Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, Mme G... E..., M. F... E..., Mme A... E... et Mme C... E..., représentés par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le maire de Louchats, au nom de l'Etat, s'est opposé à la déclaration préalable portant sur le détachement d'un lot de 2 000 m² en vue de la construction d'une maison individuelle ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont procédé à une neutralisation des motifs illégaux alors qu'elle n'avait pas été demandée par les défendeurs ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'il ne mentionne ni le prénom ni le nom de son signataire ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est situé dans une partie urbanisée de la commune ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que le terrain est situé à moins de 200 mètres de deux poteaux incendie, dans un secteur couvert par un système de défense incendie conformément à la règlementation en vigueur ;
- la commune de Louchats qui n'est pas l'auteur de l'acte attaqué et qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, n'est pas recevable à présenter une demande de substitution de motifs ; en tout état de cause, elle ne démontre pas l'existence de risques pour la sécurité des automobilistes, d'un risque d'inondation ou de pollution des sols en l'absence d'assainissement collectif ; la commune n'est pas non plus fondée à soutenir que le projet imposerait la réalisation d'équipements publics nouveaux hors de proportion avec ses ressources actuelles.
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2019, la commune de Louchats, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens développés par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire du 6 novembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant les consorts E..., et de Me D..., représentant la commune de Louchats.
Considérant ce qui suit :
1. La société AUIGE a présenté, le 3 novembre 2017, une déclaration préalable pour le détachement d'un lot de 2 000 m² en vue de construire une maison individuelle sur un terrain situé 64 avenue des Paloumeyres à Louchats, pour le compte de Mme G... E..., M. F... E..., Mme A... E... et Mme C... E..., propriétaires du terrain. Par un arrêté du 30 novembre 2017, le maire de Louchats s'est opposé, au nom de l'Etat, à cette déclaration préalable. Mme E... et autres relèvent appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur l'intervention de la commune de Louchats :
2. La commune de Louchats, qui a la qualité d'intervenant et non de partie à l'instance dès lors que l'arrêté contesté a été pris par le maire au nom de l'Etat, justifie d'un intérêt au maintien de l'arrêté en litige. Son intervention en défense doit donc être admise.
Sur la régularité du jugement :
3. Dans le cas où l'un des motifs d'une décision administrative s'avère erroné, le juge peut procéder à la neutralisation de ce motif s'il apparaît qu'il résulte de l'instruction que la considération du ou des autres motifs légaux aurait suffi à déterminer l'administration à prendre la même décision. En l'espèce, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, effectuer une neutralisation du motif opposé par le maire de Louchats tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-13 du code de l'urbanisme, qu'il a estimé illégal, alors même que cette neutralisation de motifs n'avait pas été invoquée en défense.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 novembre 2017 :
4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
5. Si l'arrêté du 30 novembre 2017 ne comporte pas, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'indication du prénom et du nom du maire de Louchats, il comporte sa qualité et sa signature. En l'espèce, il n'en résultait pour l'indivision E... aucune ambiguïté quant à l'identité du signataire de cet acte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
6. Pour s'opposer à la déclaration préalable déposée pour l'indivision E..., le maire de Louchats s'est fondé sur le fait que le terrain d'assiette du projet est situé d'une part, dans une zone à vocation naturelle partiellement boisée en dehors des parties urbanisées de la commune en méconnaissance des articles L. 111-3 et L. 101-2 du code de l'urbanisme et d'autre part, dans un secteur qui n'est pas couvert par un dispositif de défense incendie conforme avec la règlementation en vigueur en méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-13 du code de l'urbanisme.
7. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Ainsi l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.
8. A la date de la décision attaquée, la commune de Louchats n'était pas couverte par un document d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des vues aériennes produites par le préfet en première instance, que la propriété de l'indivision E..., constituée par les parcelles cadastrées section A n° 1333, 1334 et 2797 d'une contenance de plus d'un hectare, est une ancienne peupleraie qui était encore plantée en 2017. Le terrain d'assiette du projet, qui ne relève pas des exceptions prévues par l'article L. 1114 du code de l'urbanisme, se situe au nord d'une vaste zone naturelle forestière et à plus d'un kilomètre du bourg de Louchats. Si le lot destiné à être bâti est mitoyen d'une parcelle sur laquelle est implantée une habitation, dont les caractéristiques sont celles d'une habitation agricole ancienne, et à proximité de constructions dispersées, eu égard à leur nombre limité, la présence de ces constructions ne permet pas de regarder le terrain d'assiette du projet comme s'intégrant dans les parties urbanisées de la commune au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. La circonstance que le terrain d'assiette du projet envisagé par l'indivision E... est desservi par les réseaux publics et accessible par la route départementale D 110 ne suffit pas à faire regarder la zone dont il s'agit comme s'insérant dans les parties urbanisées de la commune de Louchats. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le maire de Louchats a pu, sans erreur d'appréciation, s'opposer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, à la déclaration préalable présentée pour l'indivision E....
9. Il résulte de l'instruction que le maire de Louchats, au nom de l'Etat, aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif pour s'opposer à la déclaration préalable présentée pour l'indivision E.... Par suite, la circonstance que le motif tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 et R.111-13 du code de l'urbanisme soit erroné est sans incidence sur la légalité de la décision.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la substitution de motifs demandée par la commune de Louchats, que Mme E... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande à fin d'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent Mme E... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Les conclusions de la commune de Louchats présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, alors que l'arrêté en litige a été pris par le maire au nom de l'Etat et que, par suite, la commune n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Louchats est admise.
Article 2 : La requête de Mme E... et autres et les conclusions de la commune de Louchats tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E..., M. F... E..., Mme A... E..., Mme C... E... et à la ministre de la transition écologique.
Copie sera adressée au préfet de la Gironde et à la commune de Louchats.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01540 2