Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 17 juin 2021, l'indivision C..., M. F... H..., M. B... H... et Mme L..., représentés par Me Terrien-Crette, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2017 par lequel le maire de Bordeaux ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme A... E... N... en vue d'une surélévation et de l'extension d'une construction existante située 185 rue Pasteur à Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
- l'arrêté attaqué a été pris sans concertation préalable en méconnaissance des dispositions du code civil ;
- le dossier de déclaration préalable était incomplet, imprécis et comportait de nombreuses incohérences, de nature à fausser l'appréciation du projet par les services instructeurs en méconnaissance de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme ; le comportement de la pétitionnaire pouvait être qualifié de fraude justifiant le retrait de la décision attaquée en raison des documents non conformes à la réalité ;
- l'arrêté attaqué est illégal en ce que le projet en litige, qui consiste en l'extension d'une construction existante dont l'emprise totale après travaux dépasse une surface de 150 m2, était soumis à l'obtention d'un permis de construire conformément aux dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article 2.2.2 du règlement de la zone UM34 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole, et R. 421-4 du code de l'urbanisme, en ce que la surface de plancher projetée est supérieure à la surface de plancher maximum de 30 m² autorisée par le règlement et de 40 m² par le code de l'urbanisme en cas d'extension d'une construction existante ;
- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article 2.4 du règlement de la zone UM34 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole en ce qu'il porte atteinte au caractère des lieux et ne s'insère pas dans son environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, la commune de Bordeaux, représentée par Me Berard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2021, Mme A... E... N..., représentée par Me Maixant, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est tardive, irrecevable en raison de l'absence d'accomplissement des formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, que les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir et qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Terrien-Crette, représentant Mme C... et autres, de Me Berard, représentant la commune de Bordeaux, et de Me Maixant, représentant Mme A... E... N....
Une note en délibéré présentée pour Mme C... et autres, représentés par Me Terrien-Crette, a été enregistrée le 24 janvier 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... E..., propriétaire d'une maison d'habitation située 185 rue Pasteur à Bordeaux, a déposé le 15 février 2017, une déclaration préalable en vue de la surélévation et de l'extension d'une construction existante pour une surface de plancher de 27 m². Par un arrêté du 20 juin 2017, le maire de Bordeaux ne s'est pas opposé à cette déclaration. L'indivision C..., M. F... H..., M. B... H... et Mme D... L..., voisins immédiats du projet, ont intenté le 26 août 2017 un recours gracieux à l'encontre de cette décision, lequel recours a été implicitement rejeté par le maire de Bordeaux. Mme I... C..., Mme G... C..., Mme K... C..., M. J... C..., Mme D... L..., M. F... H... et M. B... H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 juin 2017. Ils relèvent appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.
2. En premier lieu, Mme Marie José Del Rey, conseillère municipale, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation du maire de Bordeaux du 28 juillet 2014, régulièrement publiée, à l'effet de remplir les fonctions de déléguée auprès de l'adjoint chargé de l'urbanisme opérationnel, de l'habitat, des déplacements, pour le droit des sols, afin de, en particulier, " se prononcer sur les demandes de permis de démolir, d'aménager ainsi que sur les déclarations préalables de travaux ". Par suite et compte tenu des mentions relatives à la publicité figurant sur l'arrêté de délégation lui-même, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.
3. En deuxième lieu, et ainsi que l'a jugé le tribunal, une autorisation d'urbanisme a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'elle autorise avec la législation et la réglementation d'urbanisme et est accordée sous réserve des droits des tiers. Ainsi les requérants ne sauraient utilement invoquer les moyens tirés de ce que la construction autorisée méconnaitrait les règles relatives à la mitoyenneté fixées par le code civil.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".
5. La circonstance que le dossier de déclaration de travaux ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité la décision de non opposition qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. Les requérants soutiennent que le dossier de demande préalable était incomplet, inexact et imprécis et que sa présentation erronée voire frauduleuse a faussé l'appréciation portée par la commune de Bordeaux.
7. Mme A... E... N... a déposé le 15 février 2017, un dossier de déclaration préalable qui a été complété par des pièces fournies à la suite de la demande de la commune le 28 avril 2017 et le 19 juin 2017. Si les requérants font valoir que le dossier ne permet pas d'apprécier l'insertion de l'extension projetée par rapport aux constructions avoisinantes, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des documents DP4 DP6 et des photographies, que la commune disposait des éléments lui permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Si les documents n'étaient pas nombreux à représenter la partie arrière du projet, la simplicité de la surélévation, au demeurant s'arrêtant au droit d'un patio déjà existant, n'exigeait pas de documents supplémentaires. Par ailleurs, si la distance par rapport à la voie publique n'était pas précisée elle pouvait aisément être déduite des plans qui comportaient une échelle et il n'y avait pas lieu de permettre le calcul de la distance par rapport à l'impasse Wilson très éloignée et sans accès direct depuis la propriété de Mme A... E... N.... En outre, l'imbrication des toitures avec les constructions voisines Est et Ouest n'est pas d'une complexité telle que la demande aurait dû être assortie de documents plus précis que les DP4. Enfin contrairement à ce que soutiennent les requérants l'existence de 2 fenêtres en partie haute sur le côté Est du projet est matérialisée notamment sur le document DP6.
8. Les requérants font également valoir que le document DP4 serait erroné en sa partie Nord, cependant ce document consiste en une projection à l'intérieur de la construction et non en mitoyenneté comme ils le soutiennent, et la fenêtre double sur la surélévation est matérialisée contrairement à ce qu'ils soutiennent. De même, la circonstance que Mme A... E... N... aurait l'intention de créer un logement indépendant destiné à la location est sans incidence sur le caractère complet du dossier au regard du projet autorisé par l'arrêté contesté.
9. Les requérants soutiennent encore que les documents produits par la pétitionnaire ne permettent pas, en l'absence de certaines cotes, d'apprécier le volume réel du projet et seraient de nature à dissimuler les surfaces de plancher et emprise créées. Toutefois, la seule production de plans d'un architecte intervenu à leur demande et qui ne comportent pas d'échelle de mesure, ne permet pas de tenir pour établi que les pièces du dossier de demande seraient inexactes sur ces points. En outre, si effectivement le dossier de demande comporte certaines imprécisions, notamment sur la surface du petit abri déplacé dans le passé devant l'entrée de la propriété de Mme A... E... N..., cette circonstance ne porte que sur une très faible superficie. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune pièce du dossier n'indique de modification du réseau électrique et pluvial existant.
10. Il résulte de ce qui précède, que les imprécisions dont sont entachés les éléments du dossier de demande préalable en cause, n'ont pu fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) b) Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 ; (...) Pour l'application du c du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme : " Pour l'application de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) Une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher n'excède pas cent cinquante mètres carrés ; (...) Les demandeurs d'un permis de construire sont tenus de recourir à un architecte pour les projets de travaux sur construction existante conduisant soit la surface de plancher, soit l'emprise au sol de l'ensemble à dépasser l'un des plafonds fixés par le présent article ".
12. Les requérants soutiennent que l'extension en litige porterait l'emprise totale de la construction existante au-delà de 150 m², et qu'ainsi la demande de Mme A... E... N... relevait du permis de construire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que la construction existante présente une surface de plancher de 90 m² et une emprise de 130 m². Si les requérants indiquent que ces superficies sont erronées car des travaux antérieurs non autorisés auraient été réalisés, la seule production de plans sur lesquels figurent des mesures mais qui sont dépourvus d'échelle, ne permet pas de tenir ces allégations pour établies. Par suite, les éléments du dossier de Mme A... E... N... selon lesquels la surface de plancher prévue par le projet est inférieure à 40 m² et l'emprise totale après la réalisation du projet ne dépasse pas 150 m², ne sont pas remis en cause par les pièces produites par les requérants. Par suite, le moyen selon lequel les dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme auraient été méconnues doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 2.2.2 du règlement de la zone UM34 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole relatif aux constructions existantes avant l'approbation du PLU 3.1 : " Si l'emprise bâtie de la construction existante est supérieure ou égale à 40 % de la surface du terrain : il est autorisé une extension inférieure ou égale à 30 m² de surface de plancher ".
14. Il est constant que l'emprise bâtie de la construction existante était supérieure à 40 % de la surface du terrain de 284 m². Mais il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et notamment pas des plans, non assortis d'une échelle de mesure, produits par les requérants, que la surface de plancher créée serait supérieure à 30 m² et qu'ainsi le règlement du plan local d'urbanisme précité aurait été méconnu. Par suite, ce moyen doit être écarté.
15. En sixième lieu, si les requérants soutiennent que les réseaux d'évacuation des eaux pluviales et d'électricité vont être modifiés, ils n'invoquent la méconnaissance d'aucune disposition au soutien de ce moyen.
16. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2.4 du règlement de la zone UM34 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole relatif à l'aspect extérieur des constructions et à l'aménagement de leurs abords : " La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et a` l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'a` la conservation des perspectives monumentales (...) ". Ces dispositions ayant le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posant des exigences qui ne sont pas moindres, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Bordeaux métropole.
17. Les requérants soutiennent que l'extension projetée avec surélévation vient s'imbriquer dans des maisons mitoyennes et ne s'intègre pas de manière harmonieuse au bâti existant alors que la zone concernée UM34 du plan local d'urbanisme se définit comme une zone " a` dominante d'échoppes, faubourgs et maisons de ville ", ce qui implique une hauteur limitée des maisons. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du document graphique d'insertion que l'extension projetée sera revêtue d'un bardage de bois peint en rouge brique, que les huisseries seront en aluminium laqué de même teinte et que la partie créée en rez-de-chaussée reprendra les tonalités du bâti existant tandis que les toitures seront réalisées avec les tuiles du bâti actuel, et que l'appareil de climatisation n'est pas de grande dimension. Dans ces conditions, au vu de la faible ampleur des travaux projetés et de l'absence d'unité architecturale ou urbaine du secteur dans lequel s'insère le projet, qui comporte outre des habitations individuelles sans caractère architectural particulier, des immeubles de grande hauteur et des commerces disparates, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2.4 du règlement de la zone UM34 doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par la pétitionnaire en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2017 par lequel le maire de Bordeaux ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme A... E... N....
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants la somme de 1 500 euros qu'ils verseront à la commune de Bordeaux et à Mme A... E... N....
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... C... et autres est rejetée.
Article 2 : Mmes C..., M. C..., Mme L..., et MM H... verseront 1 500 euros à la commune de Bordeaux et 1 500 euros à Mme A... E... N... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C..., désignée comme représentant unique qui en informera les autres requérants, à la commune de Bordeaux et à Mme M... A... E... N....
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.
La rapporteure,
Fabienne Zuccarello La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX04964