Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2017, la société Bilski, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer les articles 2, 3 et 4 du jugement du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter les prétentions de la commune de Valence d'Albigeois concernant les pénalités de retard dues pour les lots nos 2 et 3 ou, à tout le moins, de réduire ces pénalités à la somme de 3 340 euros ;
3°) de condamner la commune de Valence d'Albigeois à lui verser la somme de 21 353,47 euros au titre du solde du marché, assortie des intérêts au taux conventionnel à compter de l'émission du décompte général et définitif ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Valence d'Albigeois la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- aucune des entreprises concernées par le marché n'a respecté le délai prévisionnel des travaux ; ainsi, le lot plâtrerie a été réalisé en 28 semaines au lieu de 11, le lot isolation extérieures en 39 semaines au lieu de 8, le lot électricité en 40 semaines au lieu de 16, le lot chauffage-ventilation en 30 semaines au lieu de 16, et le lot peinture en 16 semaines au lieu de 5 ; elle ne saurait donc être redevable des pénalités pour l'ensemble des retards du chantier ;
- le décompte général et définitif du 27 septembre 2013 avec certificat de paiement ne mentionne aucune pénalité de retard à sa charge ;
- des réserves ont été rajoutées a posteriori au procès-verbal de levée des réserves ; il ne saurait résulter de ce document falsifié l'application de pénalités de retard ;
- le groupe scolaire a été réceptionné dans des délais permettant la rentrée des classes de septembre 2013 dans des conditions normales ;
- le taux de pénalités pratiqué est excessif ; si le cahier des clauses administratives particulières fixe le montant de l'indemnité journalière à 1/200ème du montant du marché, il s'agit d'une erreur matérielle ;
- le pourcentage de 6 % du marché pour 12 jours de retard qui a été appliqué par le maître d'ouvrage est manifestement excessif ; dans le cas de pénalités applicables à une petite entreprise, le taux ne peut excéder 1/3000ème, conformément au cahier des clauses administratives générales ;
- aucun différend n'est intervenu entre les parties sur le décompte général et définitif, qui ne mentionnait aucune pénalité de retard ; ainsi, il n'appartenait pas à la société Bilski d'adresser une réclamation préalable à la commune en application de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales ;
- sa créance n'est pas contestée dans son montant.
Par un mémoire enregistré le 29 juin 2018, la commune de Valence d'Albigeois conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Bilski en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société requérante ne démontre pas n'être à l'origine d'aucun retard ; le maître d'ouvrage a clairement manifesté par les pièces du marché sa volonté de déroger aux stipulations de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales ; en signant ce marché la société Bilski s'est contractuellement engagée ; les pénalités s'appliquent au titulaire du marché, sans que celui-ci puisse utilement invoquer les carences des autres intervenants ; la seule finalisation des lots 2 et 3 conditionnait la réalisation des autres lots, et non l'inverse ;
- il résulte des comptes-rendus de chantier que la société Bilski a pris un retard considérable dans l'exécution des lots 2 et 3, qui lui est entièrement imputable ;
- par mansuétude, la commune a accepté de rabattre les pénalités à 6 % du montant du marché, correspondant à un retard de 12 jours alors que la société avait 29 jours de retard ; un tel taux n'est pas excessif ;
- aucun décompte général n'est devenu définitif en l'espèce ; en pareil cas, la mise en demeure est une formalité indispensable avant de saisir le juge ; le fait pour le maître d'ouvrage de ne pas notifier le décompte général dans les délais prévus ne vaut pas acceptation tacite du projet de décompte final ; les prétentions de la société relatives au solde du marché sont donc irrecevables.
Par ordonnance du 7 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
-le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Valence d'Albigeois a décidé en 2011 la construction d'un nouveau groupe scolaire de huit classes. Par un acte d'engagement du 20 janvier 2012, les lots n° 2 " Gros oeuvre " et n° 3 " Charpente / Couverture " ont été confiés à la société Bilski. Les travaux ont été réceptionnés le 2 septembre 2013. Le 13 août 2013, la trésorerie de Valence d'Albigeois émettait à l'encontre de la société Bilski un titre exécutoire pour avoir recouvrement de la somme de 51 600 euros, correspondant à des pénalités pour retard dans l'exécution du chantier. La société, qui estime ne pas être redevable de telles pénalités, relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, s'il a annulé le titre exécutoire du 13 août 2013 et l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 51 600 euros portée sur ce titre, l'a néanmoins condamnée à verser à la commune de Valence d'Albigeois la somme de 30 246,53 euros en paiement de pénalités de retard dues au titre de l'exécution des lots nos 2 et 3. Elle relève également appel de ce même jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 21 353,47 euros au titre du solde du lot n° 2.
Sur le solde du lot n° 2 :
2. Aux termes de l'article 13.3.2 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de travaux (CCAG), applicable au marché : " Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre (...). ". Aux termes de l'article 13.4.2 du même CCAG : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général (...). / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, (...), le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. / (...). ". Aux termes de l'article 50.1.1 du même CCAG : " Si un différend survient (...) entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. ".
3. Il résulte des dispositions qui précèdent qu'en l'absence de notification du décompte général signé par le maître d'ouvrage au titulaire du marché, ce qui est le cas en l'espèce, ce dernier, en cas de différend, ne peut saisir le juge du contrat sans avoir préalablement mis en demeure le maître d'ouvrage de procéder à cette notification. Contrairement à ce que soutient la société Bilski, dès lors qu'elle n'a pas adressé une telle mise en demeure à la commune de Valence d'Albigeois avant de saisir le tribunal d'une demande de condamnation de celle-ci à lui verser une indemnité de 21 353,47 euros au titre du solde du lot n° 2, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur les pénalités de retard :
4. Aux termes de l'article 4.1.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable aux marchés en cause : " Calendrier prévisionnel d'exécution. / Le délai d'exécution de l'ensemble des lots est fixé à l'article 3 de l'acte d'engagement. / (...). / Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier prévisionnel d'exécution qui sera joint en annexe de ce présent CCAP. / L'ordre de service prescrivant à l'entrepreneur titulaire du lot n° 1 de commencer l'exécution des travaux lui incombant est porté à la connaissance des entreprises chargées des autres lots. / Le délai court à partir de la date de notification de l'ordre de service adressé au titulaire du lot commençant le premier l'exécution des travaux. ". Aux termes de l'article 4.1.2 du même CCAP : " Calendrier détaillé d'exécution. / (...). / Le délai propre à chacun des lots commencent à la date d'effet de l'ordre de service prescrivant à l'entrepreneur concerné de commencer l'exécution des travaux lui incombant. / (...). ". Aux termes de l'article 4.3.1 du même CCAP : " Pénalités pour retard sur le délai d'exécution propre au lot concerné. / Par dérogation aux stipulations de l'article 20.1 du CCAG, l'entrepreneur subira par jour calendaire de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité égale à 1/200ème du montant global du marché. / Ces dispositions s'appliquent aux délais intermédiaires définis dans le cahier d'exécution contractuel. ". Aux termes de l'article 20.1.1 du CCAG-Travaux, applicable en l'espèce : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. ". Aux termes de l'article 3 des actes d'engagements du 12 janvier 2012 relatifs aux marchés en cause : " Le délai d'exécution de l'ensemble des lots est de 11 mois. / Le délai court à partir de la date de notification de l'ordre de service adressé au titulaire du lot commençant le premier l'exécution des travaux. / Une copie de cet ordre de service est portée à la connaissance des entreprises chargées des autres lots. / Le délai d'exécution propre au lot pour lequel je m'engage sera déterminé dan les conditions stipulées au CCAP. ".
5. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus de chantier nos 39 et 49 établis les 4 décembre 2012 et 11 mars 2013, qu'alors que le calendrier prévisionnel des travaux annexé au CCAP prévoyait une exécution des travaux du lot n° 2 dans le délai de 20 semaines et de ceux du lot n° 3 dans le délai de 8 semaines, ils ont été exécutés en définitive avec des retards de respectivement 60 et 90 jours calendaires. La société Bilski ayant, par un courrier du 25 mars 2013, fait valoir que les retards s'expliquaient notamment par des intempéries, par le délai de validation des plans de charpente par le bureau de contrôle et par un dommage causé par un véhicule de chantier d'une entreprise tierce, la commune a tenu compte de ces explications et a admis, dans un premier temps, de ne retenir en conséquence que 29 jours de retard pour chacun des deux lots. Dans un second temps, afin de ne pas infliger au constructeur un montant de pénalité excessif, la commune a finalement retenu des pénalités représentatives de 12 jours de retard pour chaque lot, correspondant à des montants de 37 500 euros pour le lot n° 2 et de 14 100 euros pour le lot n° 3, représentant 6 % du montant des marchés en cause.
6. Devant la cour, la société Bilski fait valoir que les lots plâtrerie, isolation extérieure, électricité, chauffage-ventilation et peinture ont également connu des retards, mais elle n'établit pas que ces retards seraient à l'origine de ceux des lots nos 2 et 3 dont elle avait la charge alors qu'au contraire, ainsi que l'indique la commune de Valence d'Albigeois sans être sérieusement contredite, c'est la finalisation de ces derniers qui conditionnaient la réalisation des autres lots. Pour le surplus, la société qui, en signant l'acte du 20 janvier 2012, s'est engagée contractuellement à l'application de l'ensemble des stipulations précitées, ne saurait se prévaloir utilement, pour échapper à cette application, des circonstances que des réserves auraient été ajoutées a posteriori au procès-verbal du 2 septembre 2013, que le projet de décompte général du 27 septembre 2013 et le certificat de paiement ne mentionnaient pas de pénalités de retard à sa charge, ou encore que le groupe scolaire a été réceptionné dans des délais permettant la rentrée des classes de septembre 2013 dans des conditions normales.
7. Enfin, il ne résulte nullement de l'instruction que la fixation du taux des pénalités à 1/200ème du montant du marché par l'article 4.3.1 du CCAP résulterait d'une erreur matérielle, ainsi que le soutient la société requérante, et s'il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer les pénalités de retard résultant du contrat dans le cas où elles atteignent un montant manifestement excessif eu égard au montant du marché, tel n'est pas le cas en l'espèce, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, compte tenu des modérations accordées spontanément par le maître d'ouvrage qui, comme il a été dit plus haut, ont ramené le taux appliqué à 6 % du montant du marché.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Bilski n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. La commune de Valence d'Albigeois n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Bilski tendant à qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser à la commune sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Bilski est rejetée.
Article 2 : La société Bilski versera à la commune de Valence d'Albigeois la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bilski et à la commune de Valence d'Albigeois.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01734