Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, M. D...C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2017;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle serait refusée, de lui verser cette somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il recherche activement un emploi dans son domaine de compétence, que ses démarches ont été ralenties à compter de juillet 2016 du fait de son impossibilité à s'inscrire à Pôle emploi en étant seulement titulaire d'une autorisation provisoire au séjour, et qu'il a obtenu une promesse d'embauche le 10 juillet 2017 ; il réside depuis 8 ans en France, où il est parfaitement intégré ;
- la décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation dès lors qu'il ne pourra reprendre une vie normale dans son pays en raison des risques encourus ;
- la décision est également entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle retient qu'il n'a pas effectué des démarches afin d'obtenir un emploi alors qu'il justifie de ses démarches et n'a pu obtenir un emploi en raison de sa situation administrative ; le préfet ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas présenter un contrat de travail ou une promesse d'embauche à la date de la décision attaquée, dès lors que sa situation administrative entraîne des difficultés dans la recherche d'emploi ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; son père, haut fonctionnaire sous le régime du président Mobutu, est considéré comme un opposant politique par le gouvernement actuel ;
- le préfet n'a pas pris en compte les menaces invoquées et s'est cru en situation de compétence liée en se fondant seulement sur les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté sa demande d'asile.
Par ordonnance du 20 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2018 à 12h00.
Un mémoire présenté pour le préfet de la Haute-Garonne a été enregistré le 27 avril 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. D...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°9l-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...C..., né le 6 mai 1988, de nationalité congolaise, est entré en France le 22 septembre 2010 muni d'un visa de long séjour portant la mention "étudiant". Il a ensuite bénéficié de plusieurs titres de séjour portant la même mention jusqu'au 22 août 2013. Le 28 janvier 2014, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Le statut de réfugié lui a été refusé le 23 juillet 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 février 2015. Le 30 janvier 2015, M. D... C...a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 juillet 2015. Toutefois, par arrêt du 21 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse ainsi que l'arrêté du 30 janvier 2015 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé. Le 10 mars 2016, M. D...C...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 18 avril 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D...C...relève appel du jugement du 27 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. M. D...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018 du tribunal de grande instance de Bordeaux. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :
3. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. M. D...C...soutient en premier lieu que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait en considérant qu'il ne produisait aucun élément permettant d'établir qu'il était toujours à la recherche d'un emploi et qu'il ne disposait pas d'une promesse d'embauche, sans prendre en compte les raisons, liées à sa situation administrative, pour lesquelles il éprouvait des difficultés pour rechercher un emploi. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D...C...n'a produit aucun élément permettant d'attester de la poursuite de cette recherche d'emploi depuis le mois de juillet 2016, soit depuis plus de 9 mois à la date de la décision attaquée, et la circonstance qu'il a obtenu, postérieurement à la décision en litige, une promesse d'embauche, au demeurant sans lien avec son projet professionnel, ne permet pas de caractériser l'erreur de fait alléguée. De même, il est constant que M. D...C...n'a produit aucune promesse d'embauche à l'appui de sa demande de titre de séjour. Enfin, si M. D...C...fait valoir que sa situation administrative l'a empêché de rechercher activement un emploi dès lors que, en possession d'une simple autorisation provisoire de séjour, il n'a pas été autorisé à s'inscrire à Pôle Emploi, il ressort également du bilan Pôle Emploi établi le 11 juillet 2016 et produit au dossier, que le principal frein à l'accès à l'emploi pour M. D...C...résulte de sa période d'inactivité après l'obtention de son diplôme de Master à l'issue de l'année universitaire 2012-2013. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit donc être écarté.
6. M. D...C...fait valoir qu'il est entré en France en 2010 afin d'y poursuivre ses études, au cours desquelles il a obtenu en 2013 un master professionnel en sciences, technologies, santé mention " génie électrique et informatique industriel " spécialité " mesures et traitement de l'information " et qu'il est parfaitement intégré dans la société française. Si M. D... C...résidait en France depuis sept ans à la date de la décision attaquée, il est célibataire et sans enfant et il a vécu sur le territoire français sous couvert d'un titre de séjour étudiant pendant trois ans. L'activité de bénévole exercée au sein d'une association ne suffit pas à justifier d'une insertion particulière dans la société française. De plus, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident toujours ses parents et ses six frères. Enfin, s'il allègue qu'il court des risques en cas de retour dans son pays en raison de l'arrestation de son père le 3 janvier 2014 à la suite d'un changement de gouvernement en République démocratique du Congo, aucune pièce du dossier ne permet d'établir le caractère personnel, actuel et réel de ce risque. Dans ces conditions, le refus d'admission exceptionnelle au séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Le refus d'admission au séjour n'étant pas illégal, le moyen tiré de l'absence de base légale de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français, M. D...C...n'est pas fondé à soutenir, par voie d'exception, que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2º Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3º Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.
10. Le préfet de la Haute-Garonne a indiqué, dans la décision attaquée, que M. D...C...n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'hypothèse d'un renvoi dans son pays d'origine et que sa demande d'asile avait été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 juillet 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 février 2015. La circonstance que le préfet ait mentionné que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sont les " seules instances compétentes en matière d'asile " ne suffit pas à démontrer que le préfet se serait cru lié par les décisions prises en matière d'asile et n'aurait pas procédé à sa propre évaluation des risques encourus par M. D...C...en cas de retour en République démocratique du Congo.
11. En troisième lieu, M. D...C...soutient qu'il ne peut retourner en République démocratique du Congo dès lors qu'il y encourt des risques de persécutions en raison de la situation de son père qui, en tant que haut fonctionnaire sous le régime du président Mobutu, est considéré comme un opposant au président Kabila. Toutefois, et alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile, M. D...C..., qui se prévaut d'éléments factuels dont les plus récents datent de 2014, ne démontre pas qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. D...C....
Article 2 : La requête de M. D...C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00342