Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 3 janvier 2017, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour de :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'indique la décision attaquée, il est entré en France fin 2009 et non le 14 février 2014 ; son bref retour, début 2014, pour aller chercher le visa que lui réclamait l'administration française, ne peut suffire à mettre à néant ses quatre premières années de présence en France. ;
- il n'a pas sollicité un changement de statut mais le renouvellement de son titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
- dès lors qu'il séjourne en France depuis l'année 2009 sous couvert d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", il aurait dû se voir délivrer, lorsqu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, non pas un nouveau titre de séjour d'un an, mais bien une carte de résident, en application de l'article 1er de l'accord franco-marocain ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en refusant le renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale ", alors même qu'il ne remplissait plus la condition de vie commune avec son épouse, dans la mesure où il pouvait parfaitement continuer à prétendre au titre de séjour " vie privée et familiale " au regard du 7° du L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en justifiant d'une durée de séjour régulière de près de six ans, d'une parfaite intégration professionnelle et de liens personnels en France ; compte tenu de la durée de son séjour en France, les liens qu'il a pu conserver au Maroc se sont nécessairement distendus ;
- si la cour concluait à l'absence d'erreur manifeste d'appréciation sur le fondement de la vie "privée et familiale", elle devrait effectivement vérifier la légalité du refus d'autorisation de travail qui lui a été opposé, car le préfet s'est nécessairement prononcé au regard des articles L. 313-14 et L. 313-11 ( 7°) du CESEDA, ayant considéré que M. A...n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour ;
- le refus de lui délivrer une autorisation de travail repose sur des erreurs de droit et de fait ; les 69 bulletins de salaire qu'il produit attestent de son intégration par le travail ; la condition prévue au 9ème paragraphe de l'article 1er de l'arrêté du 10 octobre 2007 est ainsi satisfaite ; il justifie également occuper effectivement les fonctions de chef de chantier, bien que l'entreprise qui l'emploie ne compte que deux salariés en interne, dès lors que cette entreprise a recours à de nombreux travailleurs intérimaires, qu'il encadre ; enfin, contrairement à ce qu'affirme le préfet dans l'arrêté en litige, la mention de son contrat signé en janvier 2016 indiquant un " temps partiel de 35 heures hebdomadaires soit 151 heures 67 mensuelles " correspond en en réalité à un temps plein.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et renvoie à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 30 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2017 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 28 février 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 17 novembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M.A.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants marocains
Vu :
- l'accord du 9 octobre 1987 conclu entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience :
Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., né le 25 décembre 1982, de nationalité marocaine, est entré pour la dernière fois en France le 14 février 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, suite à son mariage célébré le 16 novembre 2013 avec MmeG..., de nationalité française. Le 3 juillet 2015, M. A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 17 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, M. A...conteste la date d'entrée en France figurant dans la décision, soit le 14 février 2014, et fait valoir qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis fin 2009. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré une première fois en France le 22 janvier 2010 sous le couvert d'un visa " D " long séjour portant la mention "vie privée et familiale " à la suite de son mariage avec une ressortissante française Mme B...C.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants marocains Après son divorce en 2012 et l'expiration de son titre de séjour délivré sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant qu'il est demeuré en situation irrégulière sur le territoire français et a été contraint de repartir, fût-ce pour une courte durée, début 2014, pour obtenir un nouveau visa de long séjour valant titre de séjour délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la suite d'un second mariage célébré le 16 novembre 2013 à Orléans. Ainsi, c'est sans erreur de fait que le préfet a considéré qu'il était entré sur le territoire français le 14 février 2014.
3. En deuxième lieu, de la même façon, en considérant que M. A...avait sollicité un changement de statut, le préfet ne s'est pas livré à une appréciation erronée des faits, le requérant ayant expressément présenté, dans un formulaire de demande de rendez-vous le 21 janvier 2015, une telle demande au motif qu'il détenait un contrat à durée indéterminée. En tout état de cause, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des mentions mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Gironde a estimé que l'intéressé n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application de ce même code et doit ainsi être regardé comme s'étant prononcé sur le bien-fondé de cette demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, publié au Journal officiel de la République française du 11 mars 1994 : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. (...) ". M.A..., entré en dernier lieu en France le 14 février 2014, et qui y a séjourné sous couvert de titres de séjour temporaires d'une durée d'un an en qualité de conjoint de français et non d'une carte de séjour d'une durée de validité égale ou supérieure à trois ans, ne peut se prévaloir de ces stipulations.
5. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". L'article 9 du même accord prévoit que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Il résulte de l'application combinée de ces stipulations que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants marocains
6. Selon les termes de l'article R. 5221-12 du code du travail : " La liste des documents à présenter à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. ". Le 9° de l'article 1er de cet arrêté en date du 10 octobre 2007 susvisé mentionne " le curriculum vitae du salarié ou tout autre justificatif de sa qualification et de son expérience ". Aux termes de l'article R. 5221-20 dudit code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".
7. M. A...a produit, à l'appui de sa demande, un contrat de travail à durée indéterminée de la société HL Services en qualité de chef de chantier. Préalablement à l'édiction de l'arrêté critiqué, le préfet de la Gironde a par décision du 17 septembre 2015, confirmée le 5 avril 2016, refusé de délivrer à l'intéressé l'autorisation de travail qu'il avait sollicitée en indiquant, notamment, que ni M. A...ni son employeur n'avaient produit de diplôme ou de titre sanctionnant une formation de chef de chantier ou une fiche de poste pour cet emploi, alors que l'entreprise ne comprenait que deux salariés. Si M.A..., qui est recevable à exciper de l'illégalité dudit refus, fait valoir qu'il justifie de l'expérience nécessaire pour exercer une telle fonction, les emplois précédemment occupés depuis le mois d'avril 2010 d'opérateur polyvalent, de manoeuvre, de monteur-magasinier, d'ouvrier d'exécution, de manutentionnaire, d'opérateur de fabrication et d'aide monteur ne sont pas de nature à le faire regarder comme ayant acquis le niveau de qualification et l'expérience nécessaires à l'exercice de l'emploi de chef de chantier BTP, qui ne lui a été proposé qu'à l'issue d'une première demande de son employeur pour un poste de manoeuvre, rejetée par le préfet. De même, la liste des intérimaires employés par la société HL Services au cours de l'année 2016 n'apparaît pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet. Ce seul motif suffisait donc à justifier le refus opposé par le préfet à la demande d'autorisation de travail de M.A.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants marocains Par suite, la circonstance que le préfet ait estimé par erreur que la durée de travail prévue dans le contrat de travail dont se prévaut M. A...était à temps partiel, n'a pas eu d'incidence sur la légalité de ce refus. Dans ces conditions, l'arrêté de refus de titre de séjour n'est pas entaché d'illégalité par voie de conséquence.
8. Les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié, qui prévoient les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants marocains un titre de séjour en qualité de salarié, font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du même code. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Or, si M. A... fait valoir qu'il a travaillé depuis 2010 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, ces circonstances ne sont pas de nature à démontrer une erreur manifeste d'appréciation du préfet de la Gironde dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
9. En dernier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie notamment par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. A...soutient qu'il réside en France depuis six ans et travaille régulièrement en tant qu'ouvrier du bâtiment. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...est séparé de son épouse, qu'aucun enfant n'est né de leur union ou de son premier mariage, et qu'il n'établit pas disposer d'autres liens personnels ou familiaux sur le territoire. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de 27 ans et où résident ses parents et ses frères et soeurs. Ainsi, et nonobstant ses efforts d'intégration par le travail, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît donc pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, M.A..., qui peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ne démontre pas que sa demande répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait par des motifs exceptionnels. Le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. NourredineA...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressé au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNE Le président,
Catherine GIRAULT Le greffier,
Delphine CERON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
16BX04041 3