Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2018, M. A... B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 20 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme du 1 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le défaut de production d'un document établissant son insertion durable dans la société française ne peut lui être opposé dès lors qu'il ne lui a pas été demandé, conformément aux dispositions de l'article L.114-5 du code des relations entre le public et l'administration, de compléter sa demande ;
- l'arrêté en litige témoigne d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée et que son employeur a rempli le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail ; le délai laissé à son employeur par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour produire un justificatif URSSAF a été trop bref ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; le préfet aurait pu faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- l'arrêté en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à son mémoire de première instance.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant marocain né le 22 juin 1989, est entré en France en octobre 2012. Le 12 septembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 20 septembre 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M.B.... L'arrêté précise les conditions de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé et fait état de sa situation familiale. Par ailleurs, le préfet de la Gironde précise que l'intéressé ne justifiant pas d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi tel qu'exigé par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, ne peut se voir délivrer de titre de séjour sur ce fondement, qu'il ne peut non plus se voir délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " tant sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 qu'au titre de l'admission exceptionnelle au séjour car il est célibataire et sans charge de famille, a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc, ne peut se prévaloir de ses liens familiaux en France, ne justifie pas de son intégration et de son insertion durable dans la société française et est sans ressources propres sur le territoire national et, enfin, qu'il ne peut être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation en qualité de salarié en l'absence d'ancienneté dans l'activité de salarié, de qualification et d'expérience pour l'exercice du métier de technicien aménagements extérieurs pour lequel il présente une demande d'autorisation de travail, laquelle a fait l'objet au surplus d'un avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Dès lors, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé en droit et en fait la décision refusant de délivrer à M. B...un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet de la Gironde s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de M. B...tant au titre de sa vie privée et familiale qu'au regard d'une éventuelle régularisation par le travail.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. / Le délai mentionné au même article au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. Toutefois, la production de ces pièces et informations avant l'expiration du délai fixé met fin à cette suspension. / La liste des pièces et informations manquantes, le délai fixé pour leur production et la mention des dispositions prévues, selon les cas, au deuxième ou au troisième alinéa du présent article figurent dans l'accusé de réception prévu à l'article L. 112-3. Lorsque celui-ci a déjà été délivré, ces éléments sont communiqués par lettre au demandeur ".
5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que, pour refuser de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction de la demande, mais, après avoir rappelé l'ensemble de la situation familiale du requérant, sur le caractère insuffisamment précis et convaincant des documents soumis à son appréciation quant à l'insertion durable de l'intéressé dans la société française. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
6. En quatrième lieu, d'une part, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. D'autre part, la demande présentée par un étranger au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. Le préfet n'est ainsi pas tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi afin que cette dernière accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-2 du code du travail. Il est toutefois toujours loisible à l'autorité préfectorale, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de saisir cette direction pour recueillir son avis sur le projet d'emploi salarié invoqué par le demandeur à l'appui de sa demande de titre de séjour.
8. Après avoir examiné la demande de titre de séjour de M. B...au regard des critères de l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet a examiné la possibilité d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé en qualité de salarié. A ce titre, il s'est fondé sur l'absence d'ancienneté de M. B...dans l'activité de salarié, sur le défaut de qualification ou d'expérience pour exercer le métier projeté et sur l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur la demande d'autorisation de travail présentée par la société HD Concept pour un poste de " technicien aménagements extérieurs ". Cet avis est fondé sur l'absence de réponse de l'employeur à la demande de pièces complémentaires qui lui a été adressée. A cet égard, si M. B...allègue que son employeur, qui n'a pu répondre dans le délai imparti, serait à jour de ses cotisations sociales, il ne produit aucune pièce de nature à en justifier. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. En cinquième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige ni d'aucune pièce du dossier que le préfet, qui a examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation, se serait cru à tort lié par l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur la demande d'autorisation de travail présentée pour M.B....
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B...est entré en France en octobre 2012, à l'âge de 23 ans. Par un arrêté du 12 novembre 2014, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Son recours contre cet arrêté, qu'il n'a pas exécuté, a été définitivement rejeté par arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 septembre 2015. Il est célibataire est sans enfant. S'il se prévaut de la présence en France de ses parents ainsi que de ses frères et soeurs et de leurs familles respectives, il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu séparé d'eux la majeure partie de sa vie et n'établit pas l'intensité des liens noués avec eux. Il n'établit pas non plus être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Gironde n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché l'arrêté en litige d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 20 septembre 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. Romain Roussel, conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX04555