Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 22 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 mai 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SARL AFT Distribution devant le tribunal administratif de Poitiers ;
3°) de rétablir la SARL AFT Distribution dans les rôles de la commune de Migné-Auxances à hauteur des impositions dont la décharge a été accordée par le tribunal.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la SARL AFT Distribution était fondée à opposer à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, les courriers de la DVNI des 20 décembre 2005 et 30 mai 2007 adressés à la société Babou et la décision du centre des impôts du 18 mars 2009 rejetant la réclamation de cette société : seule celle-ci était concernée par ces courriers de la DVNI ; la SARL AFT Distribution n'y était pas nommée et le service vérificateur s'est borné à examiner une convention cadre ; de plus, ces courriers ne concernaient que les années 2002 à 2005 ; valider la position du tribunal administratif aboutirait à remettre en cause la finalité de l'article L. 80 B et à créer un préjudice financier pour le Trésor.
Par ordonnance du 10 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2019 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par des conventions de gérance-mandat, la société Babou a confié à la SARL AFT Distribution l'exploitation d'un fonds de commerce d'articles de textiles et équipements de la maison situé à Migné-Auxances (Vienne). La SARL AFT Distribution a été assujettie à des compléments de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 à raison des immobilisations mises à sa disposition par la société Babou dans le cadre de ces conventions. Le tribunal administratif de Poitiers lui a accordé la décharge de ces impositions par un jugement du 22 mai 2017. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
3. Pour accorder à la SARL AFT Distribution la décharge des impositions litigeuses, auxquelles elle a été assujettie du fait de l'intégration dans sa base imposable de la valeur locative des locaux commerciaux mis à sa disposition par la société Babou, le tribunal administratif a estimé que la société était fondée à opposer à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, sa prise de position résultant, d'une part, de deux courriers en date des 20 décembre 2005 et 30 mai 2007 par lesquels elle indiquait à la société Babou que celle-ci avait, au sens et pour l'application de l'article 1467 du code général des impôts, la disposition, pour l'exercice de son activité professionnelle, des locaux commerciaux dont elle confiait la gestion à des tiers et que leur valeur locative entrait, en conséquence, dans l'assiette de son imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2002 à 2005, d'autre part, du rejet opposé pour les mêmes motifs le 18 mars 2009 à la réclamation de la société Babou portant sur la taxe professionnelle établie à son nom au titre des années 2006 à 2008 dans les rôles de la commune de Migné-Auxances à raison des mêmes locaux.
4. La prise de position contenue dans les courriers des 20 décembre 2005 et 30 mai 2007 ne concernait que la société Babou, à laquelle ces courriers étaient adressés, ainsi que les entreprises titulaires des contrats de gérance-mandat pour l'exploitation d'un magasin de la société Babou qui avaient fait l'objet de l'analyse de l'administration menée pour les impositions des années 2002 à 2005 et qui étaient identifiées en annexe au courrier du 30 mai 2007. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que la première convention de gérance-mandat conclue entre la société Babou et la SARL AFT Distribution date de 2008, la SARL AFT Distribution ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position de l'administration fiscale résultant de ses courriers des 20 décembre 2005 et 30 mai 2007.
5. En revanche, la décision du 18 mars 2009 par laquelle le directeur des services fiscaux, statuant sur la réclamation de la société Babou relative à la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008 dans les rôles de Migné-Auxances, indique à cette société qu'elle a, pour l'application de l'article 1467 du code général des impôts, la disposition des locaux situés dans cette commune pour les besoins de son activité alors même qu'ils sont mis à la disposition du mandataire-gérant, ce qui implique que seule la société Babou puisse être assujettie à raison de ces locaux, constitue une prise de position formelle dont la SARL AFT Distribution est susceptible, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, de se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour les années d'imposition ultérieures et tant que cette prise de position n'est pas devenue caduque ou n'a pas été rapportée.
En ce qui concerne l'année 2009 :
6. Eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, les contribuables sont en droit d'invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 B, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, les interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive. La prise de position sur l'appréciation de la situation de fait des sociétés Babou et SARL AFT Distribution au regard de l'article 1467 du code général des impôts a été exprimée le 18 mars 2009, soit antérieurement à la mise en recouvrement de l'imposition primitive. Dans ces conditions, la SARL AFT Distribution est fondée à opposer à l'administration la prise de position formelle contenue dans cette décision du 18 mars 2009 pour demander la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Migné-Auxances au titre de l'année 2009.
En ce qui concerne les années 2010 et 2011 :
7. L'infirmation par le juge de l'analyse à l'issue de laquelle l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal prive le redevable de la possibilité de se prévaloir de cette position, au titre de la garantie que donne l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour contester les impositions dont le fait générateur est postérieur à la date de cette infirmation contentieuse. En revanche, et eu égard à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par l'article L. 80 B précité, les dispositions de cet article permettent à un redevable de se prévaloir à l'encontre de l'administration de la position qu'elle a formellement prise sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, dans les conditions prévues par cet article, alors même que serait ultérieurement intervenue l'infirmation par le juge de l'analyse de l'administration, pour toutes les impositions dont le fait générateur est intervenu avant cette infirmation.
8. Si, par des arrêts du 23 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Lyon a infirmé l'analyse contenue dans la prise de position formelle évoquée ci-dessus au motif que les locaux étaient sous le contrôle des mandataires auxquels la société Babou en confiait l'exploitation, cette infirmation est intervenue postérieurement au 1er janvier 2010, date du fait générateur de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2010. La SARL AFT Distribution ne saurait, par suite, être privée de la possibilité de se prévaloir à l'encontre de l'administration de la position alors formellement exprimée par elle. Elle est par suite fondée à soutenir, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle invoque, que la position exprimée par l'administration dans la décision du 18 mars 2009 statuant sur la réclamation de la SAS Babou faisait obstacle au rehaussement de son imposition à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2010. En revanche, cette prise de position étant devenue caduque à la suite de l'intervention des arrêts du 23 décembre 2010, la SARL AFT Distribution ne peut s'en prévaloir pour la cotisation foncière des entreprises de l'année 2011 dont le fait générateur est postérieur à cette caducité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à demander le rétablissement de l'assujettissement de la SARL AFT Distribution à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2011 dans les rôles de la commune de Migné-Auxances et la réformation en ce sens du jugement attaqué.
10. Dès lors que la SARL AFT Distribution obtient en définitive satisfaction sur deux des trois années en litige, il n'y a pas lieu de remettre en cause la mise à la charge de l'Etat, par l'article 2 du jugement attaqué, de la somme de 600 euros au profit de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La SARL AFT Distribution est rétablie au rôle de cotisation foncière des entreprises de la commune de Migné-Auxances pour l'année 2011.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 mai 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus du recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AFT Distribution et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02862