Par un jugement n° 2101041, 2101042, du 7 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 10 mai 2021 sous le n° 21BX01983, M. B..., représenté par Me Brel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 de la préfète de l'Aveyron ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aveyron de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de lui verser ladite somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation en fait et en droit en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet a appliqué les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfète de l'Aveyron n'a pas demandé au tribunal de procéder à une substitution de base légale ;
- la préfète aurait dû faire usage de son pouvoir régularisation, attachant ainsi sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de New-York en raison de la pathologie et de la prise en charge de son fils ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale dans la mesure où elle est justifiée par la décision du même jour portant refus d'admission au jour ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où la fermeture de frontière fait obstacle à son départ du territoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 511-4, 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de New-York ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- elle est privée de base légale dans la mesure où elle est justifiée par les décisions du même jour portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;
- elle entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2021, la préfète de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens présentés par M. B... n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 10 mai 2021 sous le numéro 21BX01984, Mme B..., représentée par Me Brel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 de la préfète de l'Aveyron ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aveyron de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de lui verser ladite somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête n° 21BX01983.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2021, la préfète de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens présentés par Mme B... n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Hardy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... et Mme A... C... épouse B..., ressortissants algériens nés respectivement en 1984 et 1985, sont entrés en France le 10 octobre 2014 en possession d'un visa de type C touristique valable du 16 septembre 2014 au 16 novembre 2014. Ils ont introduit une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 11 février 2021, la préfète de l'Aveyron a rejeté leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. Par les deux requêtes enregistrées sous les numéros 21BX01983 et 21BX01984 M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 7 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Ces requêtes concernant la situation d'un couple et présentant à juger des mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
2. Les arrêtés attaqués visent les textes dont il est fait application, mentionnent les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. et Mme B... et indiquent avec précision les raisons pour lesquelles la préfète de l'Aveyron a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Ces indications, qui ont permis à M. et Mme B... de comprendre et de contester les mesures prises à leur encontre, étaient suffisantes alors même que ces arrêtés ne visent pas la version modifiée de l'accord franco-algérien, qu'ils ne comportent pas un énoncé exhaustif des éléments relatifs à la situation personnelle des intéressés, notamment la sépulture en France de deux de leurs enfants et l'emploi occupé par M. B... en 2020, et qu'ils n'indiquent pas les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante des arrêtés contestés doit être écarté.
3. Il ne ressort pas de cette motivation ni des autres pièces des dossiers que la préfète n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. et Mme B....
4. Il ressort de l'examen des arrêtés contestés que la préfète a examiné la situation familiale de M. et Mme B..., la nature des attaches dont ils se prévalaient en France, l'état de santé de leur enfant né en 2015 ainsi que l'emploi exercé par M. B... et la promesse d'embauche qu'il avait produite, pour en conclure qu'ils ne justifiaient d'aucune circonstance ni d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire susceptibles de permettre de leur délivrer un titre de séjour. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les intéressés, la préfète, qui a visé l'accord franco-algérien, ne s'est pas abstenue d'exercer son pouvoir général de régularisation alors même qu'elle a cité l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, qui n'était pas applicable aux ressortissants algériens. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit ainsi soulevé doit être écarté.
5. Si M. et Mme B... font valoir qu'ils résident en France depuis le mois d'octobre 2014, la durée de leur présence en France est consécutive à l'examen de leurs demandes d'asile, qui ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 22 mai 2017, et par l'obtention, en novembre 2017, d'une autorisation provisoire de séjour afin que leur fils, né en juin 2015, bénéficie de soins, la demande de renouvellement de cette autorisation provisoire ayant, quant à elle, été rejetée le 7 janvier 2019. M. et Mme B... ne justifient, en France, d'aucune attache ni d'aucune intégration particulière, la sépulture à Rodez de deux de leurs enfants, décédés à leur naissance, et la scolarisation de deux autres de leurs enfants n'étant pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser de tels liens. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'état de santé du plus jeune de leurs enfants nécessiterait leur présence en France, les documents produits dans le cadre de la présente instance ne permettant pas de remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé du fils de M. et Mme B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Enfin, si M. B... fait valoir qu'il a travaillé en France, il ressort des pièces de son dossier qu'il a exercé le plus souvent des missions temporaires. S'il produit une promesse d'embauche établie par une société pour laquelle il a travaillé entre les mois de février et décembre 2020, cet élément n'est pas suffisant, dans les circonstances de l'espèce, pour caractériser une intégration professionnelle particulière. Par suite, les éléments avancés par M. et Mme B... à l'appui de leurs demandes de titre de séjour ne caractérisent pas des circonstances ou des motifs exceptionnels ou humanitaires et la préfète ne peut être regardée, en ayant refusé de leur délivrer un titre de séjour et en leur ayant fait obligation de quitter le territoire français, comme ayant porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs de ces refus et aux buts poursuivis par les mesures d'éloignement, alors même que M. B... maîtrise la langue française et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et de l'appréciation manifestement erronée des conséquences de ces mesures sur la situation de M. et Mme B... doivent être écartés.
6. Comme il a été exposé ci-dessus, il ne ressort pas des pièces produites par M. et Mme B... que l'état de santé de leur fils nécessiterait sa présence en France. Par ailleurs, les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les intéressés de leurs enfants qui pourront poursuivre leur scolarité hors de France, notamment en Algérie, pays dont ils ont la nationalité. Par suite, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de M. et Mme B.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
7. Pour les motifs exposés aux points précédents, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.
8. Si M. et Mme B... invoquent la fermeture des frontières avec l'Algérie liée à l'épidémie de covid-19, cette circonstance est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution des mesures d'éloignement, mais demeure sans incidence sur leur légalité.
9. Pour les motifs exposés aux points précédents, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de renvoi seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Si M. et Mme B... font valoir que leur famille encourt des risques en cas de retour en Algérie, ils n'apportent aucune précision et ne produisent aucun document à l'appui de cette allégation. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la préfète se serait estimée liée par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile qui ont rejeté les demandes d'asile présentées par M. et Mme B.... Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit dont serait entachées, pour ce motif, les décisions fixant le pays de renvoi, de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, et de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de l'Aveyron du 11 février 2021. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise à la préfète de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
La présidente-rapporteure,
Marianne HardyLa présidente-assesseure,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01983, 21BX01984 6