Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2018 sous le n° 18BX01855, MmeE..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 4 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jour à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il est entaché d'incompétence de son auteur : la délégation de signature accordée par le préfet est trop large ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle est présente en France depuis 2012 et a bénéficié, à compter du 5 juin 2014, de titres de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade dont le dernier a expiré le 7 janvier 2017, ce qui lui a permis d'entreprendre d'importants efforts d'intégration en suivant des cours de français, en exerçant de nombreuses activités bénévoles, en effectuant des stages et en travaillant ; en outre, elle a également développé de nombreux liens affectifs et amicaux en France, notamment avec son concubin M. F... et avec le fils de ce dernier qui sont tous deux malades et pour lesquels elle est un soutien important ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- cette décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés et déclare se rapporter à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 12 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août 2018.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Deborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante arménienne née le 31 mars 1963, est, selon ses dires, entrée en France le 3 janvier 2012 et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 avril 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 février 2014. Elle a ensuite bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d'accompagnante d'un étranger malade dont le dernier a expiré le 7 janvier 2017. Par un arrêté du 4 décembre 2017, le préfet de la Vienne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme E...relève appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. L'arrêté attaqué du 4 décembre 2017 a été signé par M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui avait reçu, par un arrêté du 2 novembre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, délégation de signature du préfet de la Vienne. Si le requérant soutient que cette délégation serait trop générale, l'article 3 de cet arrêté habilite M. D...à signer toute décision afférente à l'application de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le signataire de l'arrêté litigieux a été régulièrement habilité par une délégation de signature qui est suffisamment précise.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, Mme E...reprend en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...). ".
5. Mme E...soutient qu'elle est présente en France depuis 2012 et qu'elle a bénéficié, du 5 juin 2014 au 7 janvier 2017, de titres de séjour en tant qu'accompagnante d'étranger malade, ce qui lui a permis d'entreprendre d'importants efforts d'intégration en suivant des cours de français, en exerçant de nombreuses activités bénévoles, en effectuant des stages et en travaillant. Elle se prévaut de ce qu'elle a également développé de nombreux liens affectifs et amicaux en France, notamment avec son concubin, M.F..., et avec le fils de ce dernier qui sont tous deux malades et pour lesquels elle est un soutien important. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'a été admise à séjourner en France qu'en raison de l'état de santé de son concubin. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de M. F...ne justifiait plus qu'un titre de séjour lui soit délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celui-ci faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité est confirmé par un arrêt de la cour de ce jour. En outre, Mme E...n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Arménie, pays dont son concubin, le fils de celui-ci et elle-même ont la nationalité et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français.
7. En second lieu et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E...une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de celle fixant le pays à destination duquel elle serait renvoyée.
9. En second lieu, Mme E...reprend en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyen tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que cette décision méconnaîtrait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le premier-conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne C...
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX01855