Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 décembre 2019, le 3 février 2020 et le 28 août 2020, Mme D... épouse A..., représentée par Me Rioual Rosier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du 17 juillet 2018 et du 23 juillet 2018 du recteur de l'académie de la Martinique ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas pu effectuer son année de stage de professeur des écoles dans de bonnes conditions, dès lors que sa situation de handicap n'a pas été prise en compte ; la situation de harcèlement moral qu'elle a subie lors de son affectation à l'école Marius Hurard a provoqué une aggravation de son état de santé et l'a conduite à être placée en arrêt de maladie à plusieurs reprises ; ce harcèlement moral s'est intensifié lorsque sa tutrice a eu connaissance de sa situation de handicap ; son supérieur hiérarchique, qui était au courant de cette situation, n'a rien fait pour faire cesser ces agissements ; par ailleurs, son second lieu de stage étant en secteur REP +, la classe dont elle avait la charge était difficile ; elle n'a pas bénéficié d'aménagement de poste malgré son handicap, ce qui a engendré des difficultés à accéder à sa salle de classe ; le recteur avait pourtant connaissance de son statut de travailleur handicapé ;
- elle a subi une discrimination directe en raison de son handicap dès lors qu'il n'a pas été vérifié que son nouveau lieu de stage était compatible avec sa pathologie ;
- elle n'a bénéficié que de trois réunions de tutorat sur l'ensemble de l'année scolaire 2017-2018, et n'a été prévenue de son inspection du 3 mai 2018 que le 27 avril 2018 ;
- le refus de titularisation à l'issue de son stage, alors qu'elle n'a bénéficié d'aucun aménagement de son poste de travail, constitue une discrimination ;
- le bulletin d'alerte du 6 décembre 2017 a été rédigé par une personne qui n'était pas qualifiée, et ne pouvait être pris en compte pour fonder son licenciement ; le rôle de tutrice a été exercé de manière irrégulière ;
- il n'est pas démontré que l'inspectrice de l'éducation nationale l'ayant inspectée a été titularisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2020, le recteur d'académie de la Martinique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de Mme D... épouse A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... B...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse A..., lauréate du troisième concours de professeur des écoles, a été affectée en tant que professeur des écoles stagiaire à l'école primaire Marius Huard à Fort-de-France du 1er septembre 2017 au 14 décembre 2017, puis à l'école primaire Sainte Thérèse B du 15 décembre 2017 au 31 août 2017. A la suite de l'avis du jury académique du 6 juillet 2017 défavorable à sa titularisation, le recteur de l'académie de la Martinique a prononcé, par un arrêté du 17 juillet 2018, son licenciement du corps des professeurs des écoles, et, par un arrêté du 23 juillet 2018, sa réintégration dans le corps des adjoints administratifs de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur à compter du 1er septembre 2018. Mme D... épouse A... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de l'État à lui verser 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu, le 10 juin 2014, la qualité de travailleur handicapé à Mme D... épouse A... pour la période du 10 juin 2014 au 9 juin 2019. Si la requérante fait valoir, dans un premier temps, qu'elle n'a pas bénéficié d'aménagement de poste correspondant à son handicap au cours de son année de stage, puis dans un deuxième temps, que seul son poste à l'école Sainte Thérèse B, à laquelle elle a été affectée à compter du 15 décembre 2017 à la suite de sa demande de changement d'établissement, ne comportait pas les aménagements nécessaires à son état de santé, elle ne précise pas la nature des dispositions qui auraient dû être prises, et ne verse au dossier que des recommandations du médecin de prévention du 21 janvier 2019, qui sont postérieures à son année de stage et qui ne peuvent être regardées comme révélant les besoins de la requérante liés à son état de santé au cours de l'année scolaire 2017-2018. La circonstance qu'elle a transmis, le 21 janvier 2018, à sa tutrice de terrain et à l'inspectrice de l'éducation nationale un arrêté du 7 décembre 2017 du président de l'université des Antilles portant aménagement d'études et l'autorisant à se lever au moins trois fois par heure ne permet pas de considérer que le recteur de l'académie de la Martinique aurait eu connaissance du type d'aménagement qu'aurait nécessité son handicap dans ses établissements d'affectation, alors que Mme D... épouse A... a été déclarée " apte " aux fonctions de professeur des écoles par le médecin de prévention à la suite de la visite médicale du 24 octobre 2017, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée lui en aurait explicitement fait part. Dans ces conditions, Mme D... épouse A... ne peut être regardée comme ayant fait l'objet de discriminations en raison de son handicap, en méconnaissance de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
3. Par ailleurs, Mme D... épouse A... fait valoir qu'ayant refusé de rédiger le dossier de certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître-formateur de sa tutrice de terrain, elle a été victime de harcèlement moral de la part de cette dernière lors de son affectation à l'école Marius Hurard. Toutefois, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. En l'espèce, en se bornant à faire état de ce que sa tutrice lui aurait imposé des séances de travail entre 11 heures 30 et 12 heures 30 alors qu'elle devait prendre un médicament à 12 heures, sans justifier qu'elle était dans l'impossibilité de prendre ce médicament au cours de la séance ou d'en décaler la prise, de ce qu'elle aurait transmis une conversation privée à l'inspecteur d'académie à la suite d'une réunion de concertation du 17 octobre 2017, sans en préciser le contenu, ou encore de ce qu'elle aurait rédigé un bulletin d'alerte le 6 décembre 2017 faisant état de ses difficultés en tant que professeur des écoles stagiaire, Mme D... épouse A... ne peut être regardée comme apportant des éléments de faits susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, alors même qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle avait des relations conflictuelles avec cette tutrice.
4. En outre, il constant que Mme D... épouse A... a été affectée à un deuxième établissement en cours d'année scolaire à sa demande. Si l'intéressée fait valoir que cette nouvelle école était classée en " REP + ", qu'elle n'a bénéficié que de trois réunions de tutorat au cours de l'année scolaire 2017-2018 et qu'elle n'a été avertie de son inspection du 3 mai 2018 que le 27 avril 2018, ces seuls éléments, qui ne sont pas assortis de précisions sur les éventuelles mesures qui auraient dû, selon elle, être mises en place, ne permettent pas de considérer que ses chances de titularisation auraient été entravées par la qualité insuffisante de la formation dont elle a bénéficié.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que le moyen tiré de ce que, au regard de ses conditions de stage, Mme D... épouse A... a été empêchée de faire preuve des qualités professionnelles requises pour sa titularisation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, deux bulletins d'alerte de niveau 1 ont été rédigés, les 6 décembre 2017 et le 21 mars 2018, afin d'alerter l'inspecteur de circonscription et le recteur des difficultés rencontrées par Mme D... épouse A... au cours de son année de stage. Si la requérante soutient que la tutrice de terrain de l'école Marius Hurard n'était pas habilitée à signer le bulletin d'alerte du 6 décembre 2017, ces allégations ne sont pas assorties de précisions suffisantes. Par ailleurs, rien n'indique que l'inspectrice de l'éducation nationale ayant établi le compte-rendu de visite du 3 mai 2018, qui exerçait ses fonctions au sein de l'académie de la Martinique, n'avait pas qualité pour établir ce rapport. Au demeurant, il ressort des autres documents portant une évaluation sur les compétences de l'intéressée, rédigés par divers évaluateurs, à savoir les bulletins de visite de ses tuteurs du 29 janvier 2018 et du 29 mai 2018, ainsi que le bulletin d'alerte du 21 mars 2018 cité plus haut, le bulletin de visite du conseiller pédagogique de circonscription et la fiche individuelle d'évaluation de Mme D... épouse A... rédigée le 6 juin 2018 par le directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation de Martinique, que cette dernière a rencontré d'importantes difficultés dans ses activités d'enseignement, notamment en ne présentant pas des contenus adaptés à ses élèves et en ne disposant pas de capacités d'analyse suffisantes sur les séances proposées. Par conséquent, le jury académique qui s'est réuni le 6 juillet 2018 aurait porté la même appréciation sur l'opportunité de titulariser Mme D... épouse A... à l'issue de son stage s'il avait pris en compte ces seuls documents. Par suite, le moyen tiré de ce que le bulletin d'alerte du 6 décembre 2017 et le compte-rendu de visite du 3 mai 2018 de l'inspectrice de l'éducation nationale n'auraient pas dû être pris en compte pour évaluer ses compétences en tant que professeur des écoles doit être écarté.
7. Enfin, le requérant qui s'estime lésé par une mesure qu'il soutient être empreinte de discrimination doit soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. En l'espèce, Mme D... épouse A... n'apporte aucune précision ou élément susceptibles de faire présumer que les arrêtés du 17 juillet 2018 et du 23 juillet 2018 du recteur de l'académie de la Martinique seraient emprunts de discrimination à raison de sa situation de handicap. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. Les arrêtés du 17 juillet 2018 et du 23 juillet 2018 du recteur de l'académie de la Martinique n'étant pas entachés d'illégalité, l'État n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Mme D... épouse A....
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 juillet 2018 et 23 juillet 2018 du recteur de l'académie de la Martinique et à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de la Martinique et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
Charlotte B...La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX05024 2