1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'appartient pas au préfet de s'assurer de la régularité de la procédure médicale menée devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), laquelle est indépendante de la procédure administrative. La décision de délivrer ou non un titre de séjour en qualité d'étranger malade est prise à l'issue d'une procédure au cours de laquelle des flux d'information sont opérés entre l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la préfecture à travers leurs applications informatiques respectives, à savoir THEMIS et AGDREF. La mise en ligne de l'information selon laquelle l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu supprime automatiquement dans AGDREF celle précisant la date d'établissement du rapport médical par le médecin instructeur. En conséquence, la directrice territoriale de l'OFII à Limoges a rédigé une attestation précisant que le rapport médical a été rédigé par le docteur B...le 23 août 2017 et transmis au collège de médecins, laquelle fait foi ;
- M. E...fait valoir pour la première fois en appel les moyens tirés, d'une part du défaut de délibération du collège des médecins de l'OFII sur son cas, d'autre part, de l'irrégularité de l'avis émis par cette instance et, par suite, du refus de titre de séjour, en l'absence d'une demande de complément d'informations médicales de la part du collège de médecins. Toutefois, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 donne la possibilité aux membres de ce collège de délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle avant de rendre son avis et il ressort des termes mêmes de l'avis émis le 3 octobre 2017 qu'il fait suite à une délibération des médecins en formation collégiale. En second lieu, dès lors que ni le médecin rapporteur ni le collège de médecins n'ont jugé nécessaire d'obtenir des informations complémentaires d'ordre médical, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme entaché d'un vice de procédure ;
- il n'a pas méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car M. E...ne justifie pas être au nombre des ressortissants étrangers pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ;
- il n'avait pas à examiner la demande de l'intéressé au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ce dernier n'a pas sollicité son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions. La commission du titre de séjour n'avait pas davantage à être saisie dans ce cadre puisqu'il n'établit pas résider en France de façon continue depuis plus de dix ans ;
- contrairement à ce qu'affirme M.E..., il a bien saisi le collège de médecins de l'OFII et la procédure suivie est régulière. L'intéressé ne peut valablement soutenir que le dossier comprenant le certificat médical vierge et la notice explicative ne lui a pas été remis conformément à l'arrêté du 27 décembre 2016. Il est établi que le docteur, auteur du rapport transmis au collège de médecins, ne faisait pas partie de cette instance ;
- si M. E...fait valoir qu'un titre de séjour devait lui être délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne verse au dossier aucun certificat suffisamment précis et circonstancié pour contredire l'avis du collège de médecins. Il ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée en invoquant un jugement du 1er décembre 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise car ses pathologies étaient alors différentes. Alors que l'intéressé semble considérer que son état de santé a évolué depuis la date de la décision contestée, il n'a encore entrepris aucune démarche en vue de demander à nouveau son admission au séjour en qualité d'étranger malade ;
- le refus de séjour n'a été pris en méconnaissance ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation. Il a des attaches au Maroc, notamment son épouse, et a vécu dans ce pays durant cinquante-et-un ans. Une mesure d'éloignement a été prise à l'encontre de son fils le 3 février 2016. Il n'établit pas la réalité et l'intensité des liens avec les autres membres de sa famille résidant en France ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ne sont pas privées de base légale dès lors que le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'illégalité ;
- le moyen soulevé par M. E...tiré de l'erreur (manifeste) d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle et familiale doit être écarté compte tenu de ce qui a été dit précédemment ;
- si l'intéressé invoque les moyens tirés de ce que ces décisions sont entachées d'erreur d'appréciation et ont été édictées en violation des articles L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'il serait exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour au Maroc. S'il signale une nouvelle jurisprudence de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales favorable à la protection contre l'éloignement des étrangers malades au regard de l'article 3 de la même convention, il ne démontre aucunement qu'il serait exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entrainant une réduction significative de son espérance de vie s'il repartait dans son pays d'origine.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 et 22 février 2019, M.E..., représenté par MeC..., conclut dans le dernier état de ses écritures :
- au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
- au rejet du surplus de la requête ;
- à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de quatre mois ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au profit de son avocat en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- il y a non-lieu à statuer sur l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à séjourner à titre provisoire en France jusqu'au 18 mai 2019 lui a délivré le 19 février 2019, ce qui a pour effet d'abroger nécessairement la mesure d'éloignement ;
- le dossier et la notice explicative prévus par l'arrêté du 27 décembre 2016 ne lui ont pas été remis ;
- l'attestation produite par le préfet ne permet d'établir ni l'existence d'un rapport médical ni sa transmission au collège de médecins ;
- il n'y a pas eu de délibération du collège de médecins ;
- le préfet n'a pas fait de demande de complément d'informations ou ne l'a pas avisé de ce complément ;
- le refus de titre de séjour n'a pas été précédé d'une consultation de la commission du titre de séjour en méconnaissance des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation de son état de santé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Cergy en date du 1er décembre 2011 ;
- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance du préambule de la Constitution, de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- eu égard à son état de santé et aux soins disponibles dans son pays d'origine, elles méconnaissent les articles L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 22 novembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a maintenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale obtenue par M. E...pour la procédure de première instance.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 18 juin 2018 et 12 février 2019, sous le n° 18BX02418, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1800184 du 31 mai 2018.
Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. E...devant le tribunal administratif de Limoges.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 et 22 février 2019, M.E..., représenté par MeC..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au profit de son avocat en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 18BX02410 et ajoute que la demande de sursis à exécution présentée par le préfet est devenue sans objet en ce qui concerne la mesure d'éloignement puisque l'administration lui a délivré un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à séjourner à titre provisoire sur le territoire français.
Par une décision du 11 avril 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a maintenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale obtenue par M. E...pour la procédure de première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution et son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les observations de MeD..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...E..., ressortissant marocain né en 1951, est entré en France le 27 juin 2002 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié de titres de séjour temporaires en raison de son état de santé pour les périodes du 25 janvier 2005 au 24 janvier 2006, du 7 août 2009 au 6 août 2010 et du 3 décembre 2011 au 2 décembre 2012. Après avoir fait l'objet, par un arrêté préfectoral du 20 janvier 2016, d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour de céans du 23 mars 2017, M. E...a, le 11 juillet 2017, sollicité le renouvellement de sa carte de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 2 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par une première requête enregistrée sous le n° 18BX02410, le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté du 2 novembre 2017. Par une seconde requête enregistrée sous le n°18BX02418, le préfet de la Haute-Vienne demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 18BX02410 et 18BX02418 sont dirigées contre le même jugement, concernent les mêmes parties et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Pour annuler l'arrêté du 2 novembre 2017 du préfet de la Haute-Vienne, le tribunal s'est fondé sur le caractère irrégulier de la procédure préalable à l'émission de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la situation médicale de l'intéressé, faute pour le préfet d'apporter la preuve de la rédaction par un médecin du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du rapport médical et de la transmission de ce document à cette instance, conformément à la règlementation en vigueur, notamment l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort de l'attestation rédigée le 15 juin 2018 par la directrice territoriale de Limoges de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produite pour la première fois en appel, laquelle fait foi jusqu'à preuve du contraire, que " le rapport médical requis dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. E...(...) a été établi le 13/09/2017 par le Dr B...G..., médecin du service médical de l'OFII " et que " Le rapport a été transmis au collège des médecins de l'OFII le 13/09/2017 et M. F...de la Haute-Vienne a été informé concomitamment de cette transmission ". Dès lors, le motif sur lequel se sont fondés les premiers juges pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige ne peut être maintenu.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif de Limoges et la cour.
Sur l'étendue du litige :
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne a délivré à M.E..., le 19 février 2019, postérieurement à l'introduction de la requête, un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 18 mai 2019. La délivrance de ce document, qui vaut autorisation provisoire de séjour, a, implicitement mais nécessairement, abrogé l'arrêté du 2 novembre 2017 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions, qui n'ont reçu aucune exécution, sont devenues sans objet.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. ".
7. Si M. E...soutient que le préfet de la Haute-Vienne ne lui a pas remis le dossier comprenant la notice explicative et le certificat médical vierge mentionné à l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016, il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical dûment renseigné par l'intéressé daté du 11 juillet 2017, date correspondant, selon la copie d'écran AGDREF versée au dossier, à la date d'enregistrement de la demande de M.E..., que le dossier, qui comprenait ledit certificat médical, a nécessairement été remis à M.E.... Le moyen tiré du défaut de remise dudit dossier manque donc en fait.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...)". En vertu de l'article R. 313- 22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux (...) ". L'article 5 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 dispose que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) " . L'article 6 du même arrêté précise : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis, (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
9. En première part, les moyens tirés du défaut de rapport médical ou à tout le moins de l'absence de transmission de ce rapport au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent être écartés pour les motifs énoncés lors de l'examen du bien-fondé du jugement attaqué.
10. En deuxième part, M. E...semble soutenir que les rubriques de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration afférentes à la réalisation, facultative, des examens complémentaires mentionnés à l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'ont pas été renseignées de sorte qu'il ignore si une telle demande a été formulée. Si effectivement aucune case n'a été cochée dans les rubriques concernées, il résulte de leur libellé qu'elles n'ont à être cochées que s'il a été décidé de recourir à des examens complémentaires et que les cases sur leur réalisation doivent alors être renseignées pour faire état du résultat de la mesure. Or en l'espèce, il n'est ni établi ni même allégué que de telles mesures aient été diligentées au stade de l'élaboration du rapport ou de l'avis.
11. En troisième part, s'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées. En l'espèce, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé que l'avis est émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. M. E...soutient que l'avis en cause n'a pas été émis collégialement. Cependant, d'une part l'avis du collège des médecins, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, fait état d'une délibération. D'autre part, en se bornant à produire des captures d'écran anonymisées de l'application " Themis ", le requérant n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de son allégation dont le bien-fondé ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier. Ce moyen doit donc être écarté.
12. En quatrième part, selon l'avis émis le 3 octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'état de santé de M. E...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers ce pays. M. E...produit divers certificats médicaux qui indiquent que les pathologies dont il est atteint impliquent un suivi clinique régulier et la prise de médicaments, mais n'apparaissent pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins concernant l'accessibilité au Maroc de ce suivi et du traitement nécessaires à son état de santé. S'il verse au dossier un certificat médical émanant d'un pneumologue précisant que le remède Ultibro, qui lui est prescrit, n'est pas disponible dans son pays d'origine, ce document est très peu circonstancié, n'est corroboré par aucune pièce probante et ne précise pas qu'il ne pourrait pas se procurer un traitement substituable comprenant les mêmes molécules. De plus, alors que le rapport médical rédigé par un médecin urgentiste de l'hôpital régional de Guelmim au Maroc, produit par le requérant, relève que les pathologies dont il souffre pourraient être soignées dans les grandes villes du pays, il n'apporte pas la preuve qu'il ne réside pas ou ne pourrait pas résider dans l'une d'entre elles. S'il fait valoir l'apparition d'un nodule pulmonaire lobaire, il n'a été découvert que postérieurement au refus litigieux. Si M. E...fait valoir qu'il ne disposerait pas de ressources suffisantes dans son pays d'origine pour se faire soigner, il ne verse aux débats aucune pièce permettant de vérifier le bien-fondé de cette allégation alors que, par ailleurs, la prise en charge assurée par le régime de solidarité en vigueur au Maroc permet de garantir aux personnes économiquement faibles une couverture sans aucune discrimination. Enfin, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire ne s'impose qu'en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait. Or, il ressort des propres allégations de M. E...que son état de santé a évolué. Dans ces conditions, il ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de chose s'attachant au jugement d'annulation du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er décembre 2011 au demeurant non produit. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou entaché son refus de titre de séjour d'une erreur d'appréciation de son état de santé.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
14. M. E...soutient qu'il réside en France depuis quinze années, que son fils, son frère, ses neveux et nièces y vivent également, qu'il a exercé une activité professionnelle et qu'il est parfaitement intégré dans la société française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré sur le territoire français en 2002 à l'âge de cinquante-et-un ans, a une épouse résidant toujours au Maroc, a fait l'objet, ainsi que son fils, d'une mesure d'éloignement édictées respectivement le 20 janvier 2016 et le 3 février 2016, qu'il n'établit pas l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les autres membres de sa famille séjournant sur le sol national ni l'ancienneté, ou à tout le moins la continuité, de son séjour en France. Par ailleurs, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le requérant ne démontre pas qu'il ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine pour les pathologies dont il est atteint. Par suite, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. E...une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a donc méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, et en tout état de cause, l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ni le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Pour ces mêmes motifs, le refus litigieux n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Selon l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". En vertu de l'article R. 312-2 du code précité : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ".
16. Le préfet n'est tenu, en application de ces dispositions, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission doit être écarté.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E...ait présenté une demande d'admission au séjour fondée sur l'article L. 313-14 de ce code. En tout état de cause, il n'apporte pas la preuve d'une durée de résidence habituelle en France supérieure à dix ans à la date de la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé le refus de titre de séjour du 2 novembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens présentées par M. E...doivent être rejetées.
Sur la demande de sursis à exécution :
20. Le présent arrêt statuant sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 18BX02418 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°18BX02418 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1800184 du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Limoges.
Article 2 : Le jugement n° 1800184 du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. E...tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de la décision fixant le pays de renvoi comprises dans l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 2 novembre 2017.
Article 4 : Le surplus de la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Limoges et de ses conclusions d'appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 juin 2019
Le rapporteur,
Paul-André Braud Le président,
Marianne Pouget Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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18BX02410, 18BX02418