Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2018, MmeB..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 9 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour pendant le temps de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Maître Aymard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que, l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 18 octobre 2017 ne mentionnant pas le nom du médecin instructeur, le préfet n'a pu s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins et de ce que le médecin instructeur n'y siégeait pas. Elle a de ce fait été privée d'une garantie ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors qu'elle a soutenu devant le tribunal administratif que les médicaments nécessaires n'étaient pas disponibles dans son pays d'origine et qu'elle ne pouvait voyager sans risque, le tribunal n'a pas statué sur ces points ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale, en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier dès lors que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et fait valoir que la requête de Mme B...est infondée.
Par ordonnance du 28 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à 12 heures.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller ;
- et les observations de Me Aymard, représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., de nationalité arménienne, est entrée en France le 1er août 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 septembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 septembre 2013. Elle s'est vu délivrer, le 13 décembre 2013, un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, qui lui a été renouvelé en dernier lieu du 8 août 2016 au 7 août 2017. Par arrêté du 9 février 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 février 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 octobre 2017, si l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, qu'elle fait l'objet d'un suivi pneumologique pour asthme sévère ainsi que d'un suivi par un rhumatologue et un cardiologue. Il ressort des pièces qu'elle produit que les principes actifs entrant dans la composition du traitement qu'elle doit suivre ne figurent pas sur la liste des médicaments essentiels disponibles en Arménie. En défense, le préfet ne produit aucun élément permettant d'établir que l'intéressée pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme B...un titre de séjour, le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. L'annulation du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur son fondement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination doivent également être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 9 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Aymard, avocat de MmeB..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Aymard renonce à la part contributive de l'État.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801217 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Gironde du 9 février 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Aymard, avocat de MmeB..., une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Aymard renonce à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me Aymard
Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03962