Par un jugement n° 1604776 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 24 août 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018, un bordereau de production de pièces enregistré le 2 et 8 octobre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2019, M.C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de lui délivrer une carte de résident ou une carte de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est dirigée uniquement contre le second jugement le concernant. Or la décision d'aide juridictionnelle afférente à son appel a été notifiée le 12 avril 2018 et son recours subséquent a été rejeté par une décision notifiée le 23 mai 2018. En outre, le jugement concernant un refus de titre de séjour, le délai d'appel est de deux mois de sorte que l'appel n'est pas tardif ;
- le jugement ayant confirmé la légalité de son licenciement professionnel n'est pas définitif ;
- si les premiers juges ont entendu lui opposer l'absence de ressources stables et régulières sur un période de cinq années précédant le dépôt de sa demande de carte de résident, ils ont procédé à une interprétation inexacte des dispositions de l'article 11 de la convention franco-ivoirienne de circulation et de séjour du 21 septembre 1992, selon lesquelles la situation doit s'apprécier sur les trois dernières années, comme il le démontre. Par ailleurs, le tribunal n'a pas analysé son droit au séjour au regard de la demande de renouvellement de son titre salarié, comme le prévoit pourtant l'article R. 314-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé dans la mesure où le préfet n'indique pas les motifs de refus de renouvellement du titre " salarié " dont il bénéficiait ;
- selon l'article 11 de la convention franco-ivoirienne, et comme l'a précisé la présente cour, les conditions de délivrance de la carte de résident sont de trois années de résidence régulière et ininterrompue quelle que soit la nature du titre de séjour ; la condition d'intégration républicaine et celle tenant à des ressources stables et suffisantes s'apprécient sur la période de trois années précédant la demande, et non de cinq années comme l'a estimé le préfet. Ainsi il remplissait l'ensemble des conditions ;
- le préfet ne pouvait lui refuser le renouvellement de son titre de séjour salarié au motif qu'il n'aurait pas présenté un contrat de travail visé par une autorité compétente dès lors qu'au moment de l'édiction de l'arrêté litigieux, il s'est retrouvé dans la situation de l'étranger involontairement privé d'emploi, de sorte qu'il était parfaitement fondé à bénéficier d'un tel titre pour la période correspondant à la période d'indemnisation du chômage.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2018, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée.
Par une décision du 12 avril 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a refusé d'admettre M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1992 relatif à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...C..., ressortissant ivoirien né en 1969, est entré régulièrement en France en septembre 2010 après quinze années passées en Allemagne et a été autorisé à compter du 2 avril 2012 jusqu'au 26 août 2016 à séjourner en France et à y travailler en qualité de professeur d'allemand dans des collèges de l'enseignement privé. Il a déposé le 1er juin 2016 une demande de carte de résident. Par un arrêté du 24 août 2016, le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a assigné M. C...à résidence. Par un jugement du 20 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir renvoyé en formation collégiale les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour, a annulé toutes les autres mesures contenues dans l'arrêté du 24 août 2016. M. C...relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour.
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. M. C...soutient que le jugement n'a pas analysé son droit au séjour au regard de sa demande de renouvellement du titre de séjour salarié, en application des dispositions de l'article R. 314-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont il aurait dû bénéficier de plein droit " dès lors qu'il s'est retrouvé dans la situation d'un étranger involontairement privée de son emploi et a été admis à percevoir des droits au titre de Pole Emploi (...) ". Il ressort toutefois de ses écritures de première instance qu'un tel moyen, lequel n'est pas d'ordre public, n'était pas soulevé devant le tribunal. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'aucune omission à statuer à ce titre.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. C...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce refus. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles (...) L. 313-11, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins (...) Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ". L'article R. 314-1-1 du même code prévoit que : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : / (...) 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance. Lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande (...) ".
5. D'autre part, selon l'article 11 de la convention franco-ivoirienne susvisée du 21 septembre 1992, la durée de résidence ininterrompue mentionnée par les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est réduite à trois années. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions qu'un ressortissant ivoirien qui sollicite la délivrance d'une première carte de résident de dix ans doit notamment justifier de ce qu'il a disposé pendant les trois années qui ont précédé sa demande de ressources stables et régulières appréciées par référence au montant du salaire minimum de croissance et qu'il bénéfice d'une assurance maladie.
6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que la demande de carte de résident a été rejetée au motif que M. C...ne justifiait ni d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France ni de ressources stables, régulières et suffisantes. S'il résulte de ce qui précède que le premier de ces motifs est illégal, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aveyron aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le second motif. A ce titre, pour établir qu'il disposait de ressources stables et régulières durant les trois années précédant sa demande, M. C...produit pour les années 2014 et 2015 des déclarations fiscales en vertu desquelles il a perçu des revenus pour des montants respectifs de 13 652, 76 euros et de 19 793, 51 euros. Pour l'année 2013, il ne produit qu'un bulletin de salaire d'un montant de 1 058,02 euros et ne justifie donc de ressources supérieures ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance qu'au cours de l'année 2015. M. C...ne peut dès lors être regardé comme justifiant de ressources stables et régulières pendant les trois années précédant sa demande. En outre, M.C..., qui n'établit ni même n'allègue être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, était, à la date de l'arrêté, sans emploi. Par suite, le préfet de l'Aveyron pouvait légalement, pour ce seul motif, refuser de délivrer la carte de résident sollicitée par M.C....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 314-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande de carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " au titre des articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 vaut demande de renouvellement du titre de séjour précédemment acquis (...) ". L'article R. 313-38 du même code prévoit que " L'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" qui se trouve involontairement privé d'emploi présente tout justificatif relatif à la cessation de son emploi et, le cas échéant, à ses droits au regard des régimes d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi. Le préfet statue sur sa demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" conformément aux dispositions de l'article R. 341-5 du code du travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-32 du code du travail reprenant les dispositions de l'article R. 341-5 du même code : " Le renouvellement d'une autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est sollicité dans le courant des deux mois précédant son expiration. / La demande de renouvellement est accompagnée de documents dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. / L'autorisation de travail est renouvelée dans la limite de la durée du contrat de travail restant à courir ou de la mission restant à accomplir en France ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-33 du même code : " Par dérogation à l'article R. 5221-32, la validité de l'autorisation de travail mentionnée au 8° de l'article R. 5221-3 est prorogée d''un an lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi à la date de la première demande de renouvellement. / Si, au terme de cette période de prorogation, l'étranger est toujours privé d'emploi, il est statué sur sa demande compte tenu de ses droits au regard du régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ". Le 8° de l'article R. 5221-3 mentionne la carte de séjour temporaire mention " salarié " comme valant autorisation de travail. ".
8. M.C..., dont le titre de séjour salarié a été renouvelé a plusieurs reprises avant le dépôt de sa demande de carte de résident, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 5221-33 du code du travail, lesquelles ne peuvent trouver application que lors de la première demande de renouvellement d'une autorisation de travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Aveyron, que M. C...n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté du 24 août 2016. Par suite, les conclusions de M. C...à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Marianne Pouget, président,
Paul-AndréA..., premier conseiller.
Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mai 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...Le président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
18BX02910 2