Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 29 août 2016 et trois mémoires complémentaires enregistrés les 2 février 2017, 31 janvier 2018 et 13 avril 2018, la société par actions simplifiée Francelot, en la personne de ses dirigeants en exercice et représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402228 du 7 juillet 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de condamner la commune d'Yves à lui verser la somme de 877 000 euros au titre du préjudice économique, assortie des intérêts de droit à compter de la réception du recours indemnitaire préalable, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner la commune d'Yves à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, assortie des mêmes intérêts et capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Yves la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire complémentaire qu'elle a produit, enregistré par le greffe du tribunal le 3 juin 2016 alors qu'aucune clôture d'instruction n'a été prononcée avant l'audience tenue le 9 juin 2016, n'a été ni visé ni analysé ; ce mémoire contenait pourtant des éléments nouveaux démontrant que la commune avait connaissance du risque de submersion marine avant la tempête Xynthia ; le jugement ne répond d'ailleurs pas à ces nouveaux éléments et la commune, qui ne démontre pas que le mémoire enregistré le 3 juin 2016 est bien visé dans le jugement, ne peut sérieusement contester cette irrégularité, encore récemment sanctionnée par la jurisprudence ;
- la commune d'Yves avait connaissance tant de la fréquence des phénomènes de submersion du littoral charentais que de l'existence de phénomènes d'intensité comparable à celle de la tempête Xynthia ; le groupe de recherche " Submersions " a fourni une contribution aux missions d'enquête parlementaire et sénatoriale sur Xynthia recensant trente épisodes de submersions sur le littoral " Poitou Charentes - Pays de Loire " entre les années 1500 et 2010 et a notamment conclu que " les résultats historiques accumulés battent en brèche l'idée selon laquelle la submersion de février 2010 fut un aléa totalement imprévisible " ; en outre, Météo-France a reconnu que " du point de vue météorologique, la tempête Xynthia, de taille et d'intensité peu communes, n'a pas atteint pour autant le caractère exceptionnel des tempêtes Lothar et Martin " de décembre 1999 ; consciente du risque, la commune n'a pourtant pas mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 125-2 du code de l'environnement qui permettent de refuser un permis dans des zones dangereuses ;
- sa qualité de professionnel de l'immobilier ne saurait exonérer la commune de sa responsabilité dès lors que la zone était répertoriée en " aléa moyen " dans le plan de prévention des risques naturels alors en cours d'élaboration et que ce classement n'était pas de nature à interdire la réalisation du projet de ladite société et ne rendait pas la parcelle inconstructible ;
- la tempête Xynthia n'est pas constitutive d'un évènement de force majeure puisqu'elle pouvait être prévisible ; contrairement à ce que soutient la commune, cette tempête est comparable aux autres tempêtes du siècle dernier, et notamment à l'ouragan Martin ; la commune se borne à citer sans le produire un rapport d'expertise indiquant que la tempête Xynthia s'est définie par une concomitance entre une grande marée et une forte dépression ; or, ces phénomènes ne sont en rien exceptionnels dans le département de Charente-Maritime, ainsi que l'ont indiqué les services de la DREAL et de Météo-France ; la commune était nécessairement informée de l'existence des digues sur son territoire, et de la raison de leur implantation ; il semble donc très peu probable qu'elle n'ait eu aucune information quant à l'existence de ces risques, et de la zone dans laquelle ils étaient les plus élevés ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la commune et les services de l'Etat connaissaient parfaitement le risque de submersion pesant sur le littoral charentais et les services préfectoraux avaient d'ailleurs dès l'année 2008 prescrit l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels littoraux ; la commune avait ainsi une parfaite connaissance du risque que constituait la délivrance de l'autorisation litigieuse pour la sécurité publique et n'a pas fait application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; la jurisprudence a d'ailleurs condamné l'abstention fautive de communes qui n'ont pas délivré l'information adéquate et complète sur les caractéristiques de la zone acquise et ont méconnu leurs obligations en matière d'urbanisme en ne mentionnant dans l'autorisation d'aménagement du lotissement aucune restriction quant à l'utilisation du terrain ;
- la commune n'a pas non plus tiré toutes les conséquences des mesures engagées en matière de prévention des risques naturels en modifiant le document d'urbanisme communal, alors que le terrain en cause avait déjà été inondé lors de la tempête de 1999, de sorte que les autorités étaient parfaitement conscientes du risque de submersion marine pesant sur ces parcelles et du danger considérable pour les futurs habitants ;
- l'achat du terrain n'aurait bien évidemment pas eu lieu si la commune l'avait alertée sur les risques potentiels de classement futur de la zone visée dans l'acte d'achat ; il n'en a cependant rien été, la commune ayant délivré successivement un certificat d'urbanisme positif et un permis d'aménager, et il a fallu attendre la tempête Xynthia pour que la connaissance du risque ressurgisse et que la commune agisse enfin ; le lien de causalité avec son préjudice n'est dans ces conditions pas contestable ;
- la réalisation de son projet, raison exclusive de son achat, étant devenue impossible, elle est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice économique, lequel comprend la somme de 842 000 euros correspondant au prix d'achat de la parcelle en cause, à laquelle s'ajoute la somme de 35 000 euros au titre des obligations converties ;
- l'impasse dans laquelle elle se trouve, dès lors que la parcelle achetée ne pourra pas être le lieu d'assise de son projet très ambitieux qui aurait pu dynamiser la zone, et l'engagement d'une procédure contentieuse sur le fondement de la responsabilité de la collectivité pour défaut d'information au moment de l'acte d'achat, lui occasionnent un préjudice moral qu'elle évalue à 5 000 euros.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 décembre 2017 et 15 mars 2018, la commune d'Yves, en la personne de son maire en exercice et représentée par la société civile professionnelle d'avocats Pielberg-A... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Francelot d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- si l'original du jugement comporte toutes les mentions règlementaires requises, les inexactitudes ou les omissions figurant dans les expéditions adressées aux parties n'ont pas d'incidence sur cette régularité ; en l'espèce, la minute du jugement du 7 juillet 2016 comporte bien la mention du mémoire complémentaire du 16 juin 2016 de la société requérante ainsi que l'analyse des moyens que ce mémoire contenait ; de plus, le tribunal a effectivement répondu au moyen avancé par la société dans son mémoire complémentaire tiré de ce que la commune aurait eu une connaissance générale du risque de submersion du secteur des " Bouchôleurs ", en indiquant que la société ne démontre pas " la connaissance par [la] collectivité de l'ampleur du risque de submersion affectant sa propriété et qui n'a été révélé que par le passage de la tempête " Xynthia " et les études menées par la suite par les services de la préfecture de la Charente Maritime " ;
- si l'administration est susceptible d'engager sa responsabilité du fait de la délivrance irrégulière d'un permis de construire lorsque la construction est touchée par un phénomène naturel dont le risque aurait dû conduire au refus du permis ou à la délivrance d'un permis assorti de toutes les prescriptions nécessaires, encore faut-il que le pétitionnaire démontre que l'administration avait une connaissance certaine du risque précisément identifié au regard des techniques en sa possession ; dès lors que l'évènement naturel ayant affecté une construction peut être rattaché à des conditions météorologiques particulièrement exceptionnelles et imprévisibles, l'administration ne saurait être considérée comme ayant commis une faute en délivrant un permis non assorti de prescriptions spéciales ; la jurisprudence a pu estimer que la tempête " Xynthia " avait constitué un phénomène météorologique de grande ampleur ayant bouleversé l'état des connaissances et imposé la définition de nouvelles zones d'aléas pour déterminer la liste des communes exposées à un risque majeur d'inondation maritime en raison des caractéristiques de leur littoral. Cette tempête n'a été comparable à aucun des évènements antérieurs et notamment pas à l'ouragan " Martin " du 27 décembre 1999, ni par son intensité, ni par ses effets qui ont été principalement causés par la submersion marine et non par le seul vent comme en 1999 ;
- la société requérante ne saurait sérieusement mettre en avant que la commune aurait manqué à son obligation d'information au regard des conclusions d'une commission d'enquête parlementaire et sénatoriale sur les conséquences de la tempête " Xynthia " établies bien postérieurement à cet évènement et des différentes études menées dans le cadre de l'élaboration ou de la révision des plan de prévention des risques naturels de la côte charentaise ; ce même rapport n'établit pas, par la généralité de ses propos, qu'elle aurait eu une parfaite connaissance non seulement de la fréquence des phénomènes de submersion ou l'existence de tempêtes d'une intensité comparable à celle de " Xynthia " pour le terrain d'assiette du projet en cause ; seul le passage de " Xynthia " a pu révéler que le secteur d'implantation du projet d'aménagement était en réalité soumis à un risque important de submersion marine, alors que ce terrain n'avait auparavant jamais connu de problème majeur d'inondation et n'était donc pas incorporé dans un quelconque plan de prévention des risques naturels ; enfin, les caractéristiques présentées par la tempête " Xynthia ", notamment par la surcote qu'elle avait entraînée, étaient tout à fait exceptionnelles au regard des précédentes tempêtes et notamment des tempêtes de 1999 et 2009 ; l'appelante n'établit pas que les informations que détenait la commune d'Yves avant le recueil des données suite à la tempête " Xynthia " auraient permis de déterminer avec une précision suffisante les zones susceptibles de faire l'objet d'une telle submersion sur le territoire de la commune ;
- les différentes jurisprudences citées par l'appelante au soutien de son moyen tiré de ce que le permis d'aménager accordé le 6 mai 2009 aurait dû faire l'objet d'un refus en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard des risques de submersion concernent toutes des autorisations d'urbanisme accordées bien après le passage de la tempête "Xynthia " et à une époque où la préfecture de la Charente Maritime fondait ses décisions sur des cartographies établies en 2012 pour les premières d'entre elles et qui faisaient apparaître le risque de submersion marine ; or, à la date de la délivrance du permis d'aménager litigieux, le 6 mai 2009, elle ne disposait d'aucune information sur la réalité et l'importance du risque de submersion marine auquel était soumis le terrain d'assiette du projet ; en l'absence d'élément technique, et notamment des études apparues dans le cadre des révisions ou des élaborations des plans de prévention des risques naturels suite au passage de la tempête " Xynthia " lui permettant de considérer que le terrain en cause était soumis à un risque grave et avéré de submersion marine, elle ne pouvait s'opposer au projet ;
- si le caractère irrégulier du permis délivré à l'appelante devait être reconnu du fait de la connaissance d'un risque prévisible de submersion, il ne pourra qu'être constaté que la société Francelot, en sa qualité de professionnel averti de la construction et de l'aménagement a nécessairement commis une faute de nature à l'exonérer totalement de toute responsabilité, dès lors qu'elle ne s'est jamais enquise des risques existants quant à la survenance d'un nouveau phénomène climatique de nature à affecter son projet dans une zone proche du rivage et alors qu'il était expressément mentionné dans le permis d'aménager que " (...) le projet d'aménagement est situé en aléa moyen dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels de l'estuaire de la Charente, tous les principes de précaution pour limiter les risques liés à la submersion devront être pris " ;
- le lien de causalité entre le préjudice économique allégué et le défaut d'information dans la délivrance du permis d'aménager n'apparaît pas établi ; la situation actuelle ne résulte pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, de l'achat d'une parcelle classée en zone inconstructible, mais bien de son inconstructibilité, à la supposer avérée, résultant de la prise en considération d'un risque avéré apparu ultérieurement à l'achat du terrain et lié à la survenance de la tempête " Xynthia " ; la somme réclamée de 877 000 euros correspondant à l'achat du terrain, alors que celui-ci présente par définition une valeur résiduelle moindre dès lors qu'il n'est pas constructible, est nettement surévaluée ;
- si la société Francelot justifie de la réalité d'un supposé préjudice moral en soutenant qu'il est toujours difficile du point de vue moral pour une société commerciale d'engager une action en responsabilité contre une collectivité, un tel argument ne saurait être retenu de la part d'une société commerciale spécialisée dans la construction et l'aménagement, qui ne démontre nullement l'exacte consistance d'un tel préjudice.
Un courrier du 16 mars 2018 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
L'instruction a été close au 23 avril 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la société Francelot et de MeA..., représentant la commune d'Yves.
Une note en délibéré présentée pour la société Francelot a été enregistrée le 11 mai 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 mai 2009, le maire de la commune d'Yves (Charente-Maritime) a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Francelot un permis d'aménager un lotissement de 47 lots comprenant des logements à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section AC n° 188 située avenue de la Cabane des Sables. A la suite de la tempête " Xynthia " survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, le préfet de la Charente-Maritime, par un arrêté du 7 juin 2011, a mis en application anticipée certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels (PPRN) de submersion de la commune d'Yves, et a notamment classé le terrain acquis par la SAS Francelot le 5 février 2010 en zone rouge Rs5 inconstructible. Par lettre en date du 12 mai 2014, la société Francelot a sollicité de la commune d'Yves la réparation de ses préjudices économique et moral pour un montant total de 882 000 euros. A la suite du refus opposé le 5 juin 2014, la société Francelot a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Yves à lui verser d'une part, une indemnité de 877 000 euros en réparation du préjudice économique qu'elle a subi du fait de la privation de la possibilité de réaliser le lotissement projeté, et d'autre part, une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. La société Francelot relève appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la société Francelot fait valoir que le tribunal a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire complémentaire enregistré le 16 juin 2016 qu'elle a produit avant la clôture de l'instruction, intervenue trois jours avant l'audience qui s'est tenue le 23 juin 2016, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures, lesquelles consistaient notamment en une énumération des événements climatiques tempétueux constatés sur le littoral charentais depuis le XVIème siècle, n'apportaient aucun élément nouveau concret sur la parcelle en litige auquel les premiers juges n'auraient pas répondu dans leurs motifs en indiquant notamment " qu' il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que la commune d'Yves avait connaissance de manière suffisamment précise de l'ampleur du risque de submersion affectant la parcelle de terrain cadastrée section AC n° 188 avant le retour d'expérience de la tempête " Xynthia ". Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur la responsabilité de la commune :
3. L'article L. 125-2 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date du permis en cause prévoit que : " Les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s'applique aux risques (...) naturels prévisibles. (...) Cette information est délivrée avec l'assistance des services de l'Etat compétents, à partir des éléments portés à la connaissance du maire par le représentant de l'Etat dans le département (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
" Le permis (...) peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. " Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
4. La société requérante soutient, d'une part, que le maire de la commune d'Yves a commis une faute en délivrant, le 6 mai 2009, un permis d'aménager un lotissement, sans l'avertir du risque de submersion marine et, d'autre part, que le maire aurait dû lui refuser la délivrance du permis sollicité en application des dispositions des articles L. 125-2 du code de l'environnement et R. 111-2 du code de l'urbanisme.
5. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet était répertorié dans une zone d'aléa moyen de submersion marine dans le document intitulé " Eléments de mémoire sur la tempête du 27 décembre 1999 ", dans l'atlas départemental des risques littoraux rédigé en 2001 ou encore le dossier départemental des risques majeurs élaboré en 2007, et l'ensemble de ces éléments a été porté à la connaissance des maires et du public, notamment par une réunion d'information organisée en 2004 à destination des élus locaux concernant la prise en compte du risque d'inondation et de submersion dans l'instruction des dossiers d'autorisation d'occupation des sols. La commune, ainsi que le reconnaît la société requérante, a bien tenu compte de ces éléments en indiquant dans le permis d'aménager que le " terrain est situé dans une zone d'aléa moyen dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels de l'estuaire de la Charente, tous les principes de précaution pour limiter les risques de submersion devront être pris ". Il ne résulte ni de l'instruction ni des documents produits par la société Francelot, au demeurant professionnel de l'immobilier, concernant l'ensemble du littoral charentais recensant plus de vingt tempêtes depuis le XVIème siècle sans indication précise sur leur intensité ou leur localisation, qu'avant la tempête Xynthia, le territoire de la commune d'Yves et notamment le terrain en cause aient connu des phénomènes de submersion d'une ampleur comparable à ceux constatés lors de cette tempête. Il ne peut ainsi être reproché à la commune de ne pas avoir informé la société pétitionnaire de l'existence d'un risque de submersion semblable à celui survenu lors de la tempête Xynthia. Enfin, si la collectivité était bien informée de l'existence d'un risque de submersion marine au vu des documents précités, il ne résulte pas de l'instruction qu'au regard des connaissances relatives à l'importance de ce risque à la date de la délivrance du permis et de la prescription émise dans l'arrêté du 6 mai 2009 relative à ce risque, le maire de la commune d'Yves ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en délivrant le permis d'aménager sollicité par la société Francelot. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a écarté les moyens tirés de ce que la commune d'Yves aurait commis une faute en accordant le permis d'aménager en cause en méconnaissance des articles L. 125-2 du code de l'environnement et R. 111-2 du code de l'urbanisme.
6. Pour les mêmes raisons, et alors que le plan local d'urbanisme avait été adopté le 13 juillet 2006 en classant le secteur en zone AU et qu'une révision du plan de prévention des risques d'inondation avait été ordonnée en 2008 et n'avait pas encore abouti, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant de procéder à la révision de son plan local d'urbanisme pour tenir compte de risques d'inondations qui ne se sont révélés qu'après l'acquisition de la parcelle en litige, la commune ait commis une faute de nature à générer les préjudices allégués.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Francelot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'indemnisation.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Francelot est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel de la commune d'Yves sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Francelot et à la commune d'Yves. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈS Le président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
N°16BX02966 7