Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2017 et des mémoires enregistrés les 8 février et 4 mars 2019, la société Edifico, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 mai 2017 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions maintenues à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'abandon de créance à hauteur de 387 423 euros, correspondant à des honoraires d'assistance administrative, consenti en 2006 à sa filiale à 99 %, la société Atlas, s'inscrit dans une gestion normale : cette société assurait la promotion de ses programmes immobiliers et lui a permis de réaliser des bénéfices très supérieurs à l'abandon de créance consenti ; à défaut de cet abandon, la société Atlas aurait vu sa solvabilité remise en cause, ses capitaux propres devenant inférieurs à la moitié du capital social et la procédure de l'article L. 223-42 devant alors être mise en oeuvre ; enfin, cet abandon revêt un caractère commercial car elle avait un intérêt commercial à soutenir sa filiale, qui lui versait, non pas des dividendes, mais une part substantielle des honoraires constituant son chiffre d'affaires ;
- les titres de la SNC Les Intendants cédés en 2006 ne peuvent être évalués au montant retenu par l'administration : d'une part, l'administration ne peut, sans contradiction, refuser d'appliquer un abattement de 20 % pour tenir compte de l'occupation des locaux sis à Ax-Les-Thermes et à Paris-Breteuil et, en même temps, appliquer ce même abattement pour les autres locaux, également occupés ; d'autre part, s'agissant de l'immeuble situé à Bordeaux, l'administration n'a pu valablement évaluer les trois locaux commerciaux en retenant, comme termes de comparaison, des ventes de locaux d'habitation ; à titre subsidiaire, à supposer que l'évaluation de l'administration soit retenue, le profit en résultant doit être imposé au taux réduit des plus-values à long terme, soit 8 % ;
- c'est à tort que l'administration, et le tribunal administratif à sa suite, ont estimé qu'elle avait commis un acte anormal de gestion en renonçant à percevoir des intérêts sur la créance qu'elle détenait en compte courant sur la SNC les Intendants ; sauf à remettre en cause, sur le fondement de l'abus de droit, l'accord conclu entre elle et les cessionnaires, la non-perception des intérêts a fait partie de la transaction et elle ne peut être regardée comme ayant pris la décision de s'appauvrir ;
- les pénalités ne sont pas justifiées, eu égard à l'absence de bien-fondé des rappels.
Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2017 et 27 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'abandon de créance à hauteur de 387 423 euros au profit de la société Atlas est un acte anormal de gestion : la société requérante ne démontre pas que la société Atlas, qui n'avait qu'une activité de gestion locative, était l'un de ses principaux supports de communication alors qu'elle était liée à cet effet avec la société Omnium, et ne fait état pour la période en litige que de quelques transactions, pour lesquelles, de plus, la société était rémunérée par des commissions ; la situation nette comptable de la société n'était pas négative à la clôture de l'exercice 2006 ;
- la cession en 2006 des parts de la SNC Les Intendants a été réalisée à un prix minoré, ce qui constitue un acte anormal de gestion ; la valeur finalement retenue, conformément à l'avis de la commission départementale, n'est pas valablement contestée : la valeur déclarée des immeubles situés à Ax-Les-Thermes et à Paris-Breteuil n'ayant pas été remise en cause par le service, il n'y a pas lieu d'appliquer la décote de 20 % sollicitée ; les cessions dont fait état la société requérante ne sont pas de nature, eu égard à leurs dates, à remettre en cause l'évaluation retenue pour les locaux commerciaux ; s'agissant d'une cession à prix minoré constituant une libéralité, c'est le taux de l'impôt sur les sociétés qui trouve à s'appliquer ;
- la renonciation aux intérêts sur les avances consenties à la SNC Les Intendants ne présentait pour la société aucun intérêt.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a purement et simplement confirmé ses précédentes écritures.
Par ordonnance du 5 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mars 2019 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Edifico.
Considérant ce qui suit :
1. La société Edifico, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie, notamment, à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006 et 2007. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge de ces impositions.
2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
Sur l'abandon de créances au profit de la société Atlas :
3. La société Atlas, qui exerçait une activité de gestion d'immeubles, était, en 2006, avant d'être vendue en 2007, la filiale à 99 % de la société Edifico. Celle-ci lui facturait des frais de gestion administrative, juridique et comptable. Le 31 décembre 2006, elle a émis à ce titre une facture de 387 422,59 euros et, le même jour, elle a émis au profit de la société Atlas une facture d'avoir de même montant.
4. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créance consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
5. La société Edifico fait valoir que l'intérêt qu'elle avait à consentir l'abandon de créance litigieux à la société Atlas présente un caractère commercial et non financier dans la mesure où son chiffre d'affaires est entièrement constitué des honoraires qu'elle facture à ses diverses filiales et que ceux facturés à la société Atlas représentaient environ 20 % du total de ces honoraires. Elle invoque l'importance du rôle que jouait la société Atlas dans la commercialisation de ses programmes immobiliers et la situation financière difficile dans laquelle se trouvait cette société à la clôture de l'exercice 2006.
6. Toutefois, alors qu'il apparaît que la commercialisation des programmes immobiliers de la société Edifico était essentiellement assurée par la société Omnium avec laquelle elle était contractuellement liée à cet effet, la société requérante n'apporte, à l'effet de démontrer l'implication de la société Atlas dans cette commercialisation, que quelques éléments épars datant pour la plupart d'exercices antérieurs aux exercices en litige qui ne sont pas de nature à établir l'importance de cette implication à la date de l'abandon de créance litigieux. Par ailleurs, la situation financière de la société Atlas se caractérisait, à la clôture de l'exercice litigieux, par un résultat non déficitaire bien que faiblement bénéficiaire et, avant prise en compte de l'abandon de créance, par une situation nette comptable positive. S'il est exact que, comme le relève la société Edifico, ses capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social et que, en l'absence de l'abandon de créance, la procédure prévue à l'article L. 223-42 du code du commerce aurait dû normalement être mise en oeuvre, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à justifier l'importance de l'avantage consenti à la filiale au regard de la contrepartie commerciale invoquée. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que l'abandon de créance litigieux ne relève pas d'une gestion commerciale normale.
Sur le prix de cession des parts de la SNC Les Intendants :
7. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
8. La société Edifico a cédé le 12 septembre 2006, pour un prix de 99 900 euros, les 999 parts de la SNC Les Intendants qu'elle détenait sur les 1 000 composant le capital social de cette société. Le vérificateur a estimé que ce prix était inférieur à la valeur réelle de ces titres à la date de la cession. Recourant à la méthode de la valeur mathématique ou valeur patrimoniale, et l'actif de la SNC étant exclusivement composé d'immeubles, il a recherché des ventes d'immeubles contemporaines de la cession pour des locaux similaires et a retenu, pour les locaux situés rue des Moines à Paris et les locaux situés dans le quartier des Chartrons à Bordeaux, une valeur supérieure à celle déterminée par la société. Après avis de la commission départementale des impôts, la valeur retenue par le service pour fixer la minoration du prix de cession a été réduite pour s'établir à 779 760 euros en ce qui concerne les immeubles situés à Bordeaux, soit une minoration de 130 672 euros, et à 375 608 euros pour les immeubles situés rue des Moines à Paris, soit une minoration de 83 030 euros.
9. La société Edifico ne conteste pas que la méthode de valeur patrimoniale est adaptée pour évaluer la valeur des immeubles et donc des titres de la SNC à la date de la cession litigieuse.
10. En premier lieu, si elle fait valoir que l'administration ne peut, sans incohérence, appliquer un abattement de 20 % pour tenir compte de l'occupation des locaux d'habitation situés à Bordeaux et rue des Moines à Paris sans appliquer le même abattement pour les locaux, également occupés, situés à Ax-Les-Thermes et place de Breteuil à Paris, le service n'a pas remis en cause la valeur de ces derniers locaux telle que l'avait estimée la société, valeur qui était censée tenir compte de leur occupation à la date de la cession.
11. En deuxième lieu, si la société requérante fait valoir que les locaux commerciaux situés à Bordeaux n'ont pas pu être valablement évalués par comparaison avec des locaux d'habitation, il résulte du tableau figurant dans la proposition de rectification que ces locaux commerciaux ont été acquis le 22 juillet 1992 dans le même immeuble pour un prix au m² identique à celui des locaux d'habitation. En outre, le service a appliqué sur la valeur de ces locaux commerciaux telle que déterminée à partir des éléments de comparaison l'abattement de 20 % normalement réservé aux seuls locaux d'habitation. Enfin, la valeur au m² indiqué par la société pour la vente d'un local commercial réalisée en 2004 ne peut être regardée comme pertinente dès lors que cette vente est antérieure de plus de deux ans à la cession en litige et qu'elle fait apparaître un prix au m² très nettement inférieur à celui payé en 1992 pour les locaux litigieux. Dans ces conditions, la valeur retenue par le service pour ces locaux commerciaux n'apparaît pas comme surévaluée.
12. En troisième lieu, la cession à prix minoré, par une entreprise, d'un élément de son actif peut conduire, lorsqu'elle ne relève pas d'une gestion normale pour l'application des articles 38 et 209 du code général des impôts ou constitue un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du même code, à un rehaussement, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, du bénéfice de la société cédante, imposable dans les conditions de droit commun prévues par ces dispositions. Elle ne peut en revanche, dès lors qu'elle constitue une libéralité, être imposée selon les régimes particuliers applicables aux plus-values professionnelles. Dès lors qu'en l'espèce, la minoration de prix est établie à hauteur du montant finalement retenu par l'administration et que la société n'invoque aucune contrepartie à l'avantage ainsi consenti aux acquéreurs de la SNC Les Intendants, le rehaussement résultant de cet acte anormal de gestion doit être soumis au taux normal de l'impôt sur les sociétés.
Sur la renonciation à percevoir des intérêts sur les sommes avancées à la SNC Les Intendants :
13. La société Edifico, qui a avancé des fonds à la SNC Les Intendants, n'a pas facturé à cette société des intérêts à raison du solde de ses avances en compte courant s'élevant à 432 220 euros du 30 septembre 2006 au 31 décembre 2007. Estimant que la société avait ainsi renoncé sans contrepartie au versement de ces intérêts, l'administration a procédé à des rehaussements de ses bases d'imposition de 4 840 euros pour 2006 et 23 383 euros pour 2007.
14. La société Edifico produit une convention datée du 8 septembre 2006, passée, d'une part, entre elle-même, détentrice de 999 parts de la SNC Les Intendants, et la société SFIP, détentrice d'1 part de cette dernière société, et, d'autre part, la société Sogil et la SCI Les Intendants. Cette convention, préalable à la cession des titres de la SNC qui aura lieu le 12 septembre 2006, précise que le solde du compte courant de la société Edifico dans les écritures de la SNC s'élève à 1 522 220,15 euros. Elle stipule qu'il est convenu que les futurs associés de la SNC s'engagent, dès la cession de parts ratifiée et le prêt du Crédit agricole débloqué, à rembourser une somme de 1 090 000 euros, que le solde du compte courant de la société Edifico, soit 432 220,15 euros sera remboursé en fonction des capacités financières de la SNC, que cette créance ne sera pas rémunérée pendant une période de 39 mois, soit jusqu'au 31 décembre 2009, et qu'à compter du 1er janvier 2010 le taux de rémunération sera égal à 75 % du taux Euribor 3 mois.
15. Il résulte des mentions de cette convention, dont le caractère fictif n'est pas invoqué par l'administration, que l'absence de rémunération jusqu'à la fin de l'année 2009 du solde des avances en compte courant de la société Edifico au profit de la SNC Les Intendants faisait partie des éléments de la négociation entre les parties, la société Edifico pouvant trouver son compte dans cet arrangement lui permettant d'obtenir le remboursement immédiat de la somme de 1 090 000 euros représentant plus de 70 % des sommes investies par elle dans la SNC juste avant la convention. Dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'en consentant, dans le cadre de cette négociation, l'absence de rémunération de la somme de 432 220,15 euros jusqu'au 31 décembre 2009, la société Edifico ait pris la décision de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Dès lors, la société requérante est fondée à demander la décharge des impositions résultant de ces rehaussements.
Sur les pénalités :
16. Pour demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont les impositions contestées ont été assorties, la société Edifico fait valoir que les manquements à l'origine des rehaussements, à les supposer établis, ne sont pas délibérés. Toutefois, dès lors que les rehaussements maintenus par le présent arrêt correspondent à des décisions de la société de s'appauvrir sans contrepartie, c'est à juste titre que l'administration a estimé qu'ils constituaient des manquements délibérés.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Edifico est seulement fondée à demander la décharge des impositions contestées à hauteur d'une réduction, en base, de 4 840 euros pour l'exercice clos en 2006 et de 23 383 euros pour l'exercice clos en 2007, ainsi que des pénalités correspondantes, et la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué.
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme demandée par la société Edifico au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la société Edifico la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés litigieux à hauteur d'une réduction, en base, de 4 840 euros pour l'exercice clos en 2006 et de 23 383 euros pour l'exercice clos en 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement n° 1305220 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Edifico est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Edifico et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02200