Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 avril 2019 en tant qu'il a annulé la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a rejeté la demande de M. B... du 11 septembre 2018 et qu'il a enjoint à l'administration de lui proposer une affectation provisoire.
Il soutient que :
- l'administration dispose d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'affectation d'un agent faisant l'objet de poursuites pénales et peut décider de le maintenir en dehors du service ;
- compte tenu de la gravité des faits reprochés à M. B..., l'intérêt du service faisait obstacle à ce qu'il soit affecté dans un autre emploi de personnel de direction d'établissement d'enseignement ou de formation ou à ce qu'il soit temporairement détaché sur un autre poste.
M. B... a produit un courrier qui a été enregistré le 18 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., personnel de direction d'enseignement ou de formation, a exercé des fonctions de principal du collège Auguste Lacaussade à Salazie (97) à compter du 1er septembre 2011. A la suite d'accusations portées à son encontre par le personnel féminin de l'établissement, il a été suspendu à titre provisoire et conservatoire par un arrêté du 10 août 2017 du ministre de l'éducation nationale jusqu'au 28 janvier 2018, après qu'il a été décidé, à la suite de la réunion de la commission paritaire nationale, de ne pas prononcer de sanction disciplinaire. Par un arrêté du 12 février 2018, le ministre a de nouveau suspendu M. B... de ses fonctions en raison de plaintes pénales déposées à son encontre. L'intéressé a été mis en examen pour harcèlement sexuel, harcèlement moral et agression sexuelle et placé en détention provisoire à compter du 22 février 2018. Par un nouvel arrêté du 24 avril 2018, le ministre de l'éducation nationale a mis fin à la suspension de M. B... de ses fonctions à compter du 22 février 2018. Ce dernier ayant été libéré le 20 juillet 2018, il a notamment demandé au recteur de l'académie de La Réunion, par un courrier du 11 septembre 2018, de lui donner une affectation. Le ministre relève appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 avril 2019 en tant qu'il a annulé la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a rejeté la demande de M. B... du 11 septembre 2018 et a enjoint à l'administration de lui proposer une affectation provisoire.
2. Aux termes de l'article 12 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Le fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes : 1° Activité ; / 2° Détachement ; / 3° Disponibilité ; / 4° Congé parental. ". Tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant, notamment, de se présenter au collège Auguste Lacaussade et d'" entrer en contact avec les victimes ". Si cette mesure faisait obstacle à ce que M. B... soit rétabli dans ses fonctions de principal du collège Auguste Lacaussade, elle ne s'opposait pas, par elle-même, à ce qu'il soit affecté dans un emploi compatible avec les obligations de ce contrôle judiciaire ou, à défaut, à ce qu'il soit détaché, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois compatible avec ces obligations. Les dispositions du 5ème alinéa de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que le ministre invoque, en vertu desquelles l'administration peut, dans l'intérêt du service, ne pas affecter provisoirement un fonctionnaire dans un autre emploi correspondant à son grade ou prononcer son détachement dans un autre corps ou cadre d'emploi, ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'il est constant que M. B... n'avait fait l'objet d'aucune nouvelle mesure de suspension préalablement au 11 septembre 2018, date de sa demande de réintégration. Par ailleurs, si le ministre estimait que l'intérêt du service ne permettait aucune affectation de M. B... dans des fonctions de personnel de direction d'enseignement ou de formation ou en détachement sur un autre poste, il lui était loisible de prononcer la suspension de l'intéressé sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. L'administration n'ayant pris aucune mesure statutaire ou disciplinaire à l'égard de M. B..., le recteur a commis une erreur de droit en refusant de lui proposer une affectation compatible avec les prescriptions de son contrôle judiciaire.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de La Réunion a rejeté la demande de M. B... du 11 septembre 2018 tendant à lui donner une affectation.
5. En revanche, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette annulation implique seulement que l'administration procède au réexamen de la situation de M. B.... Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il enjoint à l'administration de proposer une affectation provisoire à M. B... et d'enjoindre au recteur de l'académie de La Réunion de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de La Réunion est annulé en tant qu'il enjoint à l'administration de proposer une affectation provisoire à M. B....
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de la Réunion de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de trois mois.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de La Réunion et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D... A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02556 2