Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er février 2017 et le 9 mars 2018, la commune de Bayeux, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er décembre 2016 en tant qu'il a annulé la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2015 et mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter le surplus de la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. F...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges se sont irrégulièrement fondés sur un moyen tiré de l'absence de motif d'intérêt général, lequel n'était ni soulevé devant eux ni d'ordre public ;
- c'est à tort qu'ils ont considéré que la délibération du 16 décembre 2015 n'était pas purement confirmative de celle du 4 février 2015 ;
- la fin de non-recevoir tirée de ce que M.F..., qui ne justifie pas de ce que la délibération litigieuse pouvait avoir des conséquences directes importantes sur les finances communales, n'avait pas intérêt à agir aurait dû être accueillie ;
- les conseillers municipaux, destinataires d'une note de synthèse jointe à leur convocation, ont disposé d'une information suffisante en vue de l'adoption de la délibération du 16 décembre 2015 de sorte que les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été méconnues ;
- le déclassement du jardin de 1 000 mètres carrés, lequel s'inscrit dans le projet global de création d'un hôtel de grand standing et d'un restaurant gastronomique, répond à une finalité d'intérêt général tenant à l'enrichissement de l'offre commerciale et touristique de la commune et la création d'emplois ; la délibération du 16 décembre 2015 n'avait pas à expliquer ce déclassement puisqu'elle se borne à le confirmer ;
- les autres moyens invoqués par M. F...à l'encontre de la délibération du 16 décembre 2015 ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2017, la société civile immobilière (SCI) l'Augustine, venant aux droits de la SCI Hebert, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er décembre 2016 en tant qu'il a annulé la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2015 ;
2°) de mettre à la charge de M. F...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle indique s'associer aux moyens de la requête et fait valoir que :
- la délibération litigieuse, qui n'a aucunement modifié les conditions de déclassement du jardin, est purement confirmative de celle du 4 février 2015 ;
- la délibération du 16 décembre 2015 ne précisant pas le prix de vente, elle ne peut être regardée comme emportant des conséquences suffisamment importantes sur les ressources communales ; de plus, la commune de Bayeux a perçu un prix de vente et n'a donc pas subi de perte de recettes ; en conséquence, M. F...ne justifie pas, en sa seule qualité de contribuable, d'un intérêt à agir ;
- les conseillers municipaux ont bénéficié d'une information complète ;
- le tribunal s'est mépris sur l'intention de la commune quant à l'utilisation du jardin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, M.F..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Bayeux et de la SCI L'Augustine d'une somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune de Bayeux ne sont pas fondés ;
- la délibération du 16 décembre 2015 méconnaît le principe d'inaliénabilité du domaine public ;
- elle s'écarte largement de l'avis de France Domaine, lequel n'avait au surplus une durée de validité que d'un an, sans faire l'objet d'une motivation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en s'abstenant de solliciter un nouvel avis de France Domaine, le conseil municipal a méconnu les dispositions de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Bayeux.
Une note en délibéré présentée par la commune de Bayeux a été enregistrée le 15 avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bayeux relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 1er décembre 2016 en tant qu'il a annulé la délibération de son conseil municipal du 16 décembre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du dossier de procédure que, devant les premiers juges, M. F...a contesté l'existence d'une finalité d'intérêt général poursuivie par l'opération menée par la commune de Bayeux et consistant à aliéner, en vue de l'édification d'un hôtel de prestige et d'un restaurant gastronomique, les bâtiments situés allée de l'Orangerie ainsi que le jardin et les parcelles cadastrées AL 288 et AL 290, situés à l'arrière, place de Québec. Il a fait valoir que le jardin ci-dessus mentionné était ouvert au public et affecté à la promenade publique et soutenu, notamment dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 30 octobre 2016, que sa fermeture au public, constatée par la délibération litigieuse intervenue la veille de la signature de l'acte de vente définitif, entrait en contradiction avec ce qu'avait décidé le conseil dans sa délibération du 4 février 2015 et que la désaffectation de ce jardin aurait " été imposé[e] par des personnes privées qui n'étaient pas encore propriétaires définitifs ". Ainsi, en se fondant, pour annuler la délibération du 16 décembre 2015, sur le motif, au demeurant surabondant, qu'elle ne poursuivait pas une finalité d'intérêt général, le tribunal ne s'est pas, contrairement à ce que soutient la commune de Bayeux, saisi d'un moyen non invoqué devant lui. Il n'a, par suite, pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans sa délibération du 4 février 2015 décidant notamment le déclassement et la cession du bâtiment situé allée de l'Orangerie, qui accueillait autrefois le tribunal de commerce et le tribunal d'instance, ainsi que de " l'emprise d'environ 1 000 m² (...) située aux abords [de ce] bâtiment ", le conseil municipal de Bayeux a indiqué que les acquéreurs " conserveront les aménagements paysagers sur cette emprise d'environ 1 000 m² qui restera accessible au public ". En revanche, la délibération du 16 décembre 2015 " constate la désaffectation de la parcelle faisant l'objet de la cession par la fermeture de son accès au public ". Cette délibération porte sur un point distinct de ceux ayant fait l'objet de la délibération du 4 février 2015. Ainsi, et alors qu'est sans incidence la circonstance que la délibération du 4 février 2015 ait déclassé le jardin, d'ailleurs de manière illégale faute de désaffectation matérielle préalable, la commune de Bayeux faisant elle-même valoir qu'il n'a été procédé à sa fermeture au public et à la pose d'une clôture qu'en 2016, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 16 décembre 2015, en tant qu'elle concerne le jardin situé aux abords des anciens tribunaux, serait purement confirmative de celle du 4 février 2015.
4. En second lieu, M. F...dont il est constant qu'il réside dans la commune et est usager du domaine public communal justifie à ce titre d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la délibération du 16 décembre 2015 relative à la fermeture au public d'un jardin alors affecté à la promenade publique.
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2015 :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ". Le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil municipal de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
6. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 9 décembre 2015 adressé aux membres du conseil municipal et informant ces derniers de la tenue du conseil municipal du 16 décembre 2015 était accompagné du projet de délibération relatif au " terrain situé aux abords de l'Ancien Tribunal : désaffectation ". Celui-ci n'indique pas les motifs justifiant la fermeture de l'accès du jardin au public alors que le maintien de cet accès était prévu par la précédente délibération du 4 février 2015 autorisant la cession. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que les membres du conseil municipal n'avaient pas, en méconnaissance des exigences de l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, été éclairés, en amont de la séance du conseil municipal du 16 décembre 2015, sur les motifs et les implications de la mesure envisagée et annulé, pour ce motif, la délibération litigieuse.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bayeux n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2015 et mis à sa charge le versement à M. F...de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M.F..., lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent respectivement la commune de Bayeux et la SCI L'Augustine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bayeux le versement à M. F... de la somme de 1000 euros au titre des frais de même nature qu'il a supportés et de rejeter les conclusions de ce dernier tendant à ce que la SCI l'Augustine lui verse une somme au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bayeux est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCI L'Augustine sont rejetées.
Article 3 : La commune de Bayeux versera à M. F...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. F...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bayeux, M. F...et la société civile immobilière l'Augustine.
Une copie sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
M.A...'hirondel, premier conseiller,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00432