Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2016, M.I..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 février 2016 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour 1' autorisant à travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en considérant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. Suquet, secrétaire général de la préfecture, et M.E..., sous-préfet, n'aient pas été absents ou empêchés, le tribunal a procédé à un renversement de la charge de la preuve ; il appartient à l'administration de prouver l'absence des fonctionnaires compétents pour justifier de la légalité formelle de la signature apposée par un fonctionnaire uniquement compétent en cas d'absence ; à défaut, les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;
- il satisfait aux conditions définies par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les pièces administratives et les attestations justifient d'une vie commune avec Mme A...B...depuis le 30 juin 2014 ; or, en vertu de la circulaire N°NOR/INT/D/02/00215/C du 30 octobre 2014, confirmée par la jurisprudence, l'ancienneté de vie commune exigée par l'article L. 313-11(7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est d'une année concernant les étrangers signataires d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français, que ce soit avant ou après la conclusion du PACS ; est indifférente la circonstance qu'il ne justifierait que de 18 mois de présence en France ; sa présence est par ailleurs nécessaire auprès de sa compagne du fait de son état de santé ; il justifie être isolé en cas de retour dans son pays d'origine, alors que son père est décédé et que sa mère et sa soeur résident en Belgique ;
- en considérant que le seul certificat médical produit était insuffisant pour démontrer la nécessité de sa présence auprès de sa compagne, les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement dans la mesure où il méconnaît le témoignage de cette dernière ;
- en considérant qu'il avait " nécessairement conservé des liens dans son pays d'origine ", les premiers juges n'ont pas pris en compte le témoignage de sa soeur, lequel démontre qu'il ne justifie plus d'attaches dans son pays d'origine, son père étant décédé et sa mère résidant en Belgique, ce qui trahit un examen non circonstancié de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, le préfet de la Gironde a conclu au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 août 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.I..., de nationalité camerounaise, est entré sur le territoire français le 30 juin 2014. Il a sollicité le 4 septembre 2015 un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après avoir fait enregistrer le 25 août 2015 un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française. Le préfet de la Gironde a rejeté sa demande le 19 février 2016 et a assorti ce refus de décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant comme pays de renvoi le pays dont il a la nationalité. M. I...relève appel du jugement du 13 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que les premiers juges n'auraient pas apprécié à leur juste valeur certaines des pièces du dossier est seulement susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement rendu et, par suite, est sans incidence sur la régularité de celui-ci. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit donc être écarté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'acte :
3. Mme G...H..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Gironde en date du 28 décembre 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde (recueil n° 115 du 29 décembre 2015), à l'effet de signer notamment les décisions de refus de délivrance de titres de séjour, les décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les décisions de désignation du pays d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, et de M. C... E..., sous-préfet, directeur de cabinet. Il n'est pas établi par M. I..., à qui la charge de la preuve incombe contrairement à ce qu'il soutient, ni ne ressort des pièces du dossier que MM. Suquet et E...n'auraient pas été absents ou empêchés. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). ".
5. Si la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un étranger, soit avec un français soit avec un étranger en situation régulière, n'emporte pas, à elle seule, délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire, la conclusion d'un tel pacte constitue toutefois un élément de la situation personnelle de l'intéressé dont l'autorité administrative doit tenir compte pour apprécier si un refus de délivrance de carte de séjour n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
6. Le requérant fait valoir qu'il a conclu le 25 août 2015 un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, Mme A...B..., avec laquelle il soutient vivre depuis son entrée sur le territoire le 30 juin 2014. Cependant, les deux attestations établies par sa concubine et la fille de cette dernière, ainsi que la carte de délivrance de l'AME de novembre 2014 et la demande de souscription d'un pass jeune en août 2014 mentionnant une adresse commune ne suffisent pas à établir la réalité de la vie commune depuis cette date. Au demeurant, même à la supposer établie à compter du 30 juin 2014, la vie commune présenterait un caractère récent à la date de l'arrêté préfectoral du 19 février 2016, de même que le pacte civil de solidarité conclu six mois avant son édiction. Par ailleurs, M. I...ne démontre pas davantage avoir entretenu une relation avec Mme A...B...antérieurement à son entrée en France, ni avoir pris soin de sa fille au Cameroun comme il le soutient. Si les attestations produites montrent la bonne intégration familiale de l'intéressé et l'aide apportée par ce dernier à sa compagne, le couple n'a pas d'enfant. Si M. I...soutient que sa présence continue auprès de Mme A...B...est rendue nécessaire par la maladie de celle-ci, les pièces produites ne permettent pas de le démontrer. Enfin, s'il n'est pas contesté que la soeur et la mère de M. I...résident en Belgique depuis 2010 et que son père et ses grands-parents sont décédés, lui-même n'est entré en France qu'en juin 2014 après avoir vécu 25 ans au Cameroun. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour de M. I... en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, il ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. M. I...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 30 octobre 2014, laquelle est dépourvue de valeur réglementaire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. I...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par M.I..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-2 et suivants du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. I...au titre des frais non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. I...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I...et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
No 16BX02695