Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2017, et un mémoire, enregistré le 17 octobre 2018, MmeC..., agissant tant pour son compte que pour le compte de son fils mineur, B...C...(anciennementH...), représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 24 janvier 2017 ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise médicale afin de déterminer si la maternité de M'ramadoudou puis le centre hospitalier de Mayotte ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité lors de la prise en charge de sa grossesse et de son accouchement à la maternité de M'ramadoudou puis des soins apportés post-partum à son fils au centre hospitalier de Mayotte et, le cas échant, d'évaluer les préjudices qu'ils ont subis à raison de ces fautes ;
3°) de les dispenser des frais de consignation de l'expertise ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Mayotte à lui verser, à titre de provision, les sommes, respectivement, de 180 000 et 78 000 euros en réparation des préjudices subis par son fils et par elle-même à raison des fautes commises par cet établissement ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mayotte une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- l'expertise judiciaire est lacunaire, contradictoire et incohérente ;
- le centre hospitalier de Mayotte a commis une faute en la faisant accoucher dans une maternité rurale alors qu'elle présentait une grossesse à risque ;
- subsidiairement, il appartiendra à la cour de se prononcer sur le caractère accidentel des dommages et sur leur gravité ;
- les provisions demandées correspondent à des préjudices certains dans leur réalité et leur montant.
Par un mémoire enregistré le 7 juin 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par me E...conclut à sa mise hors de cause.
Il soutient que les conditions d'indemnisation des appelants au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par un mémoire, enregistré le 1er février 2018, la caisse de sécurité sociale de Mayotte demande à la cour d'ordonner une contre-expertise.
Par un mémoire, enregistré le 3 septembre 2018, le centre hospitalier de Mayotte, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les critiques formulées à l'encontre du rapport d'expertise judicaire sont infondées et qu'il n'a pas commis de faute dans sa prise en charge de l'accouchement de MmeC....
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2017.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.G...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de Me A...représentant M.C..., et de Me D...représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 avril 2005, Mme C...a accouché par voie basse d'un garçon prénommé B...au sein de la maternité de M'ramadoudou, dépendant du centre hospitalier de Mayotte. Cet accouchement s'est toutefois avéré très traumatique pour l'enfant qui est né avec un coefficient d'adaptation à la vie de 3 à une minute et a dû être transféré au service de réanimation pédiatrique du centre hospitalier de Mayotte. Il souffre de plusieurs handicaps et notamment d'une tétraplégie spastique non consolidée. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a remis son rapport le 15 mai 2012. MmeC..., agissant tant pour son compte que pour le compte de son fils mineur, demande à la cour d'annuler le jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté ses demandes tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée et à ce que le centre hospitalier de Mayotte soit condamné à lui verser à titre provisionnel, les sommes, respectivement, de 180 000 et 78 000 euros en réparation des préjudices subis par son fils et par elle-même à raison des fautes qu'auraient commises cet établissement.
Sur la demande d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.
3. En l'occurrence et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le rapport remis par l'expert judiciaire le 15 mai 2012 relève de façon suffisamment détaillée que Mme C...ne présentait aucun antécédent, qu'elle n'a pas souffert pendant sa grossesse de diabète ou d'obésité, que le foetus ne présentait pas de macrosomie échographique, que la durée du travail a été " longue pour une multipare " à raison d'une dystocie de démarrage nécessitant l'administration de syntocinon pour réguler les contractions puis d'une dilatation très progressive du col qui ne permettait toujours pas, à 18 heures, la descente de la tête foetale si bien qu'un transfert vers le centre hospitalier a alors été décidé, mais qu'" un engagement très rapide " s'est ensuite produit entre 18h30 et 19h15 avec, malheureusement, la survenue d'une dystocie des épaules que la sage femme a réduite par une manoeuvre dite de Jacqueminier, que l'enfant est né " en état de mort apparente avec un score d'Apgar à 5 à 30 minutes de vie ", et qu'il a été transféré en urgence au centre hospitalier de Mayotte où il a fait l'objet d'un suivi attentif. L'expert a également précisé, de façon argumentée, que " l'analyse du rythme cardiaque foetal ne montre pas de souffrance foetale aiguë nécessitant le recours à une césarienne " avant la survenue de la dystocie des épaules, que ce type de dystocie est un accident aigu imprévisible qui s'accompagne notamment, selon la littérature médicale, d'un taux de morbidité de 23 % et de troubles neurologiques dans 20 % des cas. Enfin, l'expert a indiqué, de façon très circonstanciée, que les handicaps dont demeure atteint le jeune B...sont dus à une asphyxie périnatale, elle-même causée par cette dystocie des épaules, ce qui est confirmé, d'une part, par le taux de lactates que présentait B...lors de son entrée au centre hospitalier et, d'autre part, par l'examen tomodensitométrique réalisé le 3 mai 2005.
4. Dans ces conditions, MmeC..., qui se borne à soutenir que l'expert aurait répondu par prétérition ou de manière lapidaire aux questions qui lui étaient posées et à contester, en se référant à des considérations qui ne présentent pas de lien direct avec l'objet de l'expertise ou auxquelles l'absence de documents écrits ne permet pas d'apporter une réponse tranchée, les conclusions de son rapport, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ce rapport était suffisamment complet, précis et détaillé pour permettre à la juridiction de trancher le litige et, en particulier, d'apprécier si le centre hospitalier de Mayotte a commis des fautes dans la prise en charge de l'accouchement de Mme C...puis, le cas échéant, s'il existe ou non un lien de causalité direct et certain entre ces fautes et les dommages subis par son fils lors de cet accouchement.
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
6. À l'appui du moyen tiré de ce que le centre hospitalier de Mayotte aurait commis des fautes en s'abstenant de transférer Mme C...au sein de son établissement principal avant son accouchement dès lors que sa grossesse présentait un caractère hors norme et qu'elle aurait pu y bénéficier d'une césarienne, et, plus généralement, en laissant des femmes accoucher dans des maternités " où l'insuffisance de la prise en charge est le mode normal de fonctionnement ", Mme C...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges et de rejeter les conclusions de l'appelante tendant à ce que le centre hospitalier de Mayotte soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté ses demandes. Pour les mêmes motifs, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...C..., au centre hospitalier de Mayotte, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2019.
Le rapporteur,
Manuel G...Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°17BX00692
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