Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février et 12 août 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre :
- le préfet n'établit pas le caractère collégial de l'avis émis par le collège de médecins le 26 novembre 2018 par la seule mention portée sur l'avis alors que l'avis communiqué au tribunal par le préfet et celui communiqué à son conseil diffèrent sur certains points, de sorte qu'ont été méconnues les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet a méconnu les dispositions combinées de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son fils D... ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... B...,
- et les observations de Me E..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante gabonaise née le 19 avril 1991, est entrée en dernier lieu sur le territoire français le 29 mai 2018. Elle a demandé à bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante de son fils malade, D... Lee Bonheur, né le 14 février 2013. Le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 27 février 2019, rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité. Mme F... relève appel du jugement du 25 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Selon l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus, le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle et l'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins du 26 novembre 2018 a été signé par trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ". Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Si Mme F... fait valoir que la copie de l'avis qu'elle a obtenue diffère de celle produite par le préfet pour ce qui est de la place et de la taille des tampons de signature des médecins et de la croix apposée sur la case portant sur la justification de l'identité du demandeur, cette circonstance ne peut suffire à rapporter la preuve contraire du caractère collégial de l'avis dès lors notamment que le contenu de l'avis ainsi que le nom et la signature des trois médecins ayant délibéré sont identiques quelle que soit la copie de l'avis produite. Ainsi, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le préfet de la Gironde en reproduisant le contenu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être regardé comme s'en étant approprié le sens et non comme s'étant cru à tort en situation de compétence liée par cet avis. Ce moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme F... est atteint de trisomie 21. Dans son avis du 26 novembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de cet enfant nécessite une prise en charge médicale, mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si l'appelante fait valoir que son enfant présente un état poly-pathologique, il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié en 2014 d'une intervention pour sa cardiopathie et en 2017 de la pose d'implants oculaires bilatéraux. S'il ressort des certificats médicaux produits par Mme F... que son enfant fait l'objet d'un suivi régulier des différentes pathologies liées à son état de santé, ces certificats ne peuvent suffire à démontrer que le défaut d'une prise en charge médicale entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F..., qui est entrée en France le 29 mai 2018, justifierait d'une résidence habituelle en France avec son jeune enfant à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En quatrième lieu, l'appelante se borne à reprendre en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle et celle de son fils, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 5 ci-dessus.
8. Mme F... se borne à reprendre en appel les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement prise à son encontre serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de celle de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. C... B..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00675