Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du 20 août 2019 portant refus de séjour, obligation à quitter le territoire français et fixation de la Géorgie comme pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) à titre subsidiaire, de rétablir l'effet suspensif du recours exercé devant la Cour nationale du droit d'asile jusqu'à ce qu'elle ait statué et d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard, une attestation de demandeur d'asile en cours de validité ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier ;
- elle méconnait le droit au recours effectif prévu par l'article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux ;
- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il remplit les conditions posées par l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il présente des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision de 3 septembre 2020, la demande d'aide juridictionnelle de M. F... E... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B... ;
- et les observations de Me C..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... E..., ressortissant géorgien né en 1987, a présenté, en mai 2017, une demande d'asile qui a été examinée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure accélérée, en application du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui a été rejetée par une décision du 19 juillet 2019. Alors que M. E... avait déposé, le 5 août 2019, une demande d'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile, la préfète de la Gironde, par un arrêté du 20 août 2019, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. M. E... relève appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement.
2. M. E... se borne à reprendre en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, sans critiquer les motifs retenus par le premier juge pour l'écarter. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. E..., et notamment, contrairement à ce qu'il soutient, la présence de ses enfants sur le territoire français, et indique avec précision les raisons pour lesquelles la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Ces indications, qui ont permis à M. E... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que les motifs de la demande d'asile qu'il a présentée ne sont pas mentionnés. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de de la décision portant refus de séjour doit être écarté.
4. Ni la motivation de l'arrêté attaqué ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de M. E....
5. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque :1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
6. Il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 6° du I de l'article L. 511-1, du I bis de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-3 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, s'il ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours, peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde a pu, sans méconnaitre le droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, obliger M. E... à quitter le territoire français sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile, à supposer d'ailleurs que M. E... l'ait effectivement saisie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige l'aurait privé du droit au recours effectif doit donc être écarté.
7. Si M. E... fait valoir que sa famille encourt des risques en cas de retour en Géorgie, il n'assortit ses allégations d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les circonstances que les deux aînés de ses enfants soient scolarisés en France depuis deux ans et qu'il présente une promesse d'embauche en qualité de mécanicien ne constituant pas de telles considérations ou de tels motifs. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision de refus de titre de séjour, qui ne prive pas M. E... de la possibilité de saisir la Cour nationale du droit d'asile et qui n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer en Géorgie, ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ou des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
9. L'ensemble des moyens soulevés par M. E... contre la décision portant refus de séjour étant écartés, ses moyens tirés de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de la décision de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doivent également être écartés.
10. Si M. E... fait valoir qu'il encourt des risques de torture et de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Géorgie, il n'assortit cette allégation d'aucun élément et ne fournit aucune pièce ni donnée qui permettrait de la regarder comme établie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Enfin, en se bornant à faire valoir que sa présence à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile permettrait aux juges d'entendre de vive voix ses explications et d'analyser sa spontanéité, M. E... ne peut être regardé comme justifiant d'éléments sérieux, au sens de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 20 août 2019 et celle tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et de suspension et celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... B..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne B... Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 20BX01892