Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2018 et 8 décembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 23 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer du 20 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au ministre d'exécuter la décision du 24 novembre 2016 et de lui verser les sommes dues, majorées des intérêts légaux courant à compter du 1er septembre 2016, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser les fractions non échues de l'indemnité d'installation outre-mer à compter du 1er janvier 2016 et à lui verser l'indemnité de réinstallation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la décision du 20 mars 2017 ne lui a pas été notifiée par la commission de recours des militaires et est donc entachée d'un vice de forme ;
- la décision du 20 mars 2017 n'a pas été valablement notifiée, et ne saurait produire d'effet à son encontre ;
- la décision attaquée ne mentionnait pas les voies et délais de recours, en méconnaissance de l'article R. 4125-1 du code de la défense ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950, qui ouvraient droit au versement de l'indemnité d'installation en outre-mer aux militaires affectés en Martinique ;
- la décision attaquée révèle une discrimination entre militaires selon leur grade et leur ministère d'affectation, ainsi qu'une rupture d'égalité entre militaires de même statut ;
- l'administration a fait une interprétation erronée de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 et aurait dû appliquer l'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD relative aux droits financiers du personnel militaire, de ses ayants-droit et de ses ayant-cause du 21 décembre 2012 ; il remplissait l'ensemble des conditions sur la période du 1er septembre 2015 au 15 juin 2017 pour percevoir l'indemnité ;
- à titre subsidiaire, il avait droit au versement de deux fractions non échues de l'indemnité d'installation en outre-mer à compter du 1er janvier 2016, dès lors qu'il a accompli un deuxième séjour en Martinique du 1er septembre 2016 au 14 juin 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2020, la ministre de la mer conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- les conclusions tendant au versement de l'indemnité d'installation en outre-mer pour la période du 1er septembre 2015 au 14 juin 2017 et au versement de l'indemnité de réinstallation sont irrecevables, dès lors, d'une part, qu'elles n'ont pas été précédées d'une demande préalable, et, d'autre part, qu'elles sont formulées pour la première fois en appel ;
- l'administration était en situation de compétence liée ;
- les moyens de M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 50-1258 du 6 octobre 1950 ;
- le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
- le décret n° 2001-1226 du 20 décembre 2001 ;
- le décret n° 2016-1874 du 26 décembre 2016 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... A...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., administrateur des affaires maritimes, a été affecté au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Antilles-Guyane, en Martinique, du 1er septembre 2013 jusqu'au 31 août 2015, puis du 1er septembre 2015 au 15 juin 2017. Par un courrier du 26 septembre 2014, M. C... a sollicité le bénéfice de l'indemnité d'installation en outre-mer. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a formé un recours administratif préalable obligatoire, conformément aux dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense, qui a été reçu le 29 décembre 2014. Par une décision du 24 novembre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur la demande de versement de l'indemnité d'installation en outre-mer de M. C... et lui a accordé le versement de cette indemnité dans son intégralité. Toutefois, par une décision du 20 mars 2017, le ministre a procédé au retrait de la décision du 24 novembre 2016 " en tant qu'elle concerne les fractions de l'indemnité d'installation échues avant le 1er janvier 2016 ". M. C... relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2017.
Sur les conclusions tendant au versement de l'indemnité de réinstallation :
2. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) ".
3. Si M. C... demande la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité de réinstallation prévue à l'article 7 quater du décret du 6 octobre 1950, il ne résulte pas de l'instruction que cette demande aurait été précédée du recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires. Par suite, comme le soulève la ministre, ces conclusions sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2017 :
4. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision étant sans incidence sur sa légalité, M. C... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2017, de ce que cette décision ne lui aurait pas été notifiée par la commission de recours des militaires en méconnaissance de l'article R. 4125-10 du code de la défense.
5. En deuxième lieu, la décision du 20 mars 2017 en litige procède au retrait de la décision du 24 novembre 2016 prise sur le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... contre la décision implicite de rejet de sa demande de versement de l'indemnité d'installation en outre-mer née du silence de l'administration. Une telle décision, qui retire une décision intervenue à la suite de la saisine de la commission de recours des militaires, n'est pas soumise à l'obligation de recours administratif préalable prévue par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense. Au demeurant, l'absence d'indication des mentions requises dans la notification d'une décision a pour seul effet de rendre le délai de recours inopposable. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige ne mentionne pas l'obligation de former un recours administratif préalable devant la commission de recours des militaires doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 fixant, à compter du 1er janvier 1950, le régime de solde et d'indemnités des militaires entretenus au compte du budget de la France d'outre-mer dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, dans sa version applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 7 bis ci-après, les militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive affectés dans l'un des départements d'outre-mer peuvent prétendre à l'indemnité d'installation et, le cas échéant, aux majorations familiales de cette indemnité dans les mêmes conditions et aux mêmes taux que les fonctionnaires civils de l'Etat recevant à la même date une affectation dans l'un des départements considérés. (...) ". En application de ces dispositions, qui avaient institué un principe d'équivalence entre les militaires et les fonctionnaires civils de l'Etat au regard du droit à l'indemnité d'installation en cas d'affectation dans un département d'outre-mer, les militaires affectés en Martinique ont bénéficié de l'indemnité allouée aux fonctionnaires en application du décret du 18 mars 1950 puis du décret du 22 décembre 1953 visé ci-dessus. Les dispositions de ce dernier décret ont été abrogées par l'article 10 du décret du 20 décembre 2001 portant création d'une indemnité particulière de sujétion et d'installation, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, sous réserve de dispositions transitoires, et qui a institué une indemnité particulière de sujétion et d'installation applicable aux fonctionnaires de l'Etat affectés en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, mais non à ceux affectés en Martinique. Ainsi, si jusqu'au 31 décembre 2001, les militaires affectés en Martinique ont bénéficié de l'indemnité allouée aux fonctionnaires en vertu de l'application combinée de ces dispositions, les dispositions de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 ont cessé, à compter du 1er janvier 2002, de trouver application en tant qu'elles ouvraient aux militaires affectés en Martinique le droit de bénéficier de l'indemnité d'installation par assimilation au régime applicable aux fonctionnaires de l'Etat, dès lors que, d'une part, les dispositions du décret du 22 décembre 1953 ont été abrogées par l'article 10 du décret du 20 décembre 2001, sous réserve des dispositions transitoires rappelées ci-dessus, et que, d'autre part, ce décret du 20 décembre 2001 a institué une indemnité particulière de sujétion et d'installation applicable aux fonctionnaires de l'Etat affectés en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, mais non à ceux affectés en Martinique. Il résulte de ce qui précède que M. C..., qui n'a été affecté en Martinique qu'à compter du 1er septembre 2014, n'est pas fondé à soutenir qu'il avait droit à l'indemnité d'installation en outre-mer en vertu des dispositions de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950.
7. En quatrième lieu, M. C... fait valoir que d'autres militaires affectés en Martinique après le 1er janvier 2002, qui n'avaient pas le statut d'administrateur des affaires maritimes, ont reçu l'indemnité d'installation en outre-mer. Toutefois, le principe d'égalité devant la loi ne peut être invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage auquel le demandeur ne peut légalement prétendre. Au surplus, les dispositions de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 ne créent pas, par elles-mêmes, de discrimination en ce qu'elles accorderaient l'indemnité litigieuse à certains militaires en fonction de leur statut, contrairement à ce que soutient le requérant.
8. En cinquième lieu, le décret du 26 décembre 2016 a modifié le décret du 6 octobre 1950, et notamment son article 7, qui prévoit désormais, sous certaines conditions, le versement d'une indemnité d'installation propre aux militaires servant dans l'un des départements d'outre-mer visé par le décret. Aux termes l'article 7 du décret du 6 octobre 1950, dans sa version issue du décret du 26 décembre 2016 : " Les militaires à solde mensuelle précédemment domiciliés à plus de 1 000 km et désignés pour servir en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion, percevront une indemnité d'installation (...) Les indemnités prévues aux premier et deuxième alinéas ci-dessus ne peuvent être allouées pour plus de deux séjours successifs dans les mêmes départements. (...) L'indemnité prévue au premier alinéa du présent article est payée en trois échéances égales, la première lors de l'installation des militaires dans leur nouveau poste, les deux suivantes respectivement six mois et une année après cette date (...). ". Aux termes de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 : " Les dispositions du présent décret sont applicables aux militaires servant dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique ou de La Réunion à compter du 1er janvier 2016. A titre transitoire, les militaires affectés dans l'un de ces départements antérieurement au 1er janvier 2016 peuvent prétendre aux fractions non échues de l'indemnité d'installation, selon les modalités de liquidation définies au 5e alinéa de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 susvisé, dans sa rédaction résultant du présent décret. ".
9. Les dispositions transitoires instaurées par l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 cité ci-dessus prévoient que les militaires qui ont été affectés avant le 1er janvier 2016 dans un des départements énumérés ont droit aux seules fractions de l'indemnité d'installation en outre-mer qui n'étaient pas échues à cette date. Ainsi, si M. C... pouvait prétendre, à partir du 1er janvier 2016, aux fractions non-échues de l'indemnité d'installation en outre-mer en vertu de son deuxième séjour en Martinique, du 1er septembre 2015 au 15 juin 2017, il n'avait pas droit au versement des fractions déjà échues de cette indemnité, dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, l'indemnité d'installation en outre-mer ne peut être regardée, pour l'application de ces dispositions transitoires, comme indivisible.
10. En sixième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD relative aux droits financiers du personnel militaire, de ses ayants-droit et de ses ayants-cause du 21 décembre 2012, qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code. Au surplus, l'article 5 de cette instruction n'implique pas une interprétation différente des dispositions de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016.
11. Enfin, si M. C... soutient que son second séjour en Martinique lui ouvrait droit au versement de deux fractions non échues à compter du 1er janvier 2016, il est constant que la décision litigieuse du 20 mars 2017 ne procède au retrait de la décision du 24 novembre 2016 qu'en tant " qu'elle concerne les fractions de l'indemnité d'installation échues avant le 1er janvier 2016 ". Par suite, la décision dont M. C... a demandé l'annulation auprès des premiers juges n'avait ni pour objet ni pour effet de lui refuser le versement des fractions non échues de l'indemnité d'installation après le 1er janvier 2016.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser les fractions non échues de l'indemnité d'installation outre-mer à compter du 1er janvier 2016 :
12. Ainsi qu'il vient d'être dit, aucune décision ne refuse à M. C... le versement des fractions non échues de l'indemnité d'installation en outre-mer après le 1er janvier 2016. Par ailleurs, M. C... ne soutient pas qu'il n'aurait pas perçu les fractions de cette indemnité telles que prévues par le régime transitoire issu des dispositions de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. C... à ce titre doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la ministre de la mer et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera transmise pour information au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme E... A..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne à la ministre de la mer en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX04373 2