Par une requête n° 1700010, M. Q...E...F...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération n° 2016-54 du 3 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Vieux-Fort a incorporé les parcelles cadastrées section AC n° 159, AC n° 188 et section AD n° 335, considérées comme biens sans maître, dans le domaine communal.
Par une requête n° 1700035, M. Q...E...F...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté n° 2016-037 du 15 novembre 2016, par lequel le maire de Vieux-Fort a constaté l'incorporation des parcelles cadastrées section AC n° 159, n° 188 et section AD n° 335, considérées comme biens sans maître, dans le domaine communal.
Par un jugement n° 1600576 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a seulement partiellement fait droit aux conclusions de la requête de M. Q...E...F...et a annulé l'arrêté du 11 avril 2016 en tant qu'il a constaté que la parcelle cadastrée section AD n° 335 était présumée vacante et sans maître et susceptible de faire l'objet d'un transfert dans le domaine privé de la commune.
Par un jugement n° 1700010, 1700035 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la délibération du conseil municipal de Vieux-Fort n° 2016-54 du 3 novembre 2016 et l'arrêté du maire de Vieux-Fort n° 2016-037 du 15 novembre 2016 en tant qu'ils concernent la parcelle cadastrée section AD n° 335.
Par un jugement n° 1601276 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande présentée par MmeP..., M. M...et M.B....
Procédure devant la cour :
I. - Sous le n° 17BX01063, par une requête enregistrée le 3 avril 2017 et un mémoire enregistré le 11 janvier 2018, la commune de Vieux-Fort, représentée par MeH..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1600576 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 11 avril 2016 ;
2°) de mettre à la charge de M. F...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a irrégulièrement statué sans lui communiquer le mémoire en réplique de M.F..., qui contenait des pièces nouvelles sur lesquelles il s'est appuyé pour annuler l'une des décisions ; le rapporteur public avait d'ailleurs conclu au renvoi de l'affaire ;
- ni le relevé cadastral ni l'avis de taxe foncière pour 2016 produits par M. F...ne permettent d'établir sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335 ; le permis de construire dont il s'était prévalu porte sur la parcelle cadastrée section AD n° 334 ;
- la reconnaissance du droit de propriété ne peut résulter que des mentions d'un titre conservé par le service de la propriété foncière, et ce service a indiqué ne disposer d'aucune publication concernant les parcelles cadastrées section AC n° 129, et n° 188, n° 618 et section AD n° 335 ;
- dans un jugement du 21 décembre 2017 rendu dans une autre instance, le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que c'était à bon droit que le maire de Vieux-Fort avait refusé de tenir compte de la revendication de propriété de M. F...sur la parcelle cadastrée section AD n° 335 dès lors qu'il ne produisait aucun titre de propriété ;
- l'absence du registre des délibérations du conseil municipal est sans incidence sur la légalité de la délibération du 3 novembre 2016, qui a été régulièrement affichée par ailleurs ; au demeurant, la présente requête ne porte pas sur cette délibération.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2017, régularisé le 22 août 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 22 mars 2018, M. E...F..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Vieux-Fort une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- à défaut de délibération du conseil municipal autorisant le maire de la commune de Vieux-Fort à relever appel du jugement attaqué, ce dernier ne démontre pas sa qualité à agir ;
- il établit sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée AD n° 335 dès lors qu'il " s'astreint depuis des années à payer la taxe foncière " afférente, qu'il est désigné comme le propriétaire de celle-ci sur le relevé de propriété établi par le service des impôts et qu'il est propriétaire d'une maison sise sur la parcelle AD n° 334, laquelle présente une superficie de seulement 4 600 mètres carrés alors que l'acte de propriété de ses aïeux en 1862 indique une superficie de 1,5 ha ;
- la délibération du 3 novembre 2016 est inexistante dès lors qu'elle mentionne que les membres du conseil municipal ont signé le registre des délibérations, alors que celui-ci n'existe pas ; l'arrêté n° 2016 - 037 du 15 novembre 2016 pris sur son fondement est par suite privé de base légale.
Par ordonnance du 4 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2018 à 12h00.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2017.
II. - Sous le n° 18BX00146, par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, la commune de Vieux-Fort, représentée par MeH..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1700010, 1700035 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 novembre 2017 en ce qu'il a annulé la délibération du conseil municipal n° 2016-54 du 3 novembre 2016 et l'arrêté municipal n° 2016-037 du 15 novembre 2016 en tant qu'ils concernent la parcelle cadastrée section AD n° 335 ;
2°) de mettre à la charge de M. F...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la circonstance qu'elle n'ait pas pris en considération, dans le délai de 6 mois de la publication de l'arrêté du 11 avril 2016, un courrier adressé par Mme M...revendiquant, au nom de sa famille, la propriété de la parcelle AC n° 159 n'est pas de nature à entacher la délibération du 3 novembre 2016 d'illégalité dès lors que le tribunal administratif de la Guadeloupe avait jugé cette revendication non sérieuse ;
- ni le relevé cadastral ni l'avis de taxe foncière pour 2016 produits par M. F...ne permettent d'établir sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335 ;
- la reconnaissance du droit de propriété ne peut résulter que des mentions d'un titre conservé par le service de la propriété foncière, et ce service a indiqué ne disposer d'aucune publication concernant les parcelles cadastrées section AC n° 129, n° 188, n° 618 et section AD n° 335 ;
- dans un jugement du 21 décembre 2017 rendu dans une autre instance, le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que c'était à bon droit que le maire de Vieux-Fort avait refusé de tenir compte de la revendication de propriété de M. F...sur la parcelle AD n° 335 dès lors qu'il ne produisait aucun titre de propriété ;
- l'absence du registre des délibérations du conseil municipal est sans incidence sur la légalité de la délibération du 3 novembre 2016, qui a été régulièrement affichée par ailleurs ;
- si la procédure d'incorporation de la parcelle cadastrée section AC n° 618 dans le domaine communal n'a pas été poursuivie, c'est parce que, dans le délai de 6 mois de la publication de l'arrêté du 11 avril 2016, M. I...a communiqué à la commune les pièces justificatives de sa qualité de propriétaire de cette parcelle.
Par ordonnance du 18 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2019 à 12h00.
III. - Sous le n° 18BX00844, par une requête enregistrée le 23 février 2018 et un mémoire enregistré le 11 juin 2018, M. C...B..., représenté par la SCP Ezelin-Dione, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601276 du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler la délibération n° 216-54 du 3 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Vieux-Fort a incorporé les parcelles cadastrées section AC n° 159, n° 188 et section AD n° 335, considérées comme biens sans maître, dans le domaine communal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vieux-Fort une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par un autre jugement rendu le 31 janvier 2017 concernant la parcelle cadastrée section " AD n° 235 ", le tribunal a annulé l'arrêté du 11 avril 2016 " en tant qu'il a constaté que la parcelle AD 235 était présumée vacante et sans maître " ; le maire s'est rapproché des personnes qui se sont manifestées et leur a proposé des transactions d'achat des biens immobiliers dont s'agit ; il a profité des difficultés induites par des indivisions ;
- la commune ne justifie pas avoir adressé un courrier au propriétaire de la parcelle cadastrée section AC n° 159 figurant sur le relevé cadastral ;
- les ayant-droits de M. D...ont toujours occupé la parcelle cadastrée section AC n° 159 de manière paisible et publique à titre de propriétaires ;
- il en est de même pour les propriétaires de la parcelle cadastrée section AC n° 618.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2018, et des pièces complémentaires enregistrées le 22 février 2019, la commune de Vieux-Fort, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Terme,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de M. J...N..., maire de la commune de Vieux-Fort.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 avril 2016, le maire de Vieux-Fort a constaté que les parcelles cadastrées section AC n° 159, n° 188, n° 618 et section AD n° 335, situées route de Matouba et route de Dupré, étaient présumées vacantes et sans maître et susceptibles de faire l'objet d'un transfert dans le domaine privé de la commune. Par délibération du 3 novembre 2016, le conseil municipal de Vieux-Fort a décidé l'incorporation des parcelles cadastrées section AC n° 159, n° 188 et section AD n° 335 dans son domaine. Par arrêté du 15 novembre 2016, le maire de Vieux-Fort a constaté l'incorporation de ces parcelles dans le domaine de la commune. Par trois requêtes n° 1600576, n° 1700010 et n° 1700035, M. F...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler respectivement l'arrêté du 11 avril 2016, la délibération du 3 novembre 2016 et l'arrêté du 15 novembre 2016. Par une requête n° 1601276, Mme L...P..., M. B...M...et M. C...B..., tous trois conseillers municipaux, ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du 3 novembre 2016. Sous le n° 17BX01063, la commune de Vieux-Fort relève appel du jugement n° 1600576 du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal a partiellement fait droit aux conclusions de M. F...et annulé l'arrêté du 11 avril 2016 en tant qu'il a constaté que la parcelle cadastrée section AD n° 335 était présumée vacante et sans maître. Sous le n° 18BX00146, la commune de Vieux-Fort relève appel du jugement n° 1700010, 1700035 du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal a annulé la délibération du 3 novembre 2016 et l'arrêté du 15 novembre 2016, en tant qu'ils concernent la parcelle cadastrée section AD n° 335, en conséquence de l'annulation partielle de l'arrêté du 11 avril 2016. Sous le n° 18BX00844 M. C...B...relève appel du jugement n° 1601276 du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 3 novembre 2016.
Sur la requête n° 17BX01063 :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :
2. Un conseil municipal peut à tout moment régulariser, s'il en décide ainsi, une requête en justice que le maire a introduite, sans y être habilité, au nom de la commune. La commune de Vieux-Fort a transmis à la cour, le 22 février 2019, une délibération de son conseil municipal du 12 avril 2018 autorisant le maire à faire appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 1600576 du 31 janvier 2017. Dès lors, la fin de non-recevoir invoquée dans cette instance par M.F..., tirée du défaut de qualité du maire de Vieux-Fort pour présenter la requête, doit être rejetée.
En ce qui concerne la régularité du jugement n° 1600576 :
3. Il ressort de l'historique du dossier dans l'application Sagace que M. F...a produit le 19 janvier 2017 un mémoire assorti de pièces, qui a été communiqué à la commune le jour même et dont elle a pris connaissance le 20 janvier, alors que l'audience était convoquée pour le 26 janvier 2017 et que la clôture automatique de l'instruction intervenait le 23 janvier à minuit. Le tribunal s'est néanmoins fondé sur ces pièces pour reconnaître M. F...propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335. Par suite, compte tenu du bref délai qui lui a été laissé pour répliquer à cette production, la commune est fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu. Le jugement doit donc être annulé en tant qu'il porte sur la déclaration de présomption de bien sans maître concernant la parcelle cadastrée section AD n° 335, et il y a lieu de statuer sur la contestation de cette partie de la décision par la voie de l'évocation.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de M. F...en tant qu'elle concerne la parcelle cadastrée section AD n° 335 :
4. Pour contester l'arrêté du 11 avril 2016 en tant qu'il concerne la parcelle cadastrée section AD n° 335, M. F...se prévaut, dans le dernier état de ses écritures, de sa qualité de propriétaire de celle-ci, et produit d'ailleurs à cet effet différentes pièces, notamment une retranscription d'un acte de vente, ainsi qu'un avis de taxe foncière dont il affirme qu'il concerne cette parcelle. Il justifie par suite d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de cet arrêté en tant qu'il concerne cette parcelle.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 11 avril 2016 en tant qu'il porte sur la parcelle cadastrée section AD n° 335 :
5. Aux termes de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : (...) 2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription (...) ". Aux termes de l'article L. 1123-3 du même code : " L'acquisition des immeubles mentionnés au 2° de l'article L. 1123-1 est opérée selon les modalités suivantes. / Un arrêté du maire (...) constate que l'immeuble satisfait aux conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1123-1. Il est procédé par les soins du maire (...) à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Une notification est également adressée, si l'immeuble est habité ou exploité, à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui aurait acquitté les taxes foncières. Cet arrêté est, dans tous les cas, notifié au représentant de l'Etat dans le département. / (...) Dans le cas où un propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité mentionnées au deuxième alinéa, l'immeuble est présumé sans maître. La commune (...) peut, par délibération de son organe délibérant, l'incorporer dans son domaine. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (...) ".
6. Pour justifier de sa qualité de propriétaire, M. F...produit une transcription d'un acte de vente passé entre M. A...F...et Mme O...datant de 1862 et concernant un terrain d'une contenance d'un hectare 50 ares, un extrait de la matrice cadastrale établi le 5 janvier 2016 qui le désigne comme propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335, ainsi qu'un avis de taxe foncière pour 2016 pour un bien dont l'adresse semble correspondre à celle de cette parcelle dans le relevé cadastral. Il soutient également qu'il est propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 334, sur laquelle sa maison est édifiée, et que dès lors qu'il est ayant droit de M. A...F...et que la parcelle cadastrée section AD n° 334 a une contenance de seulement 4 600 mètres carrés, alors que celle mentionnée dans l'acte de vente de 1862 a une superficie de 1 hectare 50 ares, le relevé cadastral est erroné et il faut nécessairement considérer qu'il est également propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335.
7. Toutefois, un extrait de matrice cadastrale, s'il peut constituer un indice de la propriété d'un bien, ne constitue pas à lui seul une preuve de celle-ci. Au demeurant, la commune de Vieux-Fort produit un autre extrait de la matrice cadastrale, daté du 31 janvier 2017, et indiquant cette fois que l'Etat est propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335. Quant à l'avis de taxe foncière produit par M.F..., pour la seule année 2016, il le désigne seulement comme débiteur légal de la taxe, mais indique que le propriétaire de la parcelle en cause a un numéro différent du sien. S'agissant de la retranscription de l'acte de vente de 1862, ce document ne permet d'identifier ni le vendeur ni la parcelle concernée par la transaction, et M. F...n'établit pas avoir de lien de parenté avec M. A...F..., dont le nom y est mentionné en qualité d'acquéreur, ni que le bien en cause n'aurait pas entre-temps été vendu. Par ailleurs, la seule circonstance que la parcelle cadastrée section AD n° 334, sur laquelle la maison de M. F...serait édifiée, a une contenance de seulement 4 600 mètres carrés, alors que cet acte notarié mentionne un terrain d'une superficie de 1 hectare 50 ares ne saurait suffire à établir que M. F...est propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335, dont il n'est d'ailleurs pas contesté que la superficie est inférieure à 1 hectare 4 ares. Enfin, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'avant de soutenir qu'il était propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335, M.F..., qui d'ailleurs n'allègue pas avoir saisi la juridiction judiciaire d'une action tendant à faire reconnaître son droit, a d'abord indiqué qu'elle appartenait " aux ayants droits de feu O...François Thomas Télesphore en vertu d'un acte sous signature privé publié à la conservation des hypothèques de Basse-Terre le 1er décembre 1894 ". Par suite, la commune de Vieux-Fort est fondée à soutenir que M. F...ne fournit aucun élément sérieux de nature à faire envisager sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335, justifiant qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire.
9. En deuxième lieu, M. F...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 8 mars 2006 relative aux modalités d'application de l'article 147 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui ne présentent pas de caractère réglementaire.
10. En troisième lieu, si M. F...soutient dans sa requête introductive d'instance que la parcelle cadastrée section AD n° 335 appartient " aux ayants droits de feu O...François Thomas Télesphore en vertu d'un acte sous signature privé publié à la conservation des hypothèques de Basse-Terre le 1er décembre 1894 ", il produit seulement pour l'établir un document difficilement lisible présenté comme la retranscription d'un document daté de 1864, lequel ne permet pas d'identifier la parcelle à laquelle il se rapporte.
11. En quatrième lieu, la délibération du conseil municipal de Vieux-Fort du 3 novembre 2016 ne constitue pas la base légale de l'arrêté du 11 avril 2016. M. F...ne peut donc utilement se prévaloir de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre celui-ci.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 11 avril 2016 est entaché d'illégalité en ce qu'il déclare la parcelle cadastrée section AD n° 335 présumée vacante et sans maître.
Sur la requête n° 18BX00146 :
13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Vieux-Fort est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1700010,1700035, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la délibération du conseil municipal de Vieux-Fort du 3 novembre 2016 et l'arrêté du maire de Vieux-Fort du 15 novembre 2016 en tant qu'ils concernent la parcelle cadastrée section AD n° 335 par voie de conséquence de l'annulation partielle de l'arrêté du 11 avril 2016.
14. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
En ce qui concerne la délibération du 3 novembre 2016 :
15. M. F...soutient que le conseil municipal de Vieux-Fort ne pouvait régulièrement incorporer la parcelle cadastrée section AD n° 335 dans le domaine communal dès lors que, par courrier daté du 1er octobre 2016 et reçu le 19 octobre suivant, il avait fait connaître au maire sa qualité de propriétaire de celle-ci par la transmission de la retranscription de l'acte de vente de 1862 mentionné au point 6. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce document était à lui seul insuffisant à établir cette qualité, ou même l'existence d'une revendication présentant un caractère sérieux. Par suite, le moyen tiré de ce que le conseil municipal de Vieux-Fort ne pouvait régulièrement incorporer la parcelle cadastrée section AD n° 335 dans le domaine communal au regard de la contestation émise par M. F...doit être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté du 15 novembre 2016 :
16. M. F...soutient que la délibération du 3 novembre 2016 est inexistante, dès lors que le document qui la retrace se présente comme un extrait du registre des délibérations alors qu'un tel registre n'existe pas à Vieux-Fort. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature en elle-même à établir que cette délibération serait inexistante, et par ailleurs le défaut de transcription d'une délibération n'est pas non plus de nature à l'entacher d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 15 novembre 2016 serait privé de base légale doit être écarté.
17. Les dispositions citées au point 5 ont pour objet d'organiser une procédure d'enquête et de publicité préalable à l'incorporation dans le domaine communal des biens concernés afin de permettre au propriétaire, s'il existe, de se faire connaître. Par suite, la circonstance que la parcelle cadastrée section AD n° 618 ne soit pas mentionnée par l'arrêté du 15 novembre 2016 alors qu'elle était au nombre de celles mentionnées par l'arrêté du 11 avril 2016 ne permet pas de regarder l'arrêté du 15 novembre 2016 comme entaché de détournement de pouvoir ou d'une méconnaissance du principe d'égalité, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que son propriétaire s'est manifesté dans le délai de six mois prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques précité, et qu'elle n'était pas au nombre de celles dont le conseil municipal a décidé l'incorporation au domaine communal par sa délibération du 3 novembre 2016.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vieux-Fort est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la délibération du 3 novembre 2016 et l'arrêté du 15 novembre 2016 en tant qu'ils concernent la parcelle n° AD 335. La commune est fondée, par suite, à demander la réformation de ce jugement dans cette mesure, ainsi que le rejet, dans cette même mesure, des conclusions de première instance de M. F... tendant à leur annulation.
Sur la requête n° 18BX00844 :
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 et 15 que le moyen tiré de ce que la délibération du 3 novembre 2016 serait illégale au motif que M. F...serait propriétaire de la parcelle cadastrée section AD n° 335 doit être écarté.
20. Il résulte des mentions de la délibération du 3 novembre 2016 qu'elle ne concerne pas la parcelle cadastrée section AC n° 618. Le moyen tiré de ce que son propriétaire l'occuperait doit donc être écarté comme inopérant.
21. Pour soutenir que la parcelle cadastrée section AC n° 159 ne pouvait non plus faire l'objet d'une incorporation, M. B...produit un relevé cadastral indiquant que M. K...D...en était propriétaire et soutient qu'une revendication avait été formée auprès du maire avant la date de la délibération litigieuse par un courrier du 27 octobre 2016 émanant de Mme M.... Il produit également, pour la première fois en appel, différents avis d'impôts datant de 1961, 1962, 1963, 1972 et 1975 établis au nom de Sylvain D...et Delannon Saint-Just ou M...Saint-Just. Toutefois, la parcelle concernée par ces avis d'impôts n'est pas identifiable, et aucun élément du dossier ne permet d'établir un lien entre les prétentions de Mme M... et les pièces produites, au demeurant remontant à plus de trois années. En outre, il ressort également des pièces du dossier que, sollicité par la commune avant de poursuivre la procédure, l'établissement public foncier de la Guadeloupe a indiqué qu'après recherches " il n'y a pas de concordance entre la parcelle AC 159 et les titres retrouvés " de M. K...D.... Par suite, alors en outre que le seul élément produit qui soit antérieur à la délibération contestée était le courrier du 27 octobre 2016 qui n'était assorti d'aucune pièce justificative, le moyen tiré de ce que la délibération serait illégale doit être écarté.
22. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'adresse d'héritiers de M. D...serait connue. Par suite, la circonstance que la commune n'ait pas adressé, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques, une " notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu ", ne peut être utilement invoquée.
23. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
24. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vieux-Fort les sommes que M. F...et M. B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune à ce titre, et de rejeter, dans les circonstances particulières de l'espèce, la demande de la commune dirigée contre M.F....
DECIDE :
Article 1er : La requête n°18BX0844 de M. B...est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1600576 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 3 : Les conclusions de M. F...présentées devant le tribunal administratif de la Guadeloupe sous le n° 1600576 tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2016 en tant qu'il concerne la parcelle cadastrée section AD n° 335 sont rejetées.
Article 4 : L'article 2 du jugement n° 1700010, 1700035 du 23 novembre 2017 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 5 : Les conclusions de M. F...présentées devant le tribunal administratif de la Guadeloupe sous les n° 1700010 et 1700035 tendant à l'annulation de la délibération du 3 novembre 2016 et de l'arrêté du 15 novembre 2016 en tant qu'elle concerne la parcelle cadastrée section AD n° 335 sont rejetées.
Article 6 : M. B...versera à la commune de Vieux-Fort une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. Q...E...F..., à M. C...B...et à la commune de Vieux-Fort.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
David TERMELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 17BX01063, 18BX00146, 18BX00844