Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier 2019 et 27 mars 2019 sous le n° 19BX00080, le préfet de la Dordogne demande à la cour d'annuler ce jugement du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté de transfert de M. A...aux autorités suédoises au motif tiré de ce qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne le faisant pas bénéficier de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que le simple fait d'être débouté du droit d'asile en Suède, qui n'implique pas systématiquement un renvoi vers le pays d'origine, ne saurait justifier l'usage de l'article 17 du règlement sans remettre en cause l'application de l'article 18.1 d) du même règlement qui prévoit expressément le transfert vers l'Etat membre responsable d'un demandeur d'asile dont la demande a été rejetée ;
- en l'absence de défaillances systémiques en Suède ou encore de circonstances particulières ayant trait à la situation de l'intéressé, comme l'état de santé ou la vie privée et familiale, rien ne justifie l'usage de la clause discrétionnaire ;
- le secrétaire général de la préfecture disposait d'une délégation régulière du préfet pour signer l'arrêté en litige ;
- l'arrêté litigieux mentionne l'ensemble des éléments de fait et de droit qui le fonde ;
- la décision de transfert a pour base légale les articles 18.1 point b) et 18.1 point d) du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, lesquels prévoient l'obligation de l'État-membre responsable de reprendre en charge un demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat-membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat-membre, ainsi que de reprendre en charge un demandeur dont la demande a été rejetée par cet Etat et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat-membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat-membre ;
- une information complète et objective sur la procédure asile et Dublin a été délivrée à M. A...lors du dépôt de sa demande d'asile à la préfecture ; il a donc eu l'ensemble des informations nécessaires, notamment la remise des différents guides et brochures en langue dari ;
- M. A...a bénéficié d'un entretien individualisé le 20 août 2018, avec l'assistance d'un interprète en langue dari ; cet entretien a fait l'objet d'un résumé qui a été signé par M. A...lui-même ;
- la décision portant assignation à résidence n'est pas entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'arrêté portant transfert aux autorités suédoises n'est pas illégal ;
- le formulaire d'information des droits et obligations prévu à l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui a été notifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2019, M.A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Dordogne et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de soixante douze heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- son transfert vers les autorités suédoises aura pour conséquence son renvoi vers l'Afghanistan ; il fait l'objet d'une procédure d'expulsion en Suède ; les affrontements sur l'ensemble du territoire afghan constituent une situation de conflit armé interne ; ainsi, et dès lors que les autorités suédoises ont rejeté sa demande d'asile, le préfet de la Dordogne a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert vers les autorités suédoises est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet ne démontre pas que l'entretien individuel s'est déroulé dans le respect du principe de confidentialité ni qu'il a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ;
- la décision portant assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités suédoises.
II. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier 2019 et 27 mars 2019 sous le n° 19BX00081, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2019, M.A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Dordogne et demande à la cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile destiné à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de soixante douze heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête n°19BX00081 du préfet de la Dordogne est sans objet ;
- son transfert vers les autorités suédoises aura pour conséquence son renvoi vers l'Afghanistan ; il fait l'objet d'une procédure d'expulsion en Suède ; les affrontements sur l'ensemble du territoire afghan constituent une situation de conflit armé interne ; ainsi, et dès lors que les autorités suédoises ont rejeté sa demande d'asile, le préfet de la Dordogne a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert vers les autorités suédoises est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet ne démontre pas que l'entretien individuel s'est déroulé dans le respect du principe de confidentialité ni qu'il a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ;
- la décision portant assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités suédoises.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- et les observations de Me De Verneuil, avocat, représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., ressortissant afghan né le 2 janvier 1992, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 7 août 2018. Le 20 août 2018, l'intéressé s'est présenté à la préfecture de Police de Paris afin de solliciter l'asile. Constatant, au vu du résultat du relevé de ses empreintes décadactylaire, que l'intéressé avait introduit une demande d'asile en Suède le 29 octobre 2015, l'autorité préfectorale a formé, le 22 août 2018, une demande de reprise en charge auprès des autorités suédoises, sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités suédoises ont fait connaître leur accord explicite le 31 août 2018, en application de l'article 18-1 d), indiquant que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée le 12 juillet 2018. Par deux arrêtés du 6 novembre 2018, le préfet de la Dordogne a prononcé, d'une part, le transfert de M. A...aux autorités suédoises et, d'autre part, son assignation à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois. Par une requête n° 19BX00080, le préfet de la Dordogne relève appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, saisi par M.A..., a annulé ces deux arrêtés et demande, sous le n° 19BX00081, d'en ordonner le sursis à exécution.
2. Les requêtes n° 19BX00080 - 19BX00081 du préfet de la Dordogne portent sur la contestation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
" (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur la requête n°19BX00080 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
5. D'une part, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :... d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Pour annuler l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste dans la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation que le préfet de la Dordogne tient de l'article 17 précité du règlement du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de M. A...avait été rejetée par les autorités suédoises, si bien que sa remise aux autorités suédoises aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan, où il serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu du conflit armé qui règne sur l'ensemble du territoire afghan et de la situation interne qui n'a cessé de se dégrader au cours des dernières années. Toutefois, si M. A... soutient que sa demande d'asile a été définitivement rejetée en Suède, ce qui l'expose à un retour forcé en Afghanistan, il ne justifie pas, en se bornant à produire la traduction d'une décision de la cour administrative d'appel de Stockholm " statuant en matière d'immigration " du 12 juillet 2018, dont il ne produit au demeurant aucune copie dans sa version originale, qui rejette l'appel contre un jugement du tribunal administratif du 22 mai 2012 " statuant en matière d'immigration ", avoir fait l'objet en Suède, à la date de l'arrêté attaqué, d'une décision d'éloignement à destination de l'Afghanistan qui serait, au surplus, devenue définitive. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités suédoises, alors même que la demande d'asile de M. A... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, en refusant de faire application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M.A....
9. Dès lors, le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé, pour ce motif, l'arrêté litigieux du 6 novembre 2018 ordonnant le transfert de l'intéressé vers la Suède ainsi que, par voie de conséquence, le second arrêté du même jour l'assignant à résidence.
10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux et la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux et en appel :
11. En premier lieu, par arrêté n° 24-2018-06-06-002 du 6 juin 2018, régulièrement publié le 7 juin 2018 au recueil des actes administratifs n°24-2018-020 de la préfecture de la Dordogne, M. Laurent Simplicien, secrétaire général de préfecture, s'est vu délivrer, par le préfet de la Dordogne, une délégation de signature à l'effet de signer notamment l'ensemble des décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux doit être écarté comme manquant en fait.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) ". En vertu de l'article L. 742-3 dudit code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
13. L'arrêté litigieux portant transfert aux autorités suédoises de M. A...vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604-2013 du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne, rappel fait de son identité et de ses conditions d'entrée en France, que M. A...a sollicité l'asile le 20 août 2018 auprès des services de la préfecture et que, dès lors qu'il ressortait du relevé de ses empreintes décadactylaires qu'il avait déposé une demande d'asile en Suède le 29 octobre 2015, les autorités suédoises ont été saisies, le 22 août 2018, d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2012 du 26 juin 2013, à laquelle elles ont donné leur accord explicite le 31 août 2018 au titre de l'article 18-1 d) de ce règlement, conformément à l'article 25 de ce même règlement, les autorités suédoises ayant précisé que la demande d'asile de M. A...avait été rejetée le 12 juillet 2018. Ce même arrêté indique que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) 604/2013, la Suède ne constituant pas un Etat où des défaillances systémiques sont établies. Il précise qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que M. A...tient de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale dès lors qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Suède. Enfin, il indique que M. A...n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsables de sa demande d'asile. Dès lors, l'arrêté portant transfert de l'intéressé aux autorités suédoises, qui comporte l'énoncé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté en litige, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent que le préfet de la Dordogne a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de M.A..., et notamment qu'il a examiné l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ainsi que la possibilité de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 avant d'ordonner son transfert aux autorités italiennes. Dès lors, le moyen tiré de ce que ledit arrêté serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus à l'article 4.1 de ce règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
16. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il allègue, M. A...s'est vu remettre en langue dari, le 20 août 2018, lors de son entretien individuel, le guide du demandeur d'asile en France, un document d'information sur le relevé d'empreintes et Eurodac, ainsi que les brochures d'information sur le règlement " Dublin III " contenant la brochure A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin. Qu'est-ce que cela signifie ' ", ainsi qu'en atteste sa propre signature, apposée sur chacun des documents correspondants. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré lire et comprendre le dari. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas reçu l'ensemble des éléments d'information requis par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme manquant en fait.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'intimé, que M. A...a bénéficié, le 20 août 2018, d'un entretien individuel au sein des services de la préfecture de police de Paris, par un agent de la direction de la police générale, avec l'assistance d'un interprète de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, dans la langue qu'il avait déclaré lire et comprendre, en l'occurrence la langue dari, au terme duquel l'intéressé a confirmé avoir compris tous les termes de cet entretien. M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions permettant d'en garantir la confidentialité. Ainsi, les services de la préfecture, et notamment les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Le résumé de l'entretien individuel, sur lequel est apposé le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent qualifié de la préfecture, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Au surplus, aucune disposition ni aucun principe n'impose la mention, sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de la méconnaissance de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 doivent être écartés.
19. En sixième lieu, il résulte de ce qui a déjà été dit aux points 5 à 8 que les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
20. En septième et dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que l'arrêté portant transfert aux autorités suédoises n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté l'assignant à résidence est privé de base légale ne peut qu'être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux arrêtés du 6 novembre 2018 portant transfert de M. A...aux autorités suédoises et assignation à résidence.
Sur la requête n°19BX00081 :
22. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions de la requête n° 19BX00081 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
23. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées à fin d'annulation par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux n'implique l'édiction d'aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens :
24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, la somme que M. A...demande de verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. A...est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19BX00081 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 1805477 du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux.
Article 3 : Le jugement no 1805477 du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 4 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, présidente,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le premier conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne B...
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00080 - 19BX00081