Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2019, et un mémoire, enregistré le 18 juin 2020, Mme K..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la délibération du 22 mai 2017 du conseil municipal de Saint-Coutant-le-Grand ;
3°) de condamner la commune de Saint-Coutant-le-Grand à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge administratif devra surseoir à statuer en attendant que le juge judiciaire se prononce sur la propriété des parcelles 730 et 731 ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office le moyen tiré de l'absence d'habilitation de l'auteur du mémoire en défense de la commune ;
- le tribunal a eu tort de se fonder sur le rapport du commissaire enquêteur dès lors que l'enquête publique est partiale ;
- la procédure d'aliénation est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle n'a pas été mise en demeure d'acquérir la portion du chemin mise en vente en méconnaissance de l'article L. 161-10 du code rural ;
- la procédure d'aliénation est entachée d'un vice de procédure en l'absence de décision expresse de déclassement ;
- le tribunal a fait une appréciation erronée de la nature du quéreu ;
- le tribunal a fait une appréciation juridique erronée de l'affectation au public ;
- la délibération est entachée de détournement de pouvoir dès lors que la commune a entendu privilégier les intérêts privés ;
- l'aliénation du chemin s'apparente à une emprise irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2020, la commune de Saint-Coutant-le-Grand, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme K... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par M. et Mme H... a été enregistré le 10 juin 2020 mais n'a pas été régularisé malgré la demande de régularisation adressée le 17 juin 2020, reçue le 24 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... C... ;
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saint-Coutant-le-Grand.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 mai 2017 le conseil municipal de Saint-Coutant-le-Grand a décidé de désaffecter une partie, d'une contenance de 41 m², du chemin rural situé impasse des Roux en vue de sa cession à M. H... et a fixé le prix de vente à l'euro symbolique. Mme K... et M. L... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cette délibération. Mme K... relève appel du jugement n° 1702576 du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. En l'espèce, dès lors que Mme K... et M. L... n'avaient soulevé, devant le tribunal administratif, aucune fin de non-recevoir s'agissant du mémoire en défense présenté par la commune de Saint-Coutant-le-Grand et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que ce mémoire, signé par un avocat, n'aurait pas été présenté par une personne ayant qualité pour représenter la commune, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, ne pas relever d'office ce moyen alors même que le représentant de la commune et la délibération sur le fondement de laquelle il a été habilité n'étaient pas précisés dans le mémoire en défense présenté devant le tribunal. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 7 avril 2014 le conseil municipal de Saint-Coutant-le-Grand a, sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, donné au maire, pour la durée de son mandat, une délégation pour défendre la commune dans les actions intentées contre elle. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier en tant qu'il n'a pas écarté les écritures présentées par la commune.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier que la partie du chemin objet de la délibération litigieuse constitue une impasse qui débouche sur la parcelle n° 730, désormais numérotée B 1013. Si Mme K... fait valoir qu'elle est propriétaire indivis de cette parcelle ainsi que d'une partie de la parcelle 731, désormais numérotée B 1014, parcelles qui constituent selon elle le " quéreu commun " sur lequel elle disposerait d'un droit de propriété, elle se borne à produire un acte de vente du 21 février 1976 qui concerne les parcelles B 743 et 744 et qui indique que l'acte de vente précédent comporte la mention " Ensemble droit au quéreu commun du village " ainsi qu'un document daté du 30 septembre 2011 intitulé " attestation immobilière après le décès de Madame G... K... " qui comporte également la même mention. Toutefois, compte tenu de l'imprécision de cette mention, qui ne comporte aucune référence cadastrale, et en l'absence de tout document relatif à la consistance du " quéreu ", ces documents ne permettent pas de considérer que Mme K... serait propriétaire de tout ou partie des parcelles 730 et 731 alors que la commune produit, quant à elle, la fiche de propriété de M. H... sur laquelle figurent lesdites parcelles. Par suite, en l'absence de difficulté sérieuse soulevée par la question de la propriété de ces parcelles, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en attendant que le juge judiciaire se prononce sur la question de leur propriété comme le demande Mme K....
4. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Aux termes de l'article L. 161-10 du même code : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. / Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. / Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales ".
5. Si Mme K... soutient que la portion de chemin en cause ne pouvait être cédée à M. H... faute d'avoir été préalablement déclassée, il est constant que la délibération du 22 mai 2017 a pour objet d'autoriser la cession d'une partie d'un chemin rural, appartenant au domaine privé de la commune et ne nécessitant, par suite, aucun déclassement préalable. Les circonstances qu'une partie de ce chemin aurait été goudronnée et serait utilisée pour la circulation routière et qu'un panneau d'interdiction de stationner aurait été implanté n'étant pas de nature à considérer, comme elle le soutient, que ce chemin aurait été intégré au domaine public routier de la commune.
6. Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime que la désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait et peut-être décidée après une enquête. En l'espèce, une enquête publique a été conduite du 31 mars au 14 avril 2017. Il ressort des pièces du dossier que cette enquête publique s'est déroulée sans incident et que trente-cinq observations ont été notées dans le registre d'enquête, émanant des habitants de la commune et notamment de ceux du village des Roux. La circonstance que des observations ont été émises par des personnes qui ne sont pas riveraines de la parcelle n'est pas de nature à entacher l'enquête publique d'irrégularité dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne limite aux seuls riverains la possibilité de présenter des observations lors de l'enquête prévue par les dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime. Si les membres de la famille de M. H... ont formulé des observations, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer la partialité de l'enquête publique. En outre, l'appelante a également pu présenter des observations sur le projet qui ont été prises en compte par le commissaire-enquêteur. Dans ces conditions, la délibération attaquée n'est pas intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et ce moyen doit, par suite, être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, après avoir précisé que " les 41 m² concernés par cette enquête sont situés en impasse au bout d'un chemin privé de la commune ", que " ce bout de chemin rural situé en impasse n'est pas d'utilité publique ", qu'" il ne parait pas avoir une importance capitale pour qui que ce soit " et que " la commune n'entretient pratiquement pas ce chemin qui ne sert que très peu et n'est pas en bon état ", a émis un avis favorable sans réserve au projet d'aliénation. Ainsi, malgré la maladresse des termes employés, il ressort des conclusions du commissaire enquêteur, désigné spécifiquement dans le cadre de la procédure d'aliénation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime, qu'il doit être regardé comme établi que la portion de chemin en cause n'est plus affectée à l'usage du public. Si Mme K... fait valoir que " la voie litigieuse " a été goudronnée, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité de cette allégation ni aucune précision sur la date à laquelle un tel aménagement aurait été réalisé ni sur l'existence d'un entretien régulier de la voirie par la commune. Par ailleurs, en se bornant à produire une photo d'un panneau d'interdiction de stationner, dont aucune pièce du dossier ne permet d'ailleurs d'en situer l'emplacement, Mme K... ne peut être regardée comme démontrant l'existence, de la part de la commune, d'actes réitérés de surveillance de nature à présumer, au sens de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, l'affectation à l'usage du public de la portion de chemin en cause. Le seul fait que Mme K... utilise ce chemin de manière ponctuelle lorsqu'elle stationne sa voiture sur la parcelle B 1013, ne suffit pas à considérer que le chemin serait toujours utilisé comme voie de passage et la circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, que cette portion de chemin aurait été utilisée à deux reprises pour des courses cyclistes n'est pas davantage suffisante pour caractériser une affectation à l'usage du public au sens des dispositions précitées de l'article L. 161-10 du code rural. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit chemin serait la seule voie permettant aux riverains de fuir en cas d'inondation ou d'incendie. Par suite, le conseil municipal a pu, à bon droit, estimer que la portion du chemin rural en cause avait cessé d'être affectée à l'usage du public.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que Mme K... ne justifie pas être propriétaire des parcelles cadastrées B 1013 et B 1014 et n'a donc pas la qualité de propriétaire riverain de la parcelle objet de l'aliénation décidée par la délibération contestée. Par suite, la commune n'était pas tenue de la mettre en demeure d'acquérir la portion de chemin rural aliénée. Les conclusions du commissaire-enquêteur rendues à la suite de l'enquête publique précisent par ailleurs que personne n'a revendiqué l'acquisition de ce bout de chemin.
9. Par ailleurs, si Mme K... soutient que la parcelle B 1013 constitue un quéreu, en tout état de cause, cette qualification de la parcelle implique seulement la possibilité, pour les piétons, d'y circuler librement sans obstacle, sans qu'il soit nécessairement obligatoire qu'ils puissent la traverser de part en part. Dès lors, et comme l'ont relevé les premiers juges, l'aliénation de la portion du chemin rural objet de la délibération contestée n'empêche pas Mme K... d'accéder à la parcelle B 1013 qui est desservie par la route communale, de sorte que son droit d'usage n'est pas modifié par la décision en litige. Cette aliénation n'empêche pas davantage les piétons de circuler librement sur ladite parcelle et ne saurait donc être regardée comme " s'apparentant à une emprise irrégulière ". Enfin, Mme K... ne justifiant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, être propriétaire de la parcelle B 1013, la circonstance que la vente du chemin rural a pour conséquence de fermer un des accès à cette parcelle ne peut être regardée comme portant atteinte à son droit de propriété.
10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la vente d'un chemin rural suppose uniquement que ce dernier ne soit plus affecté à l'usage du public. Par suite, la commune de Saint-Coutant-le-Grand n'avait pas à justifier d'un intérêt général pour procéder à cette aliénation au profit d'une personne privée. Par ailleurs, en cédant la portion de chemin rural à M. H... pour un euro symbolique tout en laissant à sa charge les frais de notaires et de géomètre, la commune ne peut être regardée, compte tenu des faibles dimensions de cette portion de chemin, de sa configuration en impasse et de sa localisation, comme ayant cédé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la délibération en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir en ce que la commune aurait entendu privilégier des intérêts privés doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 22 mai 2017.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Coutant-le-Grand, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme K... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme K... le versement à la commune de Saint-Coutant-le-Grand d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme K... est rejetée.
Article 2 : Mme K... versera à la commune de Saint-Coutant-le-Grand la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... K..., à la commune de Saint-Coutant-le-Grand et à M. et Mme J... H....
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... C..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne C...Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX04393