Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2020, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite, subsidiairement, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français jusqu'à la lecture de la décision à venir de la Cour nationale du droit d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié par la décision d'irrecevabilité prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande de réexamen et n'a pas pris en compte les faits à l'origine de cette demande ;
- elle méconnaît son droit fondamental au maintien sur le territoire pendant la durée de la procédure d'asile et son droit fondamental au recours effectif en matière d'asile garanti par le droit de l'Union européenne, les articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de mener une vie privée et familiale normale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences qu'elle emporte sur celle-ci ;
- l'exécution de la décision litigieuse doit être suspendue jusqu'à l'issue de la procédure d'examen de sa demande d'asile, en application du droit de l'Union européenne, dès lors qu'elle a exercé un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides alors qu'en prévoyant que cette suspension est conditionnée par l'existence d'éléments sérieux de nature à remettre en cause la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire au droit de l'Union ;
- elle présente des éléments sérieux tendant à remettre en cause la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à démontrer qu'elle encourt des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine en raison de sa qualité de victime d'un réseau de prostitution qu'elle a réussi à fuir ;
s'agissant de décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français jusqu'à la date de la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dès lors que celle-ci a rejeté le recours exercé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 1er avril 2019 par une décision du 25 juillet 2019, soit antérieurement à l'enregistrement de la requête au greffe de la présente cour.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive européenne 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... ressortissante nigériane née le 21 mai 1985, est entrée en France le 11 septembre 2016. Le 13 juillet 2017, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugié par une décision du 13 février 2018, confirmée le 21 février 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 28 mars 2019, Mme B... a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile. Par décision du 1er avril 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande pour irrecevabilité sur le fondement des dispositions des articles L. 723-11 et L. 723-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Puis, par un arrêté du 25 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, subsidiairement à la suspension de son exécution.
Sur les conclusions d'excès de pouvoir :
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V (...). ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin (...) lorsque : (...) 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l'office a pris une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 ". Aux termes de l'article L. 723-11 de ce code : " I. - L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. ". Aux termes, enfin, de l'article L. 723-16 de ce code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur, intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. (...) Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité. ".
4. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté litigieux, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, notamment la décision d'irrecevabilité du 1er avril 2019, et par la Cour nationale du droit d'asile et aurait ainsi méconnu l'étendue du champ de ses compétences. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le droit de Mme B... à se maintenir sur le territoire français avait pris fin à la date de l'arrêté litigieux dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi d'une demande de réexamen par l'intéressée, avait pris le 1er avril 2019 une décision d'irrecevabilité sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'appelante se borne à reprendre en appel les moyens tirés de la méconnaissance de son droit fondamental au maintien sur le territoire pendant la durée de la procédure d'asile et de la méconnaissance de son droit fondamental au recours effectif en matière d'asile garanti par le droit de l'Union européenne, les articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens. Il en est de même des moyens soulevés par Mme B... et tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier alinéa l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Il ne ressort ni de la décision litigieuse, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
10. Si Mme B... soutient qu'elle se serait soustraite au réseau de prostitution qui l'a recrutée, elle n'établit pas, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, en conséquence, être écartés.
Sur les conclusions subsidiaires tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 25 juillet 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours exercé par Mme B... contre la décision d'irrecevabilité du 1er avril 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Dès lors, les conclusions de l'appelante tendant, à titre subsidiaire, à la suspension de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, enregistrées au greffe de la présente cour le 12 février 2020, sont irrecevables et doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. D... C..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
Didier C...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00456