligatoirement diligentée dans une procédure de péril imminent en vertu de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ; au demeurant cette procédure n'avait pas été mise en oeuvre depuis les constatations purement visuelles de l'Apave en avril 2018, avant l'ordonnance attaquée ; elle a fait réaliser la pose d'un chevalet de confortement comme préconisé par l'expert commis en décembre 2018 ; celui-ci a lui-même indiqué que des études devraient être lancées pour déterminer la cause du tassement de l'angle de l'immeuble ;
Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2018, les Assurances du Crédit mutuel IARD, assureurs de MmeA..., demandent à ne pas être mises en cause si une expertise devait être ordonnée, dès lors que la cause des dommages est antérieure à la souscription du contrat multirisques habitation de Mme A...en 2015, que ce contrat ne comporte pas de garantie tous risques immobiliers et que l'état de l'immeuble résulte visiblement d'un manque d'entretien, que la garantie défense-recours ne pourrait être mobilisée dès lors qu'il n'est pas démontré qu'un tiers soit responsable des dommages, et qu'aucun dommage aux tiers n'est avéré justifiant la garantie responsabilité civile. Subsidiairement, elles demandent que soient ajoutés à la mission de l'expert de donner toutes précisions concernant les premières apparitions des désordres, et de dire si les dommages constatés proviennent du défaut d'entretien avéré. Enfin, elles demandent que les frais d'expertise soient laissés à la charge de MmeA....
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 décembre 2018, 28 janvier 2019 et 7 mars 2019, la communauté d'agglomération Mont de Marsan Agglomération et la commune de Mont-de-Marsan, représentées par MeF..., demandent au juge des référés de la cour :
- 1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
- 2°) à titre subsidiaire, de modifier la mission de l'expert ;
- 3°) de mettre les frais d'expertise provisoirement à la charge de Mme A...;
- 4°) en tous les cas, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros à verser à chacune d'elles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la procédure de péril imminent a été mise en oeuvre ; au vu du rapport alarmant de l'expert, le président de Mont de Marsan Agglomération a pris le 20 décembre 2018 un arrêté de péril imminent prescrivant notamment à Mme A...de prendre, sous quinze jours " toutes mesures provisoires pour garantir la sécurité publique en procédant à la mise en place immédiate sur toute la largeur de la rue Maubec d'un chevalet d'étaiement, afin de stabiliser l'ensemble de la façade et principalement pour la partie supérieure de cette façade(...) " et de veiller à l'évacuation des occupants ; les travaux réalisés à la suite de cet arrêté par la société Group. Eco sont insuffisants en l'absence d'ancrage au sol ou de lestage des chevalets, et l'avis de cette société, qui n'a pas la qualité d'expert, n'est pas de nature à contredire les constats unanimes des experts précédemment appelés sur le défaut d'entretien des lieux ; au demeurant, le défaut de fondations et les fissures préexistant aux travaux doivent conduire à envisager la démolition de l'immeuble ;
- en l'absence de preuve de l'existence de travaux à proximité, et alors que les désordres sont anciens et en lien avec l'immeuble voisin, il existe une très forte probabilité pour que le litige principal ne relève pas de la compétence du juge administratif ;
- la requérante n'est pas financièrement en mesure d'assumer le coût de l'expertise et celui des travaux à réaliser d'urgence ; aucun expert ne pourrait faire procéder en l'état à des sondages au pied de l'immeuble ; la mesure n'est donc pas utile ;
- l'expert ne peut se voir demander de statuer en droit et l'évaluation du préjudice " dans le cadre du dommage de travaux publics " correspond à une qualification juridique ; il pourrait se voir confier une médiation entre les parties ;
- l'indemnisation de la requérante devrait tenir compte de la valeur résiduelle de l'immeuble qui menace de s'effondrer ;
- l'assureur de la requérante devrait bien être appelé à participer aux opérations de l'expertise si elle était ordonnée.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du 31 janvier 2019.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 2 janvier 2018, Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...est propriétaire depuis 2012 à Mont-de-Marsan d'un immeuble ancien situé à l'angle de la rue Dulamon et d'un passage étroit dénommé rue Maubec. D'importantes fissures en façade sur la rue Dulamon et une déformation de l'étage en forme de " ventre " sur la rue Maubec ayant attiré l'attention des services de l'agglomération, celle-ci a diligenté l'Apave qui a effectué en avril 2018 un constat de péril. Le président de l'agglomération a sollicité les observations de la propriétaire sur les travaux à effectuer, et accepté la proposition d'expertise amiable de celle-ci à condition qu'elle en prenne les frais à sa charge. Le rapport de l'Apave évoquant l'éventualité d'un lien entre l'état de l'immeuble et des travaux effectués sur les réseaux publics à proximité, Mme A...a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau d'ordonner une expertise. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2018 rejetant sa demande.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Dès lors que l'expertise sollicitée par Mme A...a notamment pour objet de rechercher les causes de la dégradation de son immeuble et l'existence d'un lien avec des travaux sur les réseaux d'eau et d'assainissement, le litige au fond qui pourrait en résulter n'est pas insusceptible de relever de la juridiction administrative. Par suite, la communauté d'agglomération et la commune ne sont pas fondées, sur la base de simples hypothèses sur les responsabilités éventuelles, à suggérer que la requête serait présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur l'utilité de l'expertise :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal. Celle-ci doit être appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens ou de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies, annonces de presse témoignages et courrier de l'expert désigné pour la procédure de péril imminent, que des travaux sur les chaussées voisines ont bien été effectués en mars et août 2014 et entre août et octobre 2016, contrairement à ce que suggéraient les collectivités publiques devant le premier juge. Si les fissures de la façade du bâtiment préexistaient à ces travaux, et si le rapport de l'Apave, celui de l'assureur de protection juridique de Mme A...et celui de l'expert désigné en décembre 2018 par le président du tribunal administratif au titre d'une procédure de péril imminent ont tous trois souligné le manque d'entretien des lieux, le dernier expert a recommandé des investigations sur les causes du tassement de l'angle de l'immeuble afin d'envisager les travaux à réaliser pour un confortement plus pérenne que les simples chevalets d'étaiement qu'il recommandait. L'entreprise à laquelle Mme A...a eu recours pour l'installation de ces dispositifs a souligné les travaux récents d'installation d'un réseau d'eaux pluviales dans la rue Maubec et l'enfoncement du regard d'eaux usées dans la chaussée de la rue Dulamon. Ainsi, les éléments du dossier ne permettent pas d'exclure qu'à tout le moins l'aggravation des désordres par ouverture des fissures et basculement vers la rue Maubec soit en lien avec des travaux publics effectués au droit de l'immeuble. Le caractère utile de l'expertise ne peut donc être contesté dans son principe, et il n'appartiendra qu'à l'expert d'apprécier si les risques d'effondrement feraient obstacle, malgré la pose de chevalets d'étaiement, à des investigations au pied de l'immeuble.
5. Par ailleurs, il n'est pas établi que Mme A...ne serait pas en mesure d'avancer le coût de l'expertise pouvant être mis à sa charge après déduction de l'aide juridictionnelle au taux de 25 % qui lui a été accordée.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée. Si son assureur est intervenu pour préciser ne pas souhaiter suivre les opérations d'expertise, il n'appartient pas à la juridiction administrative de déterminer si le litige relèverait éventuellement des garanties souscrites en 2015 au titre du contrat de droit privé qui les lie. Si Mme A...n'a pas demandé que son assureur soit attrait aux opérations d'expertise, les collectivités défenderesses ont souhaité qu'elles soient effectuées en sa présence. Par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise au contradictoire des personnes mises en cause par l'ensemble des parties, la commune de Mont-de-Marsan et la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan, ainsi que les assurances du Crédit Mutuel-IARD, aux fins d'examiner les points fixés au dispositif de la présente ordonnance. Si la communauté d'agglomération demande d'y ajouter une éventuelle mission de médiation, cette possibilité n'a pas été prévue par les dispositions du code de justice administrative relatives au référé instruction, ce qui ne fait pas obstacle à ce que les parties y aient par ailleurs recours si elles s'accordent sur ce point.
7. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Mont-de-Marsan et de la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : M. E...C...1200 route de Briscous à Urt est désigné comme expert avec pour mission de :
- 1°) se rendre sur les lieux et procéder à la constatation et au relevé des désordres qui affectent l'immeuble situé 30 rue Dulamon à Mont-de-Marsan en indiquant si possible leur date d'apparition et leur évolution ; prendre connaissance des pièces produites au dossier de la cour et s'enquérir de la nature des travaux effectués à proximité de l'immeuble litigieux ;
- 2°) donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres dont s'agit, en précisant en particulier si et dans quelle mesure ils seraient imputables aux travaux publics réalisés à proximité ou encore aux conditions de construction ou d'entretien de l'immeuble endommagé et, dans le cas de causes multiples, d'évaluer les proportions relevant de chacune d'elles ;
- 3°) indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier durablement à la situation actuelle, en assurant la solidité de l'ouvrage et l'absence de risques pour ses occupants ou les tiers, en précisant s'il en résulte une plus value pour l'immeuble en cause ;
- 4°) évaluer le préjudice subi par la propriétaire ;
- 5°) d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer une juridiction dans son appréciation des responsabilités éventuellement encourues et des préjudices subis.
L'expert disposera des pouvoirs d'investigations les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, en particulier les marchés et compte-rendus de chantier afférents aux travaux publics effectués dans les rues avoisinantes, et les éventuels constats préalables qui auraient été effectués, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.
Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.
Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de MmeA..., de la commune de Mont-de-Marsan et de la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan.
Article 5 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.
Article 6 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.
Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour accordera une provision ou liquidera et taxera ces frais et honoraires.
Article 8 : Les conclusions de la commune de Mont-de-Marsan et de la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A..., à la commune de Mont-de-Marsan, à la communauté d'agglomération de Mont-de-Marsan, aux assurances du Crédit Mutuel-IARD, et à M. E...C..., expert.
Fait à Bordeaux, le 12 mars 2019
Le juge d'appel des référés,
Catherine GIRAULT
La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 18BX04102