Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 2018 et 4 mars 2019, Mme B..., représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en vertu des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est mariée avec un ressortissant tunisien titulaire d'une carte de résident de dix ans et qu'un enfant est né de leur union ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 sur les conjoints d'étrangers en situation régulière ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet a, à tort, considéré que M. B...bénéficie d'une allocation d'adulte handicapé qui lui permettrait de faire une demande de regroupement familial sans condition de ressources ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors que le préfet n'indique pas les risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- si la décision attaquée indique à tort que M. B..." bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés et qu'il est dispensé de la condition de ressources ", il s'agit d'une simple erreur de plume sans incidence sur la légalité de la décision ;
- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Un mémoire, présenté par le préfet de la Haute-Garonne le 21 mars 2019, n'a pas été communiqué.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. F...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G...B..., de nationalité tunisienne, est entrée en France le 27 septembre 2014 sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours délivré par le consulat de France à Tunis. Le 5 avril 2016, elle a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 22 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 novembre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. La circonstance qu'un étranger est susceptible de bénéficier d'une procédure de regroupement familial ne le prive pas de la faculté de se prévaloir, le cas échéant, de l'atteinte disproportionnée qu'un refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Mme B...est entrée régulièrement en France le 27 septembre 2014 munie d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours. Elle s'est mariée en août 2014 avec M. E...B..., ressortissant tunisien, titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'en août 2025. Son époux vit donc régulièrement en France et il n'est pas contesté qu'il est, en outre, père d'un enfant français né d'une précédente union. Etant dépourvu de ressources stables et suffisantes, l'époux de Mme B...ne pourrait lui faire bénéficier de la procédure de regroupement familial. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée de l'union de M. et Mme B...et à la présence d'un enfant en bas âge à leur foyer, le refus de titre de séjour a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. L'annulation du refus de titre de séjour implique nécessairement l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi comprises dans l'arrêté du 22 novembre 2017.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.
7. Il ressort du mémoire produit pour MmeB..., enregistré le 4 mars 2019, que cette dernière a formé contre son époux une requête en divorce et que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé le 24 janvier 2019 une ordonnance de non-conciliation. Ce changement dans les circonstances de fait, intervenu depuis l'édiction de l'arrêté attaqué, fait obstacle à la délivrance à Mme B...d'un titre de séjour portant la mention " vie privé et familiale. " L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de la Haute-Garonne réexamine la demande de titre de séjour de Mme B...en vue d'y statuer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeD..., conseil de MmeB..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1705938 du 15 juin 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 22 novembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D...la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...A...épouseB..., au ministre de l'Intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à MeD....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, présidente,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le premier conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne C... Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03885