Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 18 mars 2019 sous le n° 18BX03859, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 2 novembre 2018.
Il soutient que :
- les pièces produites démontrent que la requérante a eu connaissance dans une langue qu'elle comprend de l'ensemble des informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013. Le motif d'annulation retenu par le premier juge, fondé sur des fausses déclarations de la requérante, n'est donc pas fondé ;
- la signataire de la requête a été régulièrement habilitée par une délégation de signature du 5 novembre 2018 ;
- les brochures ont été remises le 20 juin 2018 comme en atteste le compte-rendu d'entretien individuel. Ces brochures ne pouvaient être remises par la plateforme d'accueil puisqu'à ce moment là l'administration ignorait si l'intéressée avait déposé une demande d'asile dans un autre Etat ;
- l'arrêté de transfert vise les textes dont il fait application, rappelle la situation administrative de l'intéressée et mentionne l'accord des autorités espagnoles pour la reprise en charge. Il est donc ainsi suffisamment motivé ;
- il a examiné la situation de l'intéressée, laquelle ne relève pas de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;
- si Mme D...se prévaut de la présence en France d'une belle-soeur et de deux beaux frères, elle ignore leur lieu de résidence de sorte que l'intensité des liens familiaux n'est pas démontrée. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 17 du règlement n° 604/2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont donc pas fondés ;
- s'agissant de la motivation de l'assignation à résidence, la perspective de mise à exécution de la décision de transfert résulte de ce que cette décision pouvait encore être exécutée à la date de l'assignation à résidence ;
- la mesure de transfert étant légale, le défaut de base légale invoqué manque en fait ;
- en raison de la validité de l'accord des autorités espagnoles, l'exécution de la mesure de transfert, à la date de la mesure d'assignation à résidence, constituait une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2019 et le 1er avril 2019, MmeD..., représentée par MeB..., conclut :
- à ce qu'elle soit admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à elle ou à son conseil selon l'issue de la demande d'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car elle n'est pas signée par le préfet de la Haute-Garonne ;
- les brochures ont été remises à elle et à son époux et non individuellement et au demeurant après l'entretien individuel. Il n'est d'ailleurs pas établi que ces brochures ont été remises lors de l'introduction de sa demande, soit en l'espèce lors de sa présentation à la plateforme d'accueil. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 est donc fondé ;
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé en fait en méconnaissance de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette motivation révèle un défaut d'examen de sa situation, la prise en compte de ses attaches familiales s'effectuant sur le fondement des articles 2 et 4 du règlement n° 604/2013 alors qu'elle aurait dû être examiné à l'aune de l'article 17.2 de ce règlement ;
- le préfet s'est cru à tort lié par l'accord des autorités espagnoles ;
- le refus de faire application de cet article 17 révèle une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la mesure de transfert porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure de transfert méconnaît l'article 3.2 et les articles du chapitre III du règlement n° 604/2013 s'agissant de la détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;
- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de démontrer le caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de l'arrêté de transfert ;
- l'assignation à résidence est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui la fonde ;
- l'assignation à résidence méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il n'est pas démontré que l'exécution de la mesure de transfert serait une perspective raisonnable.
Par ordonnance du 19 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 avril 2019 à midi.
Mme D...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 18 mars 2019 sous le n° 18BX03860, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1805138, 1805141 du 2 novembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que :
- il ressort de sa requête au fond dont il joint une copie que les conditions d'obtention du sursis à exécution sont remplies dans la mesure où il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2019, MmeD..., représentée par MeB..., conclut :
- à ce qu'elle soit admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à elle ou à son conseil selon l'issue de la demande d'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car elle n'est pas signée par le préfet de la Haute-Garonne ;
- il ressort de ses écritures dans le litige au fond que la demande de sursis à exécution ne peut être accueillie.
Par ordonnance du 19 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2019 à midi.
Mme D...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante syrienne née le 7 mai 1985, est entrée irrégulièrement en France accompagnée de son époux le 17 juin 2018 et y a déposé une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de Mme D...avaient été relevées par les autorités espagnoles le 2 mai 2018. Le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités espagnoles une demande de reprise en charge de la demande d'asile de Mme D...qui a été acceptée par une décision du 3 août 2018. Par deux arrêtés du 29 octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a, d'une part, ordonné la remise de Mme D...aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assignée à résidence. Par une première requête, enregistrée sous le n°18BX03859, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 2 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de MmeD..., annulé ces deux arrêtés. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 18BX03860, le préfet de la Haute-Garonne sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous le n° 18BX03859 et le n°18BX03860 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les demandes d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
3. Par deux décisions du 20 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, Mme D...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme D...tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la recevabilité des appels :
4. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de justice administrative : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. " Aux termes de l'article R. 431-13 de ce code : " Sont en outre applicables devant les cours administratives d'appel les dispositions des articles (...) R. 431-4 (...) applicables devant les tribunaux administratifs. ".
5. La requête d'appel et la requête à fin de sursis à exécution du jugement attaqué, présentées par le préfet de la Haute-Garonne, sont signées par Mme E...C..., adjointe au chef de bureau de l'asile et du contentieux des étrangers. Mme E...C...a été régulièrement habilitée par le préfet de la Haute-Garonne, en vertu d'un arrêté du 5 novembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, pour signer " l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel, relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires (...) ". Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence des signataires des écritures du préfet en appel doit être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Pour annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 portant remise de Mme D...aux autorités espagnoles, et par voie de conséquence la mesure d'assignation à résidence du même jour, le premier juge a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 au motif qu'il n'était pas démontré que les information mentionnées à cet article aient été délivrées à MmeD....
7. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " Début de la procédure - 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des copies des couvertures des brochures dûment signées par Mme D...produites pour la première fois en appel, que les brochures contenant les informations prévues par l'article 4 du règlement n° 604/2013 ont été remises le 20 juin 2018 à Mme D...dans une langue qu'elle a déclaré comprendre. La circonstance que ces brochures aient été remises concomitamment à son époux est sans incidence sur le respect de l'obligation d'information instituée par l'article 4 du règlement n° 604/2013. Par ailleurs, si Mme D...soutient que ces informations lui ont été remises tardivement dès lors qu'elles auraient dû lui être délivrées le 18 juin 2018, date de sa présentation à la plate-forme d'accueil des demandeurs d'asiles, il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que la remise des informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 lors de l'enregistrement de la demande d'asile par les services de la préfecture ne peut être regardée comme tardive et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 pour annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 portant remise de Mme D...aux autorités espagnoles, et par voie de conséquence la mesure d'assignation à résidence du même jour. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...tant en première instance qu'en appel.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
10. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Est ainsi suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
11. En l'espèce, l'arrêté du 29 octobre 2018 indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressée avait sollicité l'asile en Espagne le 2 mai 2018 et que les autorités espagnoles ont été saisies le 31 juillet 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dont le préfet énonce d'ailleurs expressément les termes. En outre, le préfet a fait mention de l'accord express, obtenu le 3 août 2018 par lequel les autorités espagnoles ont reconnu leur responsabilité. Ainsi, la décision comporte les éléments de fait ou de droit permettant d'identifier les critères retenus par le préfet pour déterminer l'État responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée, qui pouvait, à la seule lecture de l'arrêté en litige, connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités espagnoles et être, ainsi, mise à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.
12. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient MmeD..., il ressort de la motivation de l'arrêté, qui rappelle le parcours de l'intéressée ainsi que les observations formulées par cette dernière, notamment concernant sa situation familiale, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen de sa situation individuelle.
13. En troisième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté, qui précise que l'ensemble des éléments caractérisant la situation de fait et de droit ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3.2, 17.1 ou 17.2 du règlement n° 604/2013, que, contrairement à ce que soutient MmeD..., le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas cru lié par l'accord des autorités espagnoles pour décider de ne pas faire application de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (CE)
n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
15. Si Mme D...se prévaut de la présence en France de deux beaux-frères et d'une belle-soeur, elle n'établit ni que l'ensemble d'entre eux résidaient régulièrement en France à la date de l'arrêté litigieux ni l'intensité de ses liens avec eux, Mme D...ne résidant en France que depuis moins de cinq mois à la date cet arrêté. Dès lors, en décidant de ne faire application ni du 1 ni du 2 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de MmeD....
16. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point précédent.
17. En dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ".
18. Comme indiqué précédemment, il ressort des pièces du dossier que le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est l'Espagne. Par suite, en décidant de la remise de Mme D...aux autorités espagnoles, l'arrêté litigieux ne méconnaît nullement les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 ni, corrélativement, celles du chapitre III de ce même règlement définissant l'Etat membre responsable.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté prononçant son assignation à résidence serait privé de base légale en raison de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités espagnoles.
20. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...)1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...)".
21. L'arrêté contesté vise le 1° bis du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et indique que MmeD..., qui justifie d'une domiciliation postale à Toulouse, fait l'objet d'une décision de remise aux autorités espagnoles dont l'exécution demeure une perspective raisonnable en raison de l'accord des autorités espagnoles du 3 août 2018 valable six mois tout en précisant que la mesure ne peut être exécutée immédiatement en raison du délai de quarante-huit heures prévu par l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté énonçant ainsi les circonstances de droit et de fait fondant la mesure d'assignation à résidence, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
22. En troisième lieu, en se bornant à soutenir qu'il n'y a pas de perspective raisonnable que la mesure de transfert dont elle fait l'objet soit exécutée, sans expliquer pourquoi, Mme D...n'assortit pas son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 29 octobre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme D...à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
Sur la demande de sursis à exécution :
24. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne, ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par Mme D...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1805138, 1805141 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 novembre 2018 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans la requête enregistrée sous le n° 18BX03860.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à MmeF.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Emmanuel Bourgeois, premier conseiller,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Marianne Pouget Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03859-18BX03860