Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 janvier 2020 et le 8 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Mongie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Bordeaux du 20 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Bordeaux de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté du recteur a été pris en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense dès lors elle n'a pas pu prendre connaissance de son dossier individuel avant l'entretien préalable au licenciement du 25 octobre 2017 ;
- les carences révélées par les comptes rendus d'évaluation des années scolaires 2015-2016 et 2016-2017 et le rapport d'inspection pédagogique du 29 mai 2017 sont ponctuelles, alors qu'elle exerce des fonctions d'enseignante depuis 1989 ; par ailleurs, ces rapports ne rendaient compte que de difficultés auxquelles l'administration aurait pu remédier, et qui ne justifiaient pas son licenciement.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2021, la rectrice de l'académie de Bordeaux conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 20 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Charlotte Isoard,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Mongie, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui a exercé des fonctions de maître auxiliaire d'espagnol entre le 6 février 1989 et le 13 mai 1994, a ensuite été recrutée par le rectorat de Bordeaux en qualité de professeur contractuel d'espagnol à compter du 10 mars 2008 en contrat à durée déterminée, puis, à partir du 1er septembre 2015, en contrat à durée indéterminée. Par un arrêté du 20 novembre 2017, le recteur de l'académie de Bordeaux l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2017.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du procès-verbal de la commission consultative paritaire académique du 16 novembre 2017, que Mme A... a pris connaissance de son dossier individuel le 25 octobre 2017, soit le jour de l'entretien préalable à son licenciement. Si l'intéressée soutient que les conditions de cette consultation ne lui ont pas permis de faire valoir ses arguments lors de l'entretien préalable, elle a toutefois disposé d'un délai suffisant avant l'intervention de l'arrêté litigieux, le 20 novembre 2017, pour présenter ses observations, notamment de manière orale lors de la réunion de la commission consultative académique paritaire, à laquelle elle a assisté et au cours de laquelle elle est intervenue. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense par le recteur de l'académie de Bordeaux doit être écarté.
4. En second lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
5. L'arrêté du 20 novembre 2017 se fonde sur les insuffisances pédagogiques et didactiques de Mme A..., révélées par les différents rapports d'inspection concernant son enseignement, et sur les difficultés dont témoignent notamment les comptes rendus d'évaluation établis par les chefs d'établissement pour les années scolaires 2015-2016 et 2016-2017. En effet, le rapport de visite conseil du 8 février 2016 fait état de " manques inquiétants " observés lors de la séance et souligne que Mme A... ne possède pas une connaissance précise de l'enseignement des langues vivantes malgré son expérience professionnelle. Si la requérante soutient que les lacunes identifiées par ce rapport ne concernent que ses deux dernières années d'enseignement, il est constant que le dernier rapport de visite-conseil, en date du 16 décembre 2010, soulignait déjà des insuffisances et un manque de structure de ses cours, et l'invitait à avoir plus de rigueur. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'inspection du 8 février 2016, un tutorat a été mis en place au bénéfice de Mme A... entre le mois d'octobre 2016 et le mois de mai 2017. Ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, le rectorat a tenté de l'accompagner dans les difficultés qu'elle rencontrait. Toutefois, le rapport établi par l'inspectrice académique le 29 mai 2017, s'il note une légère amélioration, indique que l'approche pédagogique adoptée par Mme A... ne permet pas aux élèves de rentrer dans les apprentissages et souligne l'insuffisante maîtrise par l'intéressée des compétences professionnelles P1 " maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique ", P3 " construire, mettre en œuvre et animer des situations d'enseignement et d'apprentissage prenant en compte la diversité des élèves ", P4 " organiser un mode de fonctionnement du groupe favorisant l'apprentissage et la socialisation des élèves " et P5 " évaluer les progrès et les acquisitions des élèves ". Si la requérante fait valoir que les insuffisances constatées étaient liées au contexte de travail, notamment en raison d'une classe difficile à gérer, ce même rapport note que l'intéressée " n'a pas été en mesure de présenter une progression annuelle, quelle que soit la classe ". En outre, les comptes rendus d'évaluation pour les années scolaires 2015-2016 et 2016-2017 soulignent les difficultés rencontrées par Mme A... au niveau pédagogique et en termes d'autorité, tandis que des comptes rendus précédents notaient en 2014-2015 l'exigence d'une adaptation importante face à l'hétérogénéité des publics et en 2011-2012 la nécessité de mise en œuvre d'un enseignement organisé. Dans ces conditions, alors même que Mme A... a bénéficié d'évaluations positives au cours de sa carrière et enseigne depuis un certain nombre d'années, le recteur de l'académie de Bordeaux n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que les évaluations conduites en 2016 et en 2017 ne concernaient pas des carences ponctuelles mais révélaient son inaptitude à l'exercice normal de ses fonctions de professeur d'espagnol. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00149 2