Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 octobre 2018 et le 7 décembre 2018, M. D... G...et M. B...M..., architectes, représentés par Me A...de la Noue, demandent au juge des référés de la cour :
1°) de réformer cette ordonnance du 10 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'elle les mentionne comme parties à l'instance ;
2°) de les mettre hors de cause ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils étaient membres du groupement qui est intervenu dans l'opération concernant l'ouvrage en cause mais leur mission s'est arrêtée juste avant les études d'exécution et de synthèse précédant le démarrage de l'ouvrage car le centre hospitalier a résilié unilatéralement leur contrat ;
- la simple conception des co-traitants architectes de l'ouvrage ne peut être à l'origine des désordres qui relèvent de la phase d'exécution ;
- si le centre hospitalier avait donné suite à la proposition de mission de surveillance et de contrôle, les désordres qui se sont produits auraient très certainement pu être évités ;
- le mandataire du groupement n'ayant pas fourni au maître d'ouvrage une attestation d'assurance ni justifié du respect de ses obligations fiscales et sociales, ce dernier lui a notifié le 26 mars 2010, la résiliation du marché de conception-réalisation ; ils n'ont pu que s'incliner devant cette décision alors même qu'elle ne respecte pas les règles applicables ;
- ils n'entendent pas assumer les frais et pertes de temps liés à leur participation à une opération d'expertise qui ne les concernent pas d'autant qu'ils n'ont jamais été indemnisés de la résiliation abusive de leurs parts de marché au sein du groupement ;
- le seul interlocuteur du groupement est son mandataire, la société Alpha-bâtiment ;
- les constats de dysfonctionnement sont intervenus pendant l'année de garantie de parfait achèvement ; on peut donc s'étonner que le maître d'ouvrage ait attendu deux ans pour réclamer des réparations alors qu'il avait le pouvoir et les finances pour les imposer aux entreprises responsables.
Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2018, le centre hospitalier Andrée Rosemon, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de MM. G... et M...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les deux architectes ne peuvent manifestement pas être regardés comme étrangers aux opérations d'expertise ni même au litige à venir dès lors qu'ils ont conçu l'ouvrage et peuvent à ce titre fournir des informations utiles aux experts ;
- contrairement à ce qu'ils soutiennent, leur responsabilité n'est pas à exclure ; l'expertise devra déterminer les causes des désordres et notamment dire si ces désordres sont liés à un défaut d'exécution ou à un défaut de conception.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme L...C...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 février 2008, le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne a confié un marché de conception-réalisation concernant un bâtiment à usage de pharmacie devant aussi servir de support à une hélistation, à un groupement conjoint d'entreprises composé des sociétés Alfa-bâtiment, mandataire, Osmose construction Guyane et AGV engineering et des cabinets d'architectes Ph. D. Architectes et D.G.... Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Bureau Veritas. Le 16 avril 2010, alors que les travaux de réalisation n'avaient pas débuté, le centre hospitalier a décidé de résilier le marché en l'absence de production par le groupement des attestations d'assurances et justificatifs de respect des obligations fiscales et sociales demandés. Le centre hospitalier a poursuivi l'opération avec l'assistance technique à maîtrise d'ouvrage du CETE 973 en vertu d'un marché passé le 29 juin 2010 et en confiant les travaux, le 23 janvier 2011 à un groupement d'entreprises composé des sociétés Forclumeca Antilles Guyane, ultérieurement absorbée par la société Eiffage construction métallique, et TH Composite. Le marché concernant l'ordonnancement, le pilotage et la coordination de l'opération a été confié le 21 février 2011 à la société Iosis Antilles Guyane. La réception, confiée au groupement Eiffage construction métallique-TH Composite, a été prononcée avec plusieurs réserves qui ont été levées le 26 mars 2014. Le centre hospitalier a fait état de désordres, consistant notamment dans le décrochage d'une partie des ventelles de l'hélistation et dans d'importantes infiltrations d'eaux pluviales, dès la mise en service de l'ouvrage, qui était intervenue le 23 mai 2013, et a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane aux fins d'organisation d'une expertise relative aux causes et aux conséquences de ces désordres. Par ordonnance du 10 août 2018, le juge des référés du tribunal a ordonné l'expertise au contradictoire, comme le demandait le centre hospitalier, de la société Alfa-bâtiment, de la société Osmose construction Guyane, de la société AGV engineering, de M. D... G..., de M. B...M...exerçant sous la dénomination de cabinet Ph. D. Architectes, du CETE 973, de la société Bureau Veritas, de la société Forclumeca Antilles Guyane, de la société Eiffage construction métallique, de la société TH Composite et de la société Iosis Antilles Guyane. MM. D...G...et B...M..., architectes, demandent la réformation de cette ordonnance en tant qu'elle les mentionne comme parties à l'expertise et demandent leur mise hors de cause.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur ce fondement doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.
3. Si les requérants font observer que le centre hospitalier a saisi le tribunal deux ans après la constatation des désordres, cette circonstance ne permet pas, par elle-même, d'estimer que les prétentions que pourrait formuler le centre hospitalier seraient irrecevables ou atteintes par la prescription. Ils ne peuvent par ailleurs pas valablement soutenir que le centre hospitalier avait les moyens d'exiger des entreprises responsables des travaux qu'elles réalisent les travaux de réparation dès lors que l'origine des désordres n'est pas connue et que les responsabilités ne peuvent, en conséquence, pas être déterminées.
4. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que le groupement auquel appartenaient MM. G...et M...a réalisé la conception de l'ouvrage dont il s'agit. Dès lors qu'aucun élément de l'instruction ne permet de déterminer d'ores-et-déjà l'origine des désordres et que l'expertise a pour objet en particulier de déterminer les causes de ces désordres et de fournir au tribunal tous éléments de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues, la participation de MM. G...et M...aux opérations d'expertise est utile notamment en raison des renseignements qu'ils peuvent fournir à l'expert, alors même qu'ils n'ont pas participé à la réalisation des travaux par suite de la résiliation, avant le commencement de l'exécution de l'ouvrage, du contrat liant leur groupement au centre hospitalier. La circonstance que la résiliation du contrat prononcée par le centre hospitalier serait intervenue dans des conditions illégales et que les architectes n'auraient pas été indemnisés des conséquences de cette résiliation qu'ils estiment abusive est sans incidence sur l'utilité de leur participation aux opérations de l'expertise portant sur l'origine des désordres affectant l'ouvrage.
5. Enfin, si M. G...et M. M...se prévalent de la participation aux opérations d'expertise du mandataire du groupement auxquels ils appartenaient, il ne résulte pas de l'instruction que le mandataire du groupement, dont le marché a été résilié le 16 avril 2010, serait habilité à poursuivre pour le compte des membres du groupement la procédure d'expertise engagée par le centre hospitalier.
6. Il résulte de ce qui précède que M. G...et M. M...ne sont ni fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a ordonné l'expertise à leur contradictoire, ni fondés à demander leur mise hors de cause.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par les requérants au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de MM. G...etM..., solidairement, le versement à l'établissement défendeur d'une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. G...et M. M...est rejetée.
Article 2 : MM. G...et M...verseront, solidairement, au centre hospitalier André Rosemon la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D...G..., à M. B...M..., au centre hospitalier Andrée Rosemon, à MeJ..., liquidateur judiciaire de la société Alfa-bâtiment, à la société Osmose construction Guyane, à la société AGV engineering, au CETE 973, à la société Bureau Veritas, à la société Forclumeca Antilles Guyane, à la société Eiffage construction métallique, à la société TH Composite, à la société Iosis Antilles Guyane. Copie en sera délivrée à MM. H...K...et E...F..., experts et au ministre des outre-mer.
Fait à Bordeaux, le 18 décembre 2018.
Le juge des référés,
Elisabeth C...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 18BX03613