Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 16 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation avec délivrance d'un récépissé autorisant le séjour et le travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
-le refus de séjour attaqué est insuffisamment motivé en fait au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
-c'est en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 de ce code que le préfet lui oppose un défaut de production de certains justificatifs ;
-l'administration n'a donc pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
-le refus de séjour est entaché de multiples erreurs de fait quant à sa situation personnelle ;
-il est également entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'étant estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; il ne pourra bénéficier des soins et traitements appropriés dans son pays d'origine, alors que l'arrêt des soins aurait des conséquences graves ; ont donc été méconnus tant les articles L. 313-11-11° que L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le refus de séjour contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation privée et familiale ; en tout état de cause, il ne pourrait reconstituer une vie familiale normale au Nigéria car sa compagne a été reconnue réfugiée politique ;
-les articles 3 et 16-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnus en raison de la présence en France de son fils.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M.B..., en confirmant les termes de son mémoire de première instance.
Par une décision en date du 4 octobre 2018, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M.B....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. C...de la Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant nigérian, né le 15 mai 1984 à Uromi au Nigéria, est entré irrégulièrement en France le 27 avril 2014 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 avril 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 décembre 2015. Il a bénéficié d'un titre de séjour pour raison de santé du 19 décembre 2016 au 18 mai 2017. Il en a sollicité le renouvellement le 21 mars 2017. Par un arrêté du 16 février 2018, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2018, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce avec une précision suffisante, de manière non stéréotypée, pour l'ensemble des décisions contestées, les considérations de droit et de fait qui les fondent. Au titre des considérations de fait, il mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M.B..., le fait que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, indique la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII, rappelle un certain nombre de circonstances propres à sa vie privée et familiale, et relève que la décision de refus de séjour ne contrevient ainsi pas à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus qu'à son article 3 dès lors qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cet article en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu à l'exhaustivité quant aux circonstances de la situation personnelle de l'intéressé, a suffisamment motivé son arrêté au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, cette motivation révèle que le préfet de la Gironde s'est livré à un examen approfondi de la situation personnelle du requérant.
4. En troisième lieu, si M. B...invoque nouvellement en appel la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ", il ressort de la décision contestée que le préfet n'a pas opposé au requérant, à qui il appartenait de saisir le préfet de tout élément qu'il estimait devoir être connu de l'administration dans le cadre de l'examen de sa situation, le caractère incomplet de sa demande. Ce moyen, qui est inopérant, doit par suite être écarté.
5. En quatrième lieu, si M. B...soutient que l'arrêté attaqué est entaché de nombreuses erreurs de fait " que ce soit sur la composition de la famille dans son pays d'origine ou encore sur sa situation professionnelle ", en n'exposant pas en quoi le préfet aurait commis des erreurs sur ces deux points, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ne ressort pas de cet arrêté qu'il comporterait des erreurs sur la situation familiale ou personnelle de M.B....
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de son article R. 313-23 : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". L'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 22 septembre 2017 et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.
8. D'autre part, aux termes dudit avis, l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait cependant pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si M. B...soutient que ce défaut entraînerait de semblables conséquences sur son état de santé car il ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria, il ne produit à cet égard aucun nouvel élément en appel. Par suite, il y a lieu d'adopter le motif retenu à bon droit par les premiers juges, aux termes duquel ni le certificat médical qu'il a produit, établi par le docteurE..., médecin psychiatre au centre hospitalier de Cadillac, le 13 mars 2018, soit postérieurement à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, au regard des termes dans lesquels il est rédigé, ni les prescriptions médicamenteuses de ce médecin et d'autres psychiatres, ne suffisent à contredire les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait inexactement appliqué les dispositions des articles L. 313-11-11° et L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Les premiers juges ont considéré que : " M. B...n'est arrivé en France qu'à l'âge de vingt-neuf ans, près de quatre ans avant l'édiction de l'arrêté attaqué. Nonobstant l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, il ne s'y prévaut d'aucune attache privée ou familiale autre que son fils, né le 12 juin 2017 à Marseille, et la mère de celui-ci, une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans hébergée par l'association L'Oustaou de Jane à Marseille. Toutefois, il n'établit pas, par la production de récépissés d'opérations financières, de justificatifs d'achat de jouets et de vêtements, d'un billet d'avion pour un vol du 24 juillet 2017, ainsi que d'une attestation d'une assistante de service social du foyer d'hébergement L'Oustaou de Jane rendant compte de ses visites en 2017 et en mars 2018, l'actualité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec son fils et la mère de celui-ci, alors qu'il vit à Bordeaux, où il ne justifie pourtant pas d'une réelle intégration, ne disposant pas de son propre logement et ne travaillant qu'à temps partiel, comme coiffeur, pour un salaire mensuel inférieur à 800 euros. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Nigéria, où résident selon ses déclarations ses parents ainsi que deux de ses frères et soeurs ". M. B...n'apportant en appel aucun élément nouveau, il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges tel qu'il vient d'être rappelé. Dans ces conditions, les décisions attaquées n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le préfet de la Gironde n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
11. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article 16 de la même convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. ". Ainsi qu'il a été dit précédemment, M.B..., qui vit à Bordeaux sans y être particulièrement intégré alors que son fils réside à Marseille, ne justifie pas de l'intensité de ses liens affectifs avec celui-ci, ni contribuer à son entretien et son éducation. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant en le séparant de son père et auraient méconnu les stipulations précitées doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B.... Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B.... Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget , président,
M. Paul-André Braud, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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