Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2018, MmeD..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 1er mars 2018 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
-son signataire était incompétent ;
-elle viole l'art L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, si elle retourne dans son pays d'origine, elle ne pourra bénéficier de traitements appropriés à son état de santé ;
-elle viole également les articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 313-14 et R. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il n'a pas pris en compte tous les éléments de sa situation personnelle et n'a pas procédé à un examen approfondi de cette situation ;
S'agissant de la mesure d'éloignement :
-elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
-elle viole l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
-elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
En l'absence de tout nouvel élément, il confirme les termes de son mémoire de première instance.
Par une ordonnance en date du 18 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2019.
Par une décision en date du 6 décembre 2018, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à MmeD....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. F...de la Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...D..., ressortissante comorienne née en 1966 à Moya Anjouan (Comores), est entrée régulièrement sur le territoire français le 5 janvier 2011 munie d'un visa court séjour. Depuis cette date, plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade lui ont été délivrés, le dernier étant valable jusqu'au 20 mai 2017. Elle a présenté, avant la date d'expiration dudit titre, une demande de renouvellement de son titre de séjour. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 juillet 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre séjour :
2. En premier lieu, par arrêté du 29 janvier 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Gironde a donné délégation de signature à Mme E...C..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer notamment toutes décisions prises en application du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que toutes décisions d'éloignement et toutes décisions accessoires s'y rapportant prises en application du titre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet de la Gironde se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation personnelle de MmeD....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
5. Mme D...fait valoir qu'elle souffre de trois pathologies, cardiaque, oncologique et lombalgique, pour lesquelles elle a besoin de contrôles réguliers et de traitements auxquels elle ne pourrait accéder dans son pays d'origine. Cependant, si l'avis du collège de médecins de l'OFII en date du 20 février 2018 indique que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale et que l'absence de cette prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort également de cet avis qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié et qu'en outre, peut voyager sans risque vers ce pays. En première instance, Mme D...a versé quatre certificats médicaux datés du 1er septembre 2017, du 16 mars 2018, du 20 mars 2018 et du 22 mars 2018 et en appel, elle produit le compte-rendu d'une intervention chirurgicale effectuée en mars 2012, des compte-rendu de consultation en date des 23 décembre 2013 et 29 juillet 2016, ainsi qu'une convocation à des contrôles cardiologiques en date du 26 janvier 2018. Il ressort de ces pièces que Mme D...a certes été affectée d'une tumeur ovarienne, mais que cette pathologie a été traitée par une hystérectomie totale en 2012, et qu'elle a ensuite connu des problèmes cardiaques, qui ont également été pris en charge en milieu hospitalier. Toutefois, si les documents médicaux produits, dont au demeurant plusieurs d'entre eux sont postérieurs à l'arrêté attaqué, évoquent la nécessité de contrôles réguliers tant au plan oncologique que cardiologique, ils ne fournissent aucune précision sur les traitements médicaux prescrits. Dans ces conditions, et alors que la requérante se borne à invoquer la situation médicale générale aux Comores et ne démontre pas qu'elle ne pourrait accéder aux contrôles requis par son état de santé dans ce pays, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions de l'article L. 311-11 11°.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : " L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplit pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée de son traitement. ". Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation sur le fondement de cet article, le préfet de la Gironde n'a pas entaché le refus de séjour qu'il a opposé à Mme D...d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de santé.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
8. Mme D...fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français le 5 janvier 2011, munie d'un visa de court séjour, qu'elle y réside depuis lors, qu'elle a bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade à compter de l'année 2012, et qu'elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées par une décision du 7 juin 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que MmeD..., entrée en France à l'âge de 45 ans, ne dispose pas d'attaches familiales en France, et que sa famille proche, notamment son fils et sa mère, réside aux Comores. Dans ces conditions, et alors que l'ensemble des éléments évoqués ne démontre pas une intégration durable dans la société française, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme D...n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 311-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Gironde n'a pas non plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du CESEDA : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
10. Les éléments présentées par la requérante, notamment tels qu'ils ont été exposés aux points précédents du présent arrêt, ne sont pas de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de MmeD....
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme D...ne saurait se prévaloir de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette décision ne peut être regardée comme illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour ou éloignement.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". A supposer que Mme D...ait entendu se prévaloir des dispositions du 10° de cet article, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'appelante n'établit pas que les traitements dont elle a besoin n'existeraient pas dans son pays d'origine ni qu'elle ne pourrait pas y avoir accès effectivement. Par suite le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD.... Par suite, ses conclusions aux finx d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme D...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
18BX04394 2
18BX04394 3