Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail jusqu'à ce que sa situation soit réexaminée, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature accordée à monsieur le secrétaire général est trop large ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette même décision méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Un mémoire présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 9 novembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante gabonaise née le 30 décembre 2000, est entrée en France le 29 décembre 2017 sous couvert d'un visa court séjour valable du 26 décembre 2017 au 5 janvier 2018. Le 12 juillet 2019, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 janvier 2020, le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 6 septembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Vienne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général, à l'effet de signer tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions de refus de séjour et celles portant obligation de quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. Mme B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Vienne a relevé que, par avis rendu le 9 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le Gabon, son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... présente une déficience intellectuelle associée à une ataxie cérébelleuse. L'appelante verse au dossier un certificat médical d'un praticien hospitalier du service de médecine physique et de réadaptation du centre hospitalier universitaire de Poitiers du 14 février 2019, qui constate les troubles de la marche avec chute à répétition de l'intéressée et qui prescrit en conséquence des chaussures orthopédiques, un compte rendu du service neurologique du même établissement du 6 décembre 2018 concernant un bilan étiologique, un certificat médical du service de génétique clinique du 17 septembre 2019 qui se borne à constater l'absence d'anomalie, un compte-rendu d'un neuropsychologue qui conclut à la présence d'une déficience intellectuelle moyenne et un certificat médical d'un kinésithérapeute du 22 janvier 2019 qui relève le déficit d'autonomie de l'intéressée. Toutefois ces pièces, qui se bornent à décrire l'état de santé de Mme B... ne se prononcent ni sur la nécessité d'un suivi de l'intéressée, ni sur la disponibilité d'un traitement effectif dans son pays d'origine. En outre, si l'intéressée verse également au dossier un certificat médical d'un médecin généraliste du 2 mars 2020 indiquant que depuis sa prise en charge, Mme B... a fait de grands progrès et qu'un défaut de prise en charge entrainerait une grande régression dans ses acquis et une aggravation dans ses troubles, ce document, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, ne comporte que des considérations générales et peu circonstanciées concernant la prise en charge de la pathologie de Mme B.... Enfin, si l'intéressée soutient qu'un diagnostic génétique était en cours à la date d'édiction de la décision litigieuse, il ressort des pièces du dossier que ce diagnostic avait pour seul but de vérifier la potentielle origine génétique de sa pathologie, mais est sans incidence sur la nécessité d'une prise en charge de son état de santé. Dans ces conditions, les éléments fournis par l'appelante ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de cette convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 14 de ladite convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
8. Si Mme B... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge en France, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'intéressée n'établit pas que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que sa pathologie ne pourrait pas être traitée au Gabon. En outre, Mme B..., célibataire, est entrée récemment en France, le 29 décembre 2017, accompagnée de sa mère qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident un frère, ses grands-parents et une cousine. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Vienne n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de la décision attaquée. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelante.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
11. Il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que la pathologie de Mme B... ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. L'arrêté en litige qui vise les textes applicables, notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puis mentionne que l'intéressée pourra être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité, précise cette nationalité et énonce qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit comme en fait.
14. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
15. Si l'intéressée soutient qu'existe un risque vital en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son état de santé, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'est pas établi que la pathologie de Mme B... nécessite un suivi dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
Mme C..., premier conseiller,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur
C...Le président,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02340 2