Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, et un mémoire, enregistré le 10 août 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter du " jugement " à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter du " jugement " à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de la SCP C... Dieumegard Masson en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la SCP s'engageant à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si elle parvient, dans les six mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission, à recouvrer auprès de l'Etat ladite somme, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne serait pas accordé, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à son profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de son droit d'être entendu ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- il n'y a pas eu d'examen personnel de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien en sa qualité de parent d'un enfant français ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il lui était matériellement impossible de quitter le territoire compte tenu de la situation sanitaire ;
- sa présence en France n'est pas constitutive d'une menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien né le 5 mai 1991, est entré en France de façon irrégulière, au mois de mars 2014 selon ses déclarations. Il a été incarcéré du 4 octobre 2016 au 8 août 2020 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivi d'une incapacité supérieure à huit jours, de vol en réunion et de vols. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant deux ans. M. E... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. M. E... reprend en appel, sans invoquer d'élément de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse apportée par le premier juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.
3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, lors de sa détention, M. E... a rempli une fiche sur laquelle il a pu indiquer sa situation personnelle et familiale, notamment la présence en France de sa fille de nationalité française, ses possibilités d'accueil, sa situation professionnelle ainsi que ses conditions de ressources, et exprimer ses intentions au moment de sa libération, notamment s'il souhaitait regagner son pays d'origine. Si aucun document ne permet d'établir que M. E... aurait été mis à même de présenter des observations spécifiques sur la mesure d'éloignement qui était envisagée à son encontre, il ne pouvait toutefois ignorer qu'il se trouvait en situation irrégulière au regard de son séjour en France et il n'allègue pas avoir sollicité un entretien avec les services de la préfecture. Par ailleurs, en se bornant à produire cinq factures datées du mois d'août 2016, la preuve de deux versements d'environ 150 euros effectués à la mère de sa fille aux mois de décembre 2017 et mars 2018, une " fiche détenu " mentionnant une communication téléphonique avec la mère de son enfant, trois photos non datées sur lesquelles il apparaît avec sa fille peu après sa naissance et le jugement du 8 mars 2019 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Châteauroux qui précise que si les deux parents exercent en commun l'autorité parentale à l'égard de la fille de M. E..., le droit de visite de ce dernier est réservé, l'appelant ne peut être regardé comme justifiant de l'effectivité et de l'intensité des liens qu'il allègue entretenir avec sa fille. Par suite, il ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été privé de la possibilité de présenter des éléments qui auraient pu influer sur le contenu des décisions prises par le préfet alors qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet a bien pris en compte la présence de sa fille à Châteauroux tout en relevant que M. E... faisait l'objet d'une interdiction de séjour dans le département de l'Indre. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
5. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. E... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a interdit son retour pendant deux ans et a fixé le pays vers lequel il pourrait être reconduit. En particulier cet arrêté mentionne la présence de sa fille à Châteauroux, l'interdiction de séjour pendant cinq ans dans le département de l'Indre dont il fait l'objet par une décision en matière pénale du 14 août 2018, son incarcération depuis le 4 octobre 2016 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours et vol en réunion ainsi que l'absence de domicile fixe, d'activité légale et de ressources. Ces indications, qui ont permis à M. E... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté ne précise pas la nationalité française et l'âge de la fille de l'intéressé ni le fait qu'il exerce à son égard l'autorité parentale et qu'il n'indique pas s'il a déjà fait, ou non, l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante des décisions contenues dans l'arrêté attaqué doit être écarté.
6. Contrairement à ce que soutient M. E..., ni la motivation des décisions contestées ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation avant d'édicter les mesures contenues dans l'arrêté attaqué. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.
7. En vertu des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter sans délai le territoire français si son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, si les stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles prévoient que le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivré de plein droit au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant, ces stipulations ne font pas obstacle à ce que, en application de la législation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, l'autorité administrative puisse refuser, pour des motifs tenant à l'ordre public, la délivrance, sur le fondement de ces stipulations, d'un certificat de résidence d'un an.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Châteauroux du 24 mai 2017, pour vol avec destruction ou dégradation et vol en réunion puis, par un jugement de ce même tribunal du 12 juillet 2017, pour violence avec usage ou menace d'une arme suivi d'une incapacité supérieure à huit jours et récidive, ce dernier jugement ayant été confirmé par la cour d'appel de Bourges le 17 mai 2018. Il ressort également des pièces du dossier que M. E... a été incarcéré du 4 octobre 2016 au 8 août 2020. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer que son comportement constituait une menace pour l'ordre public alors même qu'il a travaillé au cours de sa détention. Par suite, contrairement à ce qu'il soutient, M. E... ne peut être regardé comme remplissant les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien alors même qu'il exerce l'autorité parentale à l'égard de sa fille de nationalité française. Dès lors, M. E... se trouvait dans un des cas où le préfet peut obliger un étranger à quitter sans délai le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France en 2014, à l'âge de 23 ans, après avoir vécu toute sa vie en Algérie. S'il se prévaut de sa qualité de père d'une enfant française, il est constant qu'il n'a vécu que très peu de temps avec sa fille, née le 1er août 2016, avant d'être incarcéré le 4 octobre 2016 et qu'il a fait l'objet d'une interdiction de séjour dans le département de l'Indre. Par ailleurs, les documents qu'il a produits devant le tribunal, cités au point 4, et ceux qu'il produit devant la cour, à savoir trois factures pour l'achat de chaussures et de vêtements datées des mois de juillet et d'août 2020, donc postérieures à l'arrêté attaqué, ne permettent pas de considérer que M. E... entretiendrait des liens avec sa fille. Dans ces conditions, ni la mesure d'éloignement, ni la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ni encore la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne peuvent être regardées comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par ces décisions ni comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant de M. E.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
10. Si M. E... invoque, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, la fermeture des frontières en raison de la situation sanitaire, cette circonstance est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français mais demeure sans incidence sur sa légalité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 10 juin 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne A... Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Stephan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 20BX02433